Jacques Mechelynck-Masson est né le 24 juillet 1894, de l'union d'Edouard Mechelynck et de Mathilde De Mot.
Il est aussi issu, par son père, d’une vieille famille gantoise de magistrats installée à Bruxelles.
En 1914, Jacques est étudiant en droit à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), lorsque la guerre éclate. Il a tout juste vingt ans et il vit aux côtés de ses deux soeurs, Cécile et Madeleine, et de son frère Robert...
A 20 ans, il n’hésite pas, comme d'autres étudiants, dès le mois de septembre, à s'engager comme volontaire dans le Régiment des Grenadiers, avec lequel, plus tard, il prendra part, entre autres, à la batailles de l’Yzer et à celle de Steenstraete.
Promu au grade de caporal, ensuite, à celui de sergent, il sera élevé à celui d’adjudant en août 1915 ; pour ensuite être commissionné, en qualité d'officier, au début de l'année 1918.
Fait prisonnier, peu de temps après avoir été promu, il est libéré à l'occasion de l’Armistice.
Démobilisé en 1919, il reprend ses études de droit.
Après quelques années de pratique au barreau, il entre au sein de la magistrature dans laquelle il fera une brillante carrière. C'est au Palais de justice de Bruxelles, en qualité de Président de la Cour d’Appel, qu'il quittera la magistrature, l'heure de la retraite sonnée...
Mais avant cela...
Dans la période de l'entre-deux-guerres, il effectuera quelques rappels à l'armée, et prendra grade de capitaine-commandant.
Brièvement rappelé sous les drapeaux en 1939, il sera libéré de ses devoirs militaires, à la demande des autorités relevant du Tribunal.
De nouveau rappelé au sein de l'armée, au moment de la déclaration de guerre, en 1940, il retournera assez vite à la vie civile et à ses activités dans la magistrature.
Sous l'occuption allemande, il sera détenu en tant qu'otage en la forteresse de Huy.
Après la Seconde Guerre mondiale, promu major honoraire, à la fin de son service dans la réserve, il demeurera fidèle au Régiment des Grenadiers, dont il présidera la fraternelle et ensuite l’Amicale des Officiers, durant de nombreuses années.
Sa carrière militaire lui vaudra d'obtenir 7 chevrons pour 7 années passées à la guerre (fronts de 14-18 et de 40-45), et, pour ses activités civiles, Jacques Mechelynck sera décoré de multiples fois.
Ainsi, durant les nombreuses années passées au service du pays, il sera honoré des distinctions suivantes : Commandeur de l’Ordre de Léopold et de l’Ordre de la Couronne ; Croix du Feu ; Croix de Guerre avec palme ; Médaille de la Résistance, et bien d’autres, dont la Nisham Ifthikar marocaine ou la Croix de l’Yser, pour laquelle il avait fallu être physiquement présent sur le front au moment de la bataille...
Parcours militaire durant la Guerre de 1914-1918
Le 5 août 1914, il s'engage comme volontaire pour la durée de la guerre, à Malines, et est versé au 1er régiment de volontaires.
Le 20 septembre 1914, il est muté au 3/III/2 des Grenadiers.
Le 7 novembre 1914, la 3/III/2 des Grenadiers change de dénomination et devient la 2/II des Grenadiers.
Le 6 février 1915, Jacques est versé dans la compagnie des Mitrailleuses Hotchkiss-Grenadiers.
Le 18 avril 1915, il est nommé caporal.
Le 5 juin 1915, passé au C.I.S.L.A. Gaillon, il est promu sous-officier, au grade de sergent.
Le 8 août 1915, il est élevé au grade d'adjudant candidat officier au rang de sous-lieutenant auxiliaire.
Le 13 avril 1916, il est muté à la 4/II des Grenadiers
Le 27 décembre 1916, la 4/II des Grenadiers devient la 10/1 des Grenadiers.
Le 24 janvier 1918, il est commissionné au grade de sous-lieutenant au 3e, par Arrêté Royal.
Le 2 mars 1918, il est fait prisonnier à Nieuport.
Le 26 novembre 1918, il est rapatrié et passe au C.I.A.M. (Leysele).
Le 8 décembre 1918, il est muté au C.I. n° 1-4-5-6 à Isenberghe.
Le 23 janvier 1919, il est détaché au G.T.E.M. à Bruxelles.
Le 28 juin 1919, il entre au 1er Régiment des Grenadiers.
Le 1er juin 1919, il regagne la C.S.B., à Bruxelles, à la disposition du lieutenant-général Biebuyck.
Le 30 juin 1919, il retrouve le 1er Grenadiers et est détaché au G.T.E.M. à Bruxelles.
Le 15 août 1919, il est renvoyé à la vie civile en congé illimité.
Le 27 avril 1920, par Arrêtés Royaux parus au Moniteur belge du 6 mai 1920, il est promu sous-lieutenant de réserve d’infanterie, en date du 27 juillet 1919, et, ensuite, lieutenant de réserve d’infanterie le 26 septembre 1919.
Extraits des 'Carnets de Campagne' (1914-1918 et 1940-1945), notes de Jacques Mechelynck-Masson, retranscrites par son fils André M.
Noël 1914 - La Fraternisation
Jeudi 24 décembre 1914.
Deuxième jour de tranchées. Rien de spécial pendant la journée. À minuit, un grenadier, près du pont-route, a chanté le "Minuit, Chrétiens", que tout le monde a applaudi, même les Allemands. Puis, dans les tranchées ennemies, on a entendu chanter "O Tannenbaum".
Vendredi 25 décembre 1914, Noël
Vers neuf heures, nous voyons des Allemands sur le pont-route et des grenadiers qui leur parlent de notre rive. Il paraît que c’est après des pourparlers que les uns et les autres se sont ainsi avancés. Mais voici qu’en face de nous on entend dans les tranchées ennemies des airs de flûte, puis une voix chanter "Es war in Schoeneberg,…" À côté de la voie du chemin de fer un bras invisible agite, pendant toute la scène qui va suivre, un immense parapluie rouge. Voici que tout-à-coup, en face de nous, une tête hésitante apparaît, puis des bras, un corps entier, et un Allemand, sortant de sa tranchée, s’avance vers nous sans armes. Puis un second et un troisième font de même, et bientôt toute la rive ennemie est couverte de soldats en casque à pointe ou en bonnet de police, tous désarmés. Certains d’entre eux sont repoussants ; j’en vois encore un, la tête rasée avec de courtes moustaches rousses et de grandes lunettes, arriver, les mains en l’air, en criant : "Kamerad !". N’eût été ce jour sacré, je lui eusse volontiers logé une balle dans la tête. Les hommes à nous lancent du chocolat, du "singe", et les Allemands aussi nous envoient des petits cadeaux par-dessus l’Yser gelé. Mais au bout d’une demi-heure, ils font demi-tour et peu de temps après tout est rentré dans l’ordre. On m’a raconté après que Villenfagne avait traversé l’Yser sur un radeau et avait été causer avec des officiers allemands. Il faillit, pour cette aventure, être dégradé. Le seul résultat en fut que le major de Meulenaere et le lieutenant Timmermans furent peu après dégommés. Les carabiniers dirent, naturellement, que nous n’en faisions jamais d’autres. Mais eux firent de même, et, depuis Nieuport jusqu’en Alsace, ce fut la même chose. Nous sommes relevés le soir et allons cantonner le 1er peloton à une maison près du pont de Forthem, le reste de la compagnie à la ferme voisine du château.
Samedi 26 décembre 1914
Premier jour de repos. Rien de spécial. Nous recevons des tas de cadeaux.
Dimanche 27 décembre 1914
Deuxième jour de repos. Rien de spécial
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Mardi 16 mars 1915
Hier, nous n’avons pas trouvé le chemin pour aller porter les gourdes à la tranchée. Nous partons ce matin à 6 h. 30, Dumont et moi. Nous passons par le chemin de colonne du 2 C. Mais lorsque nous arrivons sur une légère éminence, à 400 m. à peu près de nos tranchées, les Allemands se mettent à nous canarder. Nous tombons à plat ventre dans la boue et rampons jusque derrière une tranchée de repli située à 3 m. en avant de nous. Dumont file en rampant à toute allure, et je ne puis le suivre. Chaque fois que je lève la tête, des balles sifflent. Je rampe d’abord, puis je finis par entrer dans la tranchée, où j’enfonce jusqu’au-dessus du genou dans l’eau et la vase. Je vais ainsi pendant 80 m. (Cela me prend une grosse demi-heure), puis, arrivé près du chemin, je repars debout. En route, je suis arrêté par un major du 2e Carabiniers, qui ne veut pas me laisser passer sur la passerelle en bois, laquelle n’est pas dans le secteur des Grenadiers. Il me remballe brutalement et refuse de m’indiquer mon secteur et le chemin à suivre. Je trouve heureusement notre chemin de colonne. J’arrive au Pijpegaele à 10 h. On me croyait mort, et le caporal Denis s’apprêtait à partir à ma recherche. J’enlève mon pantalon, mes bottines et mes chaussettes et je m’enveloppe dans une couverture pour me réchauffer. Ce qu’il y a de pire, c’est que le lieutenant Couvreur, de la Cie des mitrailleuses Maxim, a l’air d’insinuer que je suis revenu parce que je cloppais. Le même jour, Fincoeur, en voulant venir chercher les gourdes, tombe dans un fossé alors qu’il entendait siffler des balles et y reste évanoui plusieurs heures. Relevé, il a été évacué avec un rhumatisme articulaire.
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Samedi 10 avril 1915
Pendant toute la journée, bombardement violent. Le tir, heureusement, est mal réglé. Forte fusillade vers la Maison du Passeur. À 20 h. 30, le fourrier vient d’arriver avec les vivres, quand une nouvelle fusillade éclate sur notre gauche. À ce moment, le major nous fait prévenir qu’"on a signalé des mouvements de troupes chez l’ennemi : il y a alerte". Chacun se place à son poste. Tout à coup, l’un de nous tend l’oreille : "Écoutez, dit-il, l’assaut !". Nous entendons alors, sur notre gauche toujours, des cris s’élever, puis un chant : "Die Wacht am Rhein". Que cet hymne est sinistre et lugubre dans la nuit ! Nul doute, les Allemands attaquent notre petit poste. Bientôt des hommes
reviennent, trempés jusqu’aux os. "Tous les autres sont prisonniers !". Nous ne voulons pas le croire tout d’abord, mais bientôt il faut se rendre à l’évidence. Un homme passe, blessé à la tête, qui blague sur son brancard. Un autre, avec aussi une balle dans la tête, se traîne depuis le matin et ne veut pas d’aide pour aller au poste de secours. Une de nos pièces est prise, avec le caporal Gallant, Ceulemans, Havet, G. Pâques et Schietekat. Mais comment la pièce n’a-t-elle pas tiré ? La pièce placée au redan est ramenée en arrière, par ordre du général, et l’on reprend l’ancien service. Toute la nuit, calme plat. Les Allemands font une tranchée. On lance fusée sur fusée. "Mes pauvres hommes, dit en revenant le lieutenant Lefèvre. Jamais je ne me suis senti aussi triste qu’aujourd’hui".
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Jeudi 22 avril 1915
2e jour de tranchées. Le soir, on voit vers Steenstraete un grand nuage vert d’une centaine de mètres de hauteur. Les Allemands ont lancé des gaz asphyxiants (c’est la première fois), et les Français (territoriaux) ont abandonné la tête de pont et ont reculé jusque près de Lizerne. Tout le régiment vient en renfort en 1ère ligne.
Vendredi 23 avril 1915
À 3 h. du matin, je pars avec le lieutenant Lefèvre, le caporal Van Thienen et Van Halle, pour installer une mitrailleuse dans le crochet, à Steenstraete, là où la tranchée quitte le canal pour rejoindre l’Yperlée, 100 m. derrière. Nous avons un fort parapet, sur lequel il faut placer la pièce, mais pas de parados. Or le jour se lève et les Allemands se mettent à nous tirer dans le dos. Il s’agit donc de travailler couché, sur un espace d’un mètre carré. Pendant la journée, notre travail achevé, nous tirons un peu. Le soir, nous sommes remplacés, après une journée éreintante, et nous enjambons des masses de cadavres pour retourner. On nous envoie en 2e ligne, à une ferme tout à fait sur la gauche du secteur, près de l’adjudant Huissenne.
Remerciements chaleureux à André L. et André M. Mechelynck, fils et petit-fils de Jacques, de nous avoir ouvert gracieusement les archives familiales, mais aussi nous avoir autorisé à les rendre publiques...