Guillaume Joseph Florent Dardenne est né, le 16 février 1895, à Conneux, au Sud-Ouest de Ciney, en province de Namur.
Il est l'aîné d’une fratrie de six enfants.
Il poursuit sa scolarité à Leignon, Ciney, ainsi qu'au Séminaire de Floreffe.
Son père, Louis Dardenne, est cantonnier à Ciney. Sa mère, quant à elle, est ménagère et demeure au foyer, afin de prendre soin de sa grande famille.
Le 22 février 1911, à l’aube de ses 16 ans, Joseph intègre le 13e Régiment de Ligne à l’école régimentaire de Dinant, en tant que soldat. Il y sera promu, au grade de caporal, un an plus tard, le 30 juin 1912.
Le 1er février 1913, il est muté au 1er Régiment de Lanciers de Namur. La tradition veut, qu'il y soit rétrogradé, en tant que nouvelle recrue arrivante, au statut de simple soldat. Le 2 mars de la même année, il récupère ses galons de caporal (brigadier, pour la cavalerie).
Lors de la promotion suivante, le 24 octobre 1913, il est élevé au grade de Maréchal-des-Logis (MdL).
Début juin 1914, le concours de patrouilles de reconnaissance est organisé, entre l'ensemble des régiments qui comptent des sections équestres (cavalerie, Ecole Militaire et Ecole d’Equitation).
Joseph fait parvenir à Hélène Cosse, sa bien-aimée, un télégramme mentionnant le fait qu'il est bien arrivé à Bruxelles, dans de parfaites conditions, à 11h30 ; que l'examen (contrôle) sur les chevaux sera réalisé à 14h12 et que le parcours d’obstacles débutera à 14h55.
Sans incident particulier, Joseph remporte la médaille d’argent de l'épreuve, alors que se profilent déjà les ingrédients qui mèneront au déclenchement du Premier Conflit mondial.
La place fortifiée de Namur
La zone militaire est divisée en 4 secteurs.
Le 1er secteur est délimité par la Meuse, la route Andenne-Ciney, la route Ciney-Spontin-la Meuse, au Sud de Lustin, ainsi que la Meuse jusqu'à Namur.
Dans ce secteur Sud-Est de Namur, de la rive droite, se trouvent les forts de Maizeret, d’Andoy et de Dave. Cette zone de mission est dévolue au 1er escadron du 1er Lanciers, auquel Dardenne appartient.
En tant qu’éclaireur, Joseph participe à plusieurs patrouilles de reconnaissances dans le secteur, alors que des contacts directs ont lieu avec les Allemands, avec pour conséquences, des pertes dans les deux camps (tués, blessés, prisonniers).
Tireur d'élite, Dardenne défend ses rangs comme un beau diable. Malgré tout, il est fait prisonnier durant une brève période, non loin, à un quart d’heure à pied, de la maison paternelle de Conneux.
Il parvient malgré tout à se libérer en neutralisant ses gardiens, deux Dragons pour qui la guerre sera définitivement terminée.
Du 15 au 21 août, les missions se ressemblent. Le job consiste à exécuter des patrouilles dans le secteur dévolu au Régiment. Le but est d'y récolter des renseignements pertinents.
Missionné en tant qu'estafette, Joseph aura, à un moment donné, pour responsabilité de transmettre les ordres de l’Etat-major situé à Erpent, vers les forts du 1er secteur [Maizeret (ici) et Andoy].
La pression allemande se faisant de plus en plus marquante, le Lieutenant-Général Augustin Edouard Michel du Faing d'Aigremont (1855-1931), commandant en chef de la 4e Division d’Armée belge, ordonne la retraite. Il en sera également ainsi pour les éléments de la 5e Armée française du Général Charles Lanrezac venus prêter main-forte aux Belges, sur leur territoire.
C'est dans ces conditions que, le 23 août 1914, les troupes stationnées à Namur se regroupent de Jambes vers Lesve, en direction du Sud, afin de retraiter.
L’itinéraire de repli emprunte les routes de Bioul, Maredsous, Sosoye, Rosée, Mariembourg, Gonrieux, Reize,… Coulommiers (Seine-et-Marne). C'est là, en France, que les militaires belges prendront le train, le 3 septembre, avec pour destination le port du Havre.
Sur la côte française, ils embarqueront, plus tard, sur le cargo Willow Branch, afin de rallier Zeebrugge, en Mer du Nord.
Arrivés en Belgique, ils seront dirigés, dans un premier temps, vers la place forte d'Anvers, ensuite, vers Kontich.
Installé sur place, dans la périphérie Sud d'Anvers, le Régiment sera réorganisé afin d'y exécuter certaines missions de reconnaissances et de gardes.
Le 26 septembre, la 4e Division se déploie en direction d'Alost. Des coups de feu sont tirés à St-Gilles-Waes. Alors qu'il progresse seul, à couvert, Dardenne se retrouve soudain dans une position et un angle de tir favorables, d'où il lui est possible d'abattre quelques Allemands. Soumis durant une vingtaine de minutes aux tirs défensifs ennemis, il est blessé en pleine poitrine, par un Allemand qui a réussi à progresser dans sa direction, à quelques mètres à peine de lui.
Pour cette action, il sera décoré de la Croix de Chevalier de l’Ordre de Léopold, avec pour citation : "Pour la bravoure dont il a fait preuve, le 26 septembre, au combat de St-Gilles, en maintenant à lui seul pendant un quart d'heure, jusqu'au moment où il fut atteint d'une balle à la poitrine, une troupe d'une quarantaine de fantassins allemands qui se trouvaient embusqués à 200 mètres de lui. Sa vaillance permit à une compagnie d'infanterie de venir occuper la position avant que l'ennemi eût pu progresser."
Pris en charge, pansé directement sur place, il rejoindra l’hôpital civil de Saint-Nicolas (Flandre-Orientale / entre Anvers et Gand) d’abord, en empruntant un vélo conduit par le MdL Auguste Potier, ensuite, en auto, sous les meilleurs auspices du Lieutenant De Boeck.
Après des soins prodigués en Belgique, Joseph rejoint l’Angleterre, le 13 octobre. Il sera ainsi dirigé vers Bromley, au château de Monsieur Norman, là où il vivra sa convalescence.
Insistant afin de rejoindre, au plus vite, le théâtre des opérations, il quitte, un mois plus tard l'Angleterre, pour Andres.
Le 16 novembre, il arrive au dépôt de cavalerie.
Le 22 novembre Joseph repart pour le front, dans les environs de Stuyvekenskerke (Dixmude).
Le 23, alors qu'il a été demandé des volontaires, pour une mission de reconnaissance sur l’Yser, Dardenne revient de l'opération, blessé pour la seconde fois. C'est au poignet gauche, ce coup-ci, qu'il a été atteint par deux éclats de shrapnels.
Le 23 janvier 1915, le Général inspecteur de la cavalerie vient à Andres, afin de lui remettre solennellement la Croix de Chevalier de l’Ordre de Léopold.
Le 8 août 1915, l’armée change d’équipement et adopte la couleur khaki.
Le 15 octobre 1915, Joseph introduit une demande auprès de l'autorité militaire, afin de pouvoir rallier une colonne expéditionnaire appelée à intervenir en Afrique.
Le 18 octobre, Joseph obtient l'insigne honneur d'escorter, durant trois heures, l’étendard du Régiment qui fait mouvement depuis Wulpen, vers Bray-Dunes.
Le 1er janvier 1916, à 23 heures, Dardenne a pour mission de rejoindre le centre d’instruction de mitrailleurs à Criel-sur-Mer, au Sud de Le Tréport. Le lendemain, il quitte son peloton, afin de rejoindre Criel, en fin de journée. Il demeurera sur place jusqu’au 10 janvier.
S’en suivront toutes les démarches administratives et médicales, avant de quitter le continent européen pour l'Afrique.
Le 3 février 1916, Joseph rejoint La Rochelle - La Pallice, en vue d'embarquer à bord du paquebot transatlantique Elisabethville, à destination de Matadi (frontière actuelle entre la RDC et l'Angola).
Le voyage durera 20 jours.
Le 24 février, dès son arrivée dans la capitale africaine du Bas-Congo, Joseph est invité à prêter serment sur place. Il prend ensuite part à la conquête des territoires de l’Est-africain Allemand, en tant que sous-officier mitrailleur (chef de pièce).
Sa mitrailleuse, qu'il prénomme "Vengeance", rentrera en armurerie aux environs de juin-juillet 1917.
Après cette mission, Dardenne est désigné en qualité d'adjoint au chef de poste de Kigali (Rwanda/ ex colonie allemande) et détaché lors de la construction des ponts de la Nyanwarongo et du tracé routier Kigali-Nyanza.
En date du 6 avril 1918, Joseph mentionne dans son carnet de campagne, la réception de sa Croix de Guerre qu'il découvre dans une enveloppe...
Deux missions importantes seront confiées à Dardenne, afin de combattre la peste bovine sur place. La première, le 24 avril 1918, alors qu'il est fait appel à 2.500 traqueurs, et, la deuxième, lorsqu'il accompagnera, du 1er mars au 13 avril 1919, le vétérinaire Chiny, dans sa mission sanitaire.
Après avoir occupé les différentes fonctions de responsable des ponts et chaussées, de chef de la prison de Kigali, de chef de poste de Kigali et Kasibu, d’adjoint au vétérinaire, Joseph Dardenne emprunte le chemin du retour vers l’Europe, le 10 octobre 1919, heureux d'enfin pouvoir revoir les siens.
Après 5 années et 5 mois d’absence liés à la guerre, Joseph s'accorde une année sabbatique, afin de se ressourcer. Période qu'il met également à profit pour réussir très brillamment l’examen d’aspirant commis aux écritures.
Il prendra ensuite fonctions, à la récolte des douanes de Charleroi.
Il épouse Hélène Cosse, le 15 août 1920, à Lourdes.
Suite à l’ordre qui lui est donné de rejoindre le continent africain, il remet sa démission aux douanes, le 20 décembre 1920.
C'est accompagné de son épouse qu'il retourne au Rwanda, du 17 février 1921, jusqu’en 1928.
Apprécié pour son travail sur place, par les grands responsables du Rwanda de l’époque, que sont Messieurs Mortehan, Rijkmans et Marzorati (Résident du Rwanda, Commissaire Royal puis Gouverneur), Dardenne est promu agent territorial de 1ère classe.
Joseph est qualifié d'agent de grande valeur, d’une activité et d’un dévouement à toute épreuve. Bon chef de poste, on lui accorde de précieuses connaissances techniques. Mais pas seulement...
D'une conduite irréprochable et très tempérant, Joseph obtient la sympathie de tous, tant de la part des Européens, que des indigènes, au Rwanda.
Joseph Dardenne est un élément de toute première valeur dont l’activité exceptionnelle se manifeste dans tous les domaines de sa fonction. Agent plein d’initiative, travailleur et débrouillard, il fait preuve d'un dévouement et d'un zèle à toutes épreuves.
Joseph a rendu également d’excellents services comme constructeur de poste et de routes. Il administrera, seul, pendant plus de trois ans, un territoire important. Il ne sera secondé dans sa mission, qu’à partir d’avril 1927.
De retour en Belgique avec son épouse et leurs deux enfants, Carlo et Marie-Thérèse, ils s’installeront à Schaltin (Nord de Ciney), jusqu’en 1933 où naissent deux autres enfants, Yvon et Claire. La famille s'établira définitivement à Saint-Servais, avec leurs deux derniers enfants, Aimée et Jean.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Joseph participe, en tant que responsable de la Garde Rurale, à la sauvegarde des biens de la commune ; il demeure un agent efficace au sein de la Protection Aérienne Passive (PAP) de Saint-Servais.
En 1961, il est convié, au Domaine d’Argenteuil, par les services du Roi Léopold III, afin de recevoir le brassard de la fraternelle des Soldats Chevaliers de l’Ordre de Léopold.
En son domicile, à Saint-Servais, il reçoit la visite, en 1949, de S.A.R. Mutara III, Roi du Rwanda, fils de Musinga.
En 1952, Monseigneur Bigirumwami, premier évêque Rwandais, lui rend également visite. Il en sera de même en avril 1972, quelques mois avant son décès.
Joseph Dardenne s’éteint le 18 octobre 1972.
Les distinctions honorifiques et médailles, dont il a été gratifié, sont : Officiers avec glaives dans les trois Ordres Nationaux, Chevalier de l’Ordre de Léopold avec palme (action d’éclat), médaille d’or de l’Ordre du Lion, croix de Guerre 14-18 avec 2 palmes, croix du feu, médaille de la Victoire, médaille commémorative de la Guerre 14-18 (huit chevrons de front, un chevron de blessure), médaille commémorative en argent des campagnes d’Afrique 1914-15-16, étoile de service en or, décoration militaire de 1ère classe, médaille commémorative du règne de SM le Roi Albert I, médaille commémorative du 100aire de l'Indépendance Nationale, fourragère des campagnes d'Afrique 1914-1917, médaille de la ville de Namur, médaille de la ville de Ciney, brassard de la fraternelle des Soldats Chevaliers de l'Ordre de Léopold.
Ce document historique a été rédigé au moyen d'informations et de photographies qui nous ont été gracieusement fournies par Bruno Dardenne, l'un des petits-enfants de Joseph Dardenne ("Hommage à mon grand-père", par Bruno Dardenne)
Qu'il en soit chaleureusement remercié.