La bataille pour la crête de Vimy opposa les forces armées du général canadien Julian Byng à celles de Ludwig von Falkenhausen, général allemand.
La bataille s'est déroulée du 9 au 12 avril 1917, avec une préparation d'artillerie, sur les territoires des communes de Vimy et de Givenchy-en-Gohelle, près de Lens et non loin de Notre-Dame-de-Lorette, où les Français, de leur côté, s'étaient rendu maîtres de la situation aux alentours des 15 et 19 mars de l'année 1915.
Le site, qui domine la plaine de Lens, à une altitude de 145 mètres en son point le plus haut, avait été fortifié par l’armée allemande et il avait également fait l’objet d'une multitude d'attaques infructueuses dirigées tant par les armées françaises que britanniques.
Le 9 avril 1917, quatre divisions canadiennes, représentant pas loin de 100.000 hommes, coordonnent leurs forces et leurs efforts afin de passer à l’assaut. Cette offensive coûtera la vie à plus 3.500 d'entre eux...
Pour le général Julian Byng, la prise de la crête de Vimy doit s'avérer rapide et efficace ; cela, afin d'éviter à tout prix que se répète le carnage infligé aux Britanniques commandés par le général Douglas Haig, durant la bataille de la Somme, à Beaumont-Hamel, ou à Ypres, lors de la bataille des Flandres, en Belgique.
Sachant qu'il dirige une part importante de ses effectifs à une mort certaine, Bynd enverra, par vagues successives sur l'adversaire, et, de manière - très - rapide, en espérant que le meilleur l'emporte sur son concurrent, ses hommes avec le ferme espoir d'un résultat décisif.
La bataille devra, selon-lui, non pas s'étendre sur plusieurs jours, mais bien sur quelques heures !
La cote 145 de Vimy constitue le point le plus stratégique aux yeux des Allemands.
De là-haut, il leur est permis de voir à des dizaines de kilomètres à la ronde ; en ce compris, dans les tranchées canadiennes, situées en contrebas et vers Notre-Dame-de-Lorette, sur leur front avant-droit appartenant aux Français.
L'endroit protège également la zone charbonnière de Lens, située en arrière et dans le dos de leurs lignes, si chère à l'industrie et à l’économie allemandes...
Conquise au tout début de la guerre par les Allemands, la crête de Vimy n'a cessé, depuis octobre 1914, d'être prise pour cible par les troupes franco-britanniques qui la convoite, et, qui sont emmenées par le général Foch.
Là-bas, autour de cette seule position, les Alliés ont déjà perdu plus de 150.000 hommes, depuis le tout début de la guerre.
Lorsque les Canadiens sont priés de prendre la position, par devant le front, en avant de la crête, les Allemands ont eu tout le temps nécessaire de rendre la zone imprenable.
Sur place l'envahisseur germain a fortifié, blindé, électrifié, câblé téléphoniquement l'endroit.
Trois rangées de tranchées fortifiées, ainsi que plusieurs ceintures de fils de fer barbelés s'étendent en travers du passage et de la progression d'un éventuel assaillant ; qu'il soit canadien, français ou autre...
Une multitude de redoutes et d'abris en béton rendent le territoire encore plus imprenable au regard d'un éventuel désir suicidaire de conquête des lieux...
Mais en plus...
Les Allemands ont élaboré sur place un réseau ferroviaire sophistiqué capable d'acheminer l'approvisionnement en munitions et en obus divers nécessaires à leur artillerie.
Durant les deux années (et demie) pendant lesquelles la colline a été occupée, les défenseurs ont également creusé un impressionnant réseau souterrain qu'ils ont miné, en prévision d'une éventuelle défaite locale...
Par ailleurs, bénéficiant de cet espace souterrain, il sera possible, à tout moment, et le moment voulu, de faire voler dans les airs quelconque troupe se prenant l'envie de conquérir "LA" forteresse Vimy.
Afin de s'attaquer à pareille position défensive, une préparation méticuleuse est essentielle ; il est donc impératif au général Byng d'analyser "en profondeur" les problèmes survenus lors de la bataille de la Somme, durant laquelle le contingent canadien, directement sous autorité anglaise, avait eu tant à souffrir d'erreurs tactiques répétées.
Le jour "J"...
Une fois l'ordre de progression lancé, l’avancée devra se faire par lignes d'assaut successives, et par vagues. Ainsi, plus on aura obtenu de résultat sur les positions de défenses allemandes et plus il sera à considérer des chances de succès à l'opération, selon Byng.
Mais aussi, selon ses dires : "Si une division ou une brigade sont tenues en échec, les unités qui la flanquent ne doivent en aucun cas interrompre leur progression. Elles formeront plutôt des flancs défensifs dans cette direction et avanceront elles-mêmes de manière à envelopper l’emplacement fortifié ou le centre de résistance qui fait obstacle. C’est en fonction de cet objectif qu’on lancera les réserves derrière les sections de la ligne où l’avance aura réussi et non celles où elle aura été retenue."
Le barrage d’artillerie constituera une première phase d'attaque, les tranchées conquises une seconde, et, à ces deux premières, des vagues successives d'infanterie viendront parachever le dispositif de progression.
En terme d’organisation de l’avancée, la gestion du moral des troupes, la précision et l’efficacité de l’artillerie à démanteler le dispositif des barbelés, ainsi que la résistance aux contre-attaques seront impérativement à considérer avec grande minutie selon le général canadien. Celui-ci préconise également des intervalles durant lesquels les troupes de réserves enjamberont celles du front appelées à stabiliser les tranchées, et, par là même, la progression, afin de permettre la poursuite de la poussée au moyen de troupes fraîches.
La confiance et le moral des effectifs sont également améliorés en permettant une prise de décision au niveau du terrain et en informant le plus possible le commandement sur la progression.
Dans cette optique et afin de modéliser les choses, on fait construire des maquettes reproduisant avec précision la topologie du champ de bataille. Procédé qui donnera la possibilité, non seulement aux troupes d'étudier l'objectif à atteindre par elles-mêmes, mais également celui de son voisin.
Des cartes détaillées du terrain sont également transmises à un maximum de militaires ayant charge décisionnaire sur le théâtre des opérations.
En ce qui concerne l'artillerie...
D'une part, en lieu et place des classiques obus explosant en l'air ou une fois ayant percuté le sol, il est décidé de faire appel à un nouveau type d'ogive capable de pulvériser les barbelés (modèle 106). D'autre part, il a été confié à Andrew McNaughton (ici), scientifique ayant étudié sous Ernest Rutherford à l'université McGill et officier d'artillerie en charge des contre-batteries, de mettre au point un nouvel appareil, dit "goniomètre automatique à oscilloscope" ; un engin précurseur du radar qui permet de déterminer avec précision l’emplacement exacte des pièces ennemies, grâce au flash émis à la bouche, lors du tir d'une pièce.
Les techniques de tirs de barrage sont perfectionnées jusqu’à atteindre le niveau requis par Byng pour son assaut.
La pratique dite du "feu roulant" se déroulera de la sorte : toutes les trois minutes, l'artillerie tirera une salve 100 mètres au devant de la vague d'infanterie en progression. Cette technique, initialement mise au point par les Allemands, nécessitera un entraînement conséquent, afin de coordonner l'effort de l'infanterie sur celui de l'artillerie. Exploit difficile, surtout si l'on considère, qu'à l'époque, il n'existait pas de moyens modernes de communication et que tout se faisait au moyen de signes ou via des informations échangées via des agents de liaison ou de transmission...
A propos du terrain conquis...
Arrivé sur l'objectif, il sera impératif de pouvoir tenir la position !
Pour ce faire, des unités de spécialistes équipés de mitrailleuses ou des artilleurs entraînés au maniement des canons allemands seront dépêchés en territoire conquis.
La vitesse de progression ne permettant pas de faire monter des pièces canadiennes sur les nouvelles positions, il sera impératif d'utiliser les pièces prises à l’ennemi.
Par le biais de cette tactique d'avancée, chaque unité se verra théoriquement capable de tenir le terrain qu’elle aura conquis sur l'adversaire. Ainsi, il sera relativement aisé de se positionner dès l'arrivée, et, grâce aux mitrailleuses et aux canons, de pouvoir, grâce à ces moyens matériels, repousser une quelconque contre-attaque...
Arrivé à Vimy, le général Byng avait constaté que les travaux de sape (mines) entamés par les troupes françaises et britanniques avaient grandement été négligés et que l’ennemi avait fortement pris de l'avance en cette matière, sous terre.
Pour ces raisons, il ordonnera à plusieurs unités de sapeurs de récupérer le temps perdu.
Des tunnels de quelques kilomètres de long seront ainsi creusés, débouchant au plus près des lignes allemandes. Ceux-ci permettront, en outre, aux renforts de se déployer sur leur ligne de départ de manière discrète et sans perte d'effectifs sous les tirs de barrage de l'artillerie allemande.
Pour l'heure, une portion d'un de ces tunnels, bien conservé, peut encore se visiter sur le site de Vimy.
Les préparatifs pour la prise de la crête de Vimy, par l'assaut frontal, seront longs et laborieux et s'avèreront d'une redoutable efficacité contre les défenseurs allemands qui se croient à l'abri, terrés dans leurs profonds blockhaus en béton.
Le plan d'assaut de la crête est simple dans son ensemble.
En premier lieu, les positions ennemies seront soumises à un tir nourri de la part de l'artillerie alliée.
En deuxième lieu, l'assaut frontal se fera sur des objectifs fixés d'avance et en fonction de la topographie de la crête.
Le plan d'attaque se déroulera en cinq phases majeures :
- la prise de la ligne noire comprenant environ la moitié de la crête ;
- la ligne rouge, la cote 145 et la ferme dite La Folie ;
- la ligne bleue, le village Thélus et la cote 135 ;
- la ligne brune et les batteries dans les bois Farbus et Goulot ;
- la prise du "Bourgeon", qui constitue la cerise sur le gâteau ou le bouquet final.
Chronologie
Le général Byng a établi une deadline précise pour chaque division.
Ainsi...
L’assaut devra commencer à 5h30, après un bombardement intensif de plusieurs jours sur les positions allemandes.
Une fois la "ligne noire" conquise, toutes les divisions feront une pause de 40 minutes, afin de renforcer leur position sur la crête.
Ensuite, les unités pousseront en direction de "la ligne rouge" qui devra être atteinte 20 minutes plus tard.
En ces lieux, les divisions 3 (Lipsett) et 4 (Watson) se trouveront devant la cote 145.
Les divisions 1 (Currie) et 2 (Burstall) s'accorderont alors une pause de deux heures et demie, afin de fortifier la position et permettre ainsi l'avance de quelques pièces d’artillerie.
Là, les troupes en réserve dépasseront celles du front et ainsi progresseront vers la "ligne brune".
Après une pause de 90 minutes, elles prendront d’assaut la "ligne brune".
Une fois la crête sécurisée, il sera alors possible d’organiser un assaut final sur le "Bourgeon", le point le plus élevé, après celui constitué par la cote 145.
A ce moment-là, il ne restera plus alors qu’à établir des lignes permanentes de défense.
La planification a été à ce point bien préparée par le général Byng et par son état-major qu'au moment venu du combat, peu de choses ne devraient venir perturber le plan de bataille.
En 1915, durant la bataille d'Artois du côté de Notre-Dame-de-Lorette, on sait que les Britanniques et les Français échouèrent devant les lignes allemandes qui tenaient la crête de Vimy.
Ce n'est que grâce à la contribution du corps canadien que la position changea de main en avril 1917...
Conformément à la planification, le 20 mars 1917, la moitié de la puissance de feu de l’artillerie porte ses coups, afin de détruire systématiquement les positions blindées, ainsi que les batteries ennemies.
Le 2 avril, la puissance totale des 983 pièces alliées s'attache à détruire les voies de communication (routes et lignes de chemin de fer), les tranchées, les lignes de communication de toute nature.
Le 8 avril, les hommes se préparent à l’assaut, alors qu'un gigantesque rassemblement a lieu non loin du front.
Le lendemain matin à 4 heures, près de 30.000 hommes prennent position à 100 m du front et face aux tranchées allemandes.
A 5h30, le signal du déclenchement est lancé au moyen d'un coup de canon qui retentit au loin.
A ce moment-là, l’enfer se déchaîne sur le champ de bataille.
Au même instant, la totalité de l’artillerie disponible, appuyée par l'explosion de mines souterraines bourrées d’explosifs, font voler en l'air et en éclats les positions allemandes.
L’infanterie, protégée par le barrage d’artillerie se lève et fonce vers les tranchées allemandes.
L’artillerie répand une pluie d'obus sur la première ligne durant trois courtes minutes. Le tir s'allongera ensuite de 100 mètres en 100 mètres, toutes les trois minutes, au rythme de la progression de l’infanterie.
Les Allemands sont totalement surpris par la manoeuvre, et, depuis leurs abris, incapables de regagner leurs postes avancés déjà envahis par des soldats canadiens aguerris ou bien parfaitement entrainés aux techniques de combat au corps à corps et à la baïonnette.
La première ligne allemande tombe sans trop de difficultés, alors qu'il n'en va pas de même pour la suivante. Celle-ci offre, en effet, plus de résistance.
Dès 6h25, les divisions 1, 2 et 3 ont progressé de 750 mètres.
Comme prévu, les réserves montent à l'assaut et prennent le relais.
Arrivés au sommet de la crête, les Canadiens aperçoivent les Allemands fuyant et dévalant la pente orientale de Vimy, face à la plaine et à son territoire minier.
La 4e division rencontre toutefois des difficultés à s’emparer de la cote 145, le point le plus élevé de la crête.
A 18 heures, la 11e brigade se lance finalement à l'assaut de la cote.
Celle-ci tombe en fin de soirée.
Le 12 avril à 6 heures du matin, soit un peu plus de 24 heures après le déclenchement des hostilités, le "Bourgeon" est enfin sécurisé.
Le combat se sera déroulé de façon exemplaire, conformément au plan d’attaque du général Byng et de son état-major, hormis en ce qui concerne la cote 145.
Par ce fait d'arme historique, les Canadiens se sont rendus maîtres des lieux au prix de 3.598 morts et de 7.104 blessés...
L’impact que constitue la défaite allemande en ce point du front, ne sera pas essentiellement un "méchant coup porté" aux armées du Keyser.
En effet, cette cuisante défaite conduit l'armée allemande à réévaluer sa doctrine défensive sur le front Ouest.
Dans "Le Boqueteau 125", texte écrit en 1925, Ernst Jünger évoque à la fois le choc causé par "un revers particulièrement douloureux sur les hauteurs de Vimy" et à ses conséquences : "(…) on vit paraître un ordre de l'armée qui enjoignait de faire sauter les sapes et de ne plus jamais construire en première ligne des abris enterrés à une profondeur supérieure à deux mètres".
Et l'écrivain, lieutenant de l'armée allemande, d'évoquer en les opposant, "l'époque formidable" des abris creusés à plus de dix mètres sous terre, mais au sortir desquels on pouvait être "accueilli chaudement" (faits qui se produisirent à Vimy) d'avec la période suivante, synonyme de bien des pertes "passives" en hommes, évidemment bien peu protégés, sous de minces couches de terre, à l'occasion des bombardements.
D'un point de vue historique et militaire, la bataille de la crête de Vimy représente l'exemple même du passage de batailles de type XIXe siècle à des combats modernes de type "guerre totale".
Vimy illustre également l'évolution tactique et stratégique du conflit.
La "guerre de forteresses", caractérisée par les premières phases du conflit, fait place à une tactique sur le champ de bataille, où la stratégie vise une organisation de mouvements qui n'échoue plus nécessairement sur une situation statique, avec pour conséquences les pertes en vie humaines semblables à celles enregistrées depuis la fin 1914, jusqu'à 1917.
La stratégie de mouvement reprend sa place au cœur des batailles, où le matériel a toute son importance, tant il contribue à "faire la différence" (avions, chars, artillerie lourde, lance-flammes, pistolets et fusils mitrailleurs, grenades, etc.).
Une meilleure synchronisation entre les forces combinées au "choc" et à la couverture "feu" contribue à déverrouiller l'impasse stratégique dans lequel se trouve le front occidental.
A la suite de la bataille pour Vimy, l'année 1918 constituera la période la plus meurtrière pour l'armée allemande.
Cette période-là renouera véritablement avec la guerre de mouvement, et ce, à l'initiative des Allemands et à leurs offensives du printemps 18.
La bataille de Vimy, tout comme celle de Cambrai, constitueront des prototypes des combats qui amèneront au déblocage du front à l'Ouest et la précipitation de la fin du conflit, par la mise en oeuvre de tactiques arrivant à une corrélation parfaite entre puissance du feu roulant dévolu à l'artillerie et progression d'infanterie de choc sur les positions adverses.
A la suite de la bataille, le général Byng fut élevé au rang de vicomte de Vimy.
La cote 145 fut, quant à elle, offerte au Canada, par la France, en guise de gratitude pour le sacrifice consenti par ses enfants et plus particulièrement ses fils.
C'est entre 1925 et 1936 que fut érigé, au sommet de la crête de Vimy, le monument commémorant les 66.000 victimes canadiennes de la Première Guerre mondiale.
Après les combats, et, à l'attention des disparus lors de la bataille, il fut érigé une croix en bois en mémoire de ces soldats canadiens qui sont nombreux à ne pas avoir de sépulture.
Lors de la construction du mémorial de Vimy, la croix fut confiée à la bonne garde du 22e Royal Régiment et placée en la citadelle de Québec, face au St-Laurent.
Cette croix fit l'objet d'une double restauration, en 1947 et en 1978.
Il est toujours fait référence à cette croix en bois, lors des cérémonies de commémoration et en souvenir de la bataille de la crête de Vimy.
Le dernier exemple en date remonte au samedi 14 avril 2007.
De Ernst Jünger 1895-1998 (ici)
"Le grand moment était venu. Le barrage roulant s'approchait des premières tranchées. Nous nous mîmes en marche... Ma main droite étreignait la crosse de mon pistolet et la main gauche une badine de bambou. Je portais encore, bien que j'eusse très chaud, ma longue capote et, comme je prescrivais le règlement, des gants. Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s'empara de nous, comme si, de très loin, se déversait en nous la force de l'assaut. Elle arrivait avec tant de vigueur qu'un sentiment de bonheur, de sérénité me saisit. L'immense volonté de destruction qui pesait sur ce champ de mort se concentrait dans les cerveaux, les plongeant dans une brume rouge ; Sanglotant, balbutiant, nous nous lancions des phrases sans suite, et un spectateur non prévenu aurait peut-être imaginé que nous succombions sous l'excès de bonheur."
Extrait du livre "Orage d'acier" - 1925