Charles Péguy est né en 1873 à Orléans, dans une famille modeste.
Sa mère, Cécile Quéré, est rempailleuse de chaises, et son père, Désiré Péguy, est menuisier.
Quelque mois après sa naissance, et suite au décès de son père, Charles est élevé par sa grand-mère et sa maman.
De 1879 à 1885, il fréquente les cours de l'école primaire annexée à l'Ecole normale d'instituteurs d'Orléans.
En 1885, il entre au lycée d'Orléans, grâce à une bourse qui lui permet de continuer ses études. Peguy obtient son baccalauréat six ans plus tard, en juillet 1891.
Semi-boursier d'Etat, Péguy prépare ensuite le concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure au lycée Lakanal, à Sceaux, puis au collège Sainte-Barbe.
Il intègre l'Ecole normale supérieure en juillet 1894.
Entre temps, de septembre 1892 à septembre 1893, il exécute son service militaire au 131e régiment d'infanterie.
À l'Ecole normale supérieure, il est l'élève de Romain Rolland et de Henri Bergson, qui ont une influence sur lui...
Il adhère aux idées socialistes, selon une vision toute personnelle constituée de rêve de fraternité et de convictions tirées de sa culture chrétienne, qu'il affirme dès sa première année à l'école.
Lorsqu'éclate l'affaire Dreyfus, il se range de suite du côté des dreyfusards.
Péguy est profondément révolté par l'antisémitisme, au point d'avoir réclamé une réparation par duel au pistolet, après une plaisanterie faite à l'encontre de son ami Albert Lévy.
Il conserve à l'esprit de l'année 1898 le souvenir d'une période inoubliable de béatitude révolutionnaire.
En janvier de cette même année, il signe toutes les protestations publiées dans l'Aurore pour demander la révision du procès Dreyfus, alors même qu'il prépare l'agrégation.
Il participe à de nombreux affrontements entre dreyfusards et antidreyfusards.
En février 1897, il écrit son premier article dans la Revue socialiste.
En juin 1897, il achève d'écrire "Jeanne d'Arc", une pièce de théâtre pour laquelle il s'est abondamment documenté.
Péguy axe son idéal socialiste sur le rêve et l'espoir d'une société reposant sur l'amour et l'égalité entre les hommes... comme toujours il eut le souci de tenir unis sa foi politique et sa foi religieuse.
Ainsi, Péguy n'entend pas séparer l'esprit du baptême et celui de sa culture.
Le 28 octobre 1897, il épouse civilement Charlotte-Françoise Baudouin, sœur de Marcel Baudouin, un de ses proches amis décédé trois mois plus tôt.
Ils auront quatre enfants : Marcel (1898-1972), Germaine (1901-?), Pierre (1903-1941) et Charles-Pierre (1915-2005).
En 1898, il fonde, près de la Sorbonne, la librairie Bellais, qui servira de quartier général au mouvement dreyfusiste ; son échec à l'agrégation de philosophie l'éloigne définitivement de l'université.
A la même époque, il écrit dans la Revue blanche.
En politique, après sa "conversion" au socialisme, Péguy soutient longtemps Jean Jaurès, son compagnon d'études à l'Ecole normale supérieure, avant qu'il n'en vienne à considérer ce dernier, à cause de son "pacifisme", comme un traître à la nation et à sa vision du socialisme.
Dans l'immédiate avant-guerre, et en raison du climat fiévreux d'une revanche longtemps espérée sur l'Allemagne, il écrit dans le Petit Journal daté du 22 juin 1913 : "Dès la déclaration de guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès, nous n'avons pas besoin d'un traître pour nous poignarder dans le dos".
Pour Péguy, la République se doit de poursuivre, par son organisation, ses exigences morales et donc son énergie, l'œuvre de progrès de la monarchie au service du peuple tout entier, et non pas au service de quelques-uns - comme la IIIe République le faisait selon lui, à cause de la faiblesse de son exécutif et de l'emprise abusive des partis.
Son nationalisme est spontanément philo-judaïque par fidélité à nos racines autant judéo-chrétiennes que gréco-romaines.
Pour lui, la "race française" est le fruit millénaire d'une correspondance entre un peuple et une terre irriguée par des siècles de christianisme ; le christianisme est d'abord païen, au sens de paganus (paysan). C'est à cette vision de la nation qu'adhèrent plus tard Bernanos et De Gaulle.
Par conviction, il s'oppose fermement à cet "universalisme facile" qui commence, à ses yeux, à marquer la vie économique et culturelle. Ainsi, dit-il : "Je ne veux pas que l'autre soit le même, je veux que l'autre soit autre. C'est à Babel qu'était la confusion, dit Dieu, cette fois que l'homme voulut faire le malin".
Pour Péguy, tout ce qui relève de la confusion et du désordre enchaîne ; ce sont l'ordre, l'organisation et la rationalité qui libèrent.
Son retour au catholicisme, dont il avait été nourri durant son enfance, a eu lieu entre 1907 et 1908. Il confie en septembre 1908 à son ami Joseph Lotte : "Je ne t'ai pas tout dit… J'ai retrouvé la foi… Je suis catholique…".
Son intransigeance et son caractère passionné le rendent suspect à la fois aux yeux de l'Eglise, dont il attaque l'autoritarisme, et aux yeux des socialistes, dont il dénonce l'anticléricalisme ou, un peu plus tard, le pacifisme, pour lui inopérant et encore plus à contre-sens, quand l'Allemagne redevient menaçante.
Péguy exprime aussi violemment son rejet de la modernité : "Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à la retraite". Dans ses Cahiers de la quinzaine, il écrit : "Aujourd'hui, dans le désarroi des consciences, nous sommes malheureusement en mesure de dire que le monde moderne s'est trouvé, et qu'il s'est trouvé mauvais".
Il se sépare ainsi, peu à peu, de la gauche parlementaire, qui à ses yeux se rend coupable de trahir ses idéaux de justice et de vérité, pour rejoindre les rangs des nationalistes qui jugent inévitable une nouvelle guerre. Conflit nécessaire à recouvrer l'intégrité du territoire d'une France mythifiée par le culte de figures comme celles de Richelieu ou, surtout, Jeanne d'Arc.
Deux ans plus tard, dans Zangwill, il allie ce rejet de la modernité à celui d'une certaine idée du progrès, "grande loi de la société moderne".
Péguy critique dans la modernité, d'abord la vanité de l'homme qui prétend remplacer Dieu, et ensuite, un avilissement moral largement inévitable, en raison surtout de la part donnée à l'argent et à l'âpreté mise dans sa recherche et son accumulation ; un monde qui tourne le dos aux humbles vertus du travail patient de l'artisan ou du paysan.
Lieutenant de réserve, Charles Peguy part en campagne dès la mobilisation en août 1914, au sein de la 19e compagnie du 276e régiment d'infanterie.
Le samedi 5 septembre 1914, à Villeroy (près de Meaux, au Nord-Est de Paris), il meurt au combat la veille de la bataille de la Marne, tué d'une balle dans la tête alors qu'il ne prétend pas se protéger, et qu'il exhorte sa compagnie à ne pas céder un pouce de terre française à l'ennemi.
Un de ses proches, Joseph Le Taconnoux, que ses camarades mobilisés surnommaient Taco a rapporté qu'avant son départ pour le front, Péguy lui avait affirmé : "Tu les vois, mes gars ? Avec ça, on va refaire 93".
Il ne connaitra pas son dernier fils, Charles-Pierre, qui verra le jour en février 1915.
Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle.
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l'appareil des grandes funérailles.
Ch. P.
Mais aussi : ici Historique du 276e RI : ici