Dès les premiers mois de l'année 1915, après la première bataille de la Marne, des effectifs allemands occupent les hauteurs du Chemin des Dames, dans l’Aisne, et particulièrement un refuge ; une carrière de pierre crayeuse qu’on suppose exploitée à partir du XVIe siècle.
Plus qu'un abri de fortune, la grotte se transforme vite en un point du relief à l’enjeu militaire stratégique.
Une légende naît-elle en ce moment même de l’Histoire ?
Les Allemands attribuent-ils le nom de "Caverne du Dragon" à l’endroit, pour ce qu’il présente à l’ennemi, aux sept entrées du lieu, des mitrailleuses prêtes à cracher le feu et la fumée, tel un dragon muni de sept têtes ?
Durant la Guerre de 14, il est courant de rencontrer d'anciennes carrières d'extraction de pierre réaménagées en fonction des besoins militaires. Les plateaux de l'Aisne, dans la région de Soissons, ne font donc pas exception.
Lorsque les Allemands enlèvent la Caverne du Dragon aux Français, au tout début du conflit, ils prennent un avantage stratégique sur leur adversaire.
Le refuge constitue un point d’accroche à l’abri des intempéries pour 600 hommes. L’endroit permet de porter des avancées et des replis lors d’attaques "surprises" sur le Chemin des Dames, cette route mythique de la crête, dont on doit l’aménagement, sur plusieurs dizaines de kilomètres, sous le règne du roi Louis XV, et, qui, depuis son plateau, surplombe la vallée de l'Aisne et celle de l'Ailette (Nord).
Protégés du froid, malgré une forte teneur en humidité (90%) et une température moyenne de 12°C, les Germains transforment la Caverne en une caserne de fortune équipée des meilleures infrastructures et technologies du moment : groupe électrogène, réseaux électrique et téléphonique, bloc médical, postes de tirs, périscope, station de pompage (puits d’eau), dortoirs et même une chapelle et un cimetière… Quelques éléments, témoins de ces temps reculés, sont pour l’heure toujours visibles.
Lors des visites, en certaines zones, des isolateurs et autres marquages sont là, présents, pour rappeler au public de passage ce que fut la vie en cet endroit…
Au dehors, c’est l’horreur, plusieurs centaines de milliers de morts, sur quelques dizaines de kilomètres carrés à la ronde ; plus de 200.000 sont définitivement mis hors combat du côté français.
A l’intérieur, du fait que les parois protègent des tirs, des lance-flammes, et des attaques au gaz, l’endroit est agrandi, la terre de déblaiement répartie sur le sol, afin de ne pas éveiller l’attention de l'ennemi à l’extérieur, par un rejet de composants de couleur blanche. Les faces internes de la grotte s’enjolivent de souvenirs à connotations religieuse ou profane.
Dessins ou messages réalisés au noir de fumée (bougie, briquet...) et gravures au couteau tapissent plafonds et murs des galeries.
Afin d’occuper le temps, en période d’accalmie sur le front, les plus habiles sculptent, de leurs mains, des objets, en recyclant projectiles ou autres métaux récupérés ça et là sur le champ de bataille, tels des étuis ou des douilles usagés (artisanat des tranchées)…
Le 25 juin 17, peu après l'échec catastrophique de l'offensive du général Nivelle du 16 avril, les Français remportent enfin une victoire de choix, celle de la prise de la Caverne du Dragon.
Ce jour-là, ils repoussent peu à peu l’ennemi au fond de la caverne.
A partir de juillet, et ce, jusqu'en octobre 1917, les deux camps rivaux imposent mutuellement leurs frontières à l’intérieur même de l’endroit.
Chacun restant en éveil sur les agissements de son adversaire.
Dès lors, une guerre des nerfs fait place aux explosions et à la mitraille…
Désormais, le moindre bruit suspect entendu au travers des parois des salles de la grotte devient source d'inquiétude, jusqu’au jour où, après plusieurs échanges de grenades et autres, l’endroit est évacué par ses occupants, suite à la dernière avancée allemande significative, de la fin mai - début juin 1918, sur Paris…
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Avec le tourisme de guerre, le site devient un mémorial de la Grande Guerre, dès 1919.
Dans les premiers temps, la Caverne du Dragon se visite à la bougie et ensuite à la lueur de lampes au carbure.
A partir de 1969, sous l'impulsion d'Henri de Benoist, de Gérard de Francqueville (Souvenir français), et de Maurice Bruaux, (Tourisme de l'Aisne), un nouveau musée est installé et inauguré le 4 mai de la même année, en présence du ministre Robert Galley.
En 1995, le Souvenir français confie la Caverne du Dragon à la surveillance du Conseil général de l'Aisne, pour une durée de trente ans. La Caverne se dote alors d'une nouvelle scénographie. Catherine Trautmann, ministre de la Culture et de la Communication inaugure les nouvelles installations le 5 novembre 1998.
Un peu plus tard, le 5 juillet 1999, l’endroit est réouvert au public. Il devient ainsi rapidement le premier musée visité du département de l'Aisne, avec ses dizaines de milliers de visiteurs annuels.
La Caverne du Dragon, comme d’autres hauts lieux du tourisme d’Histoire (Péronne, Verdun, Vimy, Ypres, ND-de-Lorette, Beaumont-Hamel, Thiepval…) met en lumière les éléments d'un passé tragique et lourd en souvenirs douloureux.
Au moyen d'animations multiples, par le biais d'objets, de fonds sonores, de vidéos, d'images d'archives, d'oeuvres d'artistes, et de la bienveillance de guides expérimentés et motivés, le visiteur se retrouve immergé sur les traces de la vie quotidienne du soldat du front, s’imaginant quelque peu ce qu’a bien pu être l'enfer vécu par ces hommes venus souffrir en ces terres, parfois très éloignées des contrées les ayant vus naître…
Nos plus chaleureux remerciements vont en direction du personnel (accueil) ainsi que vers les guides, véritables sentinelles mémorielles de l’endroit…
Pour plus d’information
Le site officiel de la Caverne du Dragon : (ici)