Hyacinthe, Marie, Joseph Le Pottier est le second enfant d'une fratrie de huit.
Il est né, le mardi 16 mai 1876, à Saint-Guen, au Sud de Saint-Brieuc, dans le département des Côtes d'Armor, anciennement Côtes-du-Nord, en Bretagne.
Il est, en outre, le fils de Hyacinthe, Laurent, Marie Le Pottier (1844-1897), conseiller municipal à Saint-Guen et de Marie-Magdeleine Le Bihan (1846-1909), ménagère.
Hyacinthe se marie, le 17 mai 1904, à Saint-Guen, avec Marie-Julienne Gourbillon (4 juin 1877-19 juin 1947).
Deux enfants naîtront de cette union, Madeleine (1905-2001) et Hyacinthe (1908-1972).
De retour sous les drapeaux, alors que négociant de profession, Hyacinthe, Marie, Joseph, vu son âge avancé, (classe 1896 / Mat. n° 1857 lors du recrutement à Saint-Brieuc), est rappelé et incorporé, en qualité de soldat de 2e classe, pour servir au sein du 74e régiment d'infanterie territoriale (R.I.T. / tranche d'âges 34-49 ans) de la 87e division, matricule n°1994 au corps.
Hyacinthe décédera le jeudi 22 avril 1915 à Boezinge (canal de l'Yser), en Belgique (Flandres), à l’âge de 38 ans.
Disparu lors des combats, le jugement et la déclaration de décès ne seront prononcés que 6 ans plus tard, le 30 avril 1920, par le tribunal civil de première instance de Loudéac.
Circonstances de sa mort
Selon le papa d'Alexandre Limon de Plouguenast, une connaissance de la famille Le Pottier, Hyacinthe serait tombé, depuis un pont, une passerelle, ou un pont flottant enjambant le canal de l'Yser ou la rivière Yperlée, et s'y serait noyé.
Notons que ces cours d'eau sont très voisins l'un de l'autre en ce point du front, et qu'il sont exposés, durant une certaine période des combats, à hauteur du secteur français, aux gaz mortels.
Un nombre considérable de Bretons et de coloniaux (tirailleurs, zouaves...) trouvèrent la mort au Nord de Boezinge, à l'endroit même où positionnés défensivement face aux Allemands. Après les combats de la fin d'après-midi du 22 avril, le secteur passe sous contrôle allemand. D'innombrables dépouilles sont alors enterrées "à la va vite", déplacées, voire renvoyées au pays, plus tard, lorsque le secteur est reconquis par les Alliés. Au final, contrairement aux Britanniques, aucun cimetière militaire français conséquent ne voit le jour, en cette zone emblématique, tout simplement, faute de combattants à devoir y enterrer...
Dès lors, en 1923, des Bretons décident d'élever, Carrefour des Roses, à un kilomètre au Nord-Est de Boezinge, en secteur gazé le 22 avril, un authentique calvaire breton du XVIe siècle, en granit, provenant de Louargat, ainsi qu'un dolmen et de plus petites pierres gravées (menhirs) venus de Hénanbihen. Le volume des éléments déplacés avoisinera un poids total de 8 tonnes...
C'est dans ces circonstances, qu'à près de 700 km de Guingamp et de Saint-Brieuc, les pierres sont acheminées à Boezinge, en 1929. Elles y seront dressées en mémoire des Bretons tombés lors des combats d'avril à mai 1915 (seconde bataille d'Ypres 22 avril - 25 mai 1915), plus particulièrement, pour ces citoyens de Côte d'Armor décédés, parfois dans d'atroces souffrances, lors de la première attaque aux gaz de combat de l'Histoire, le 22 avril.
Implémentés au sein d'un bosquet, à la croisée de la Poezelstraat et de la Langemarkseweg, ces éléments architecturaux atypiques, dissimulés par la végétation, ne semblent, hélas, plus guère attirer l'attention des passants. En ce compris, les indigènes peu renseignés quant au fait qu'il existe un site mémoriel français en ce secteur de leur commune...
Après guerre, à date anniversaire, des pèlerinages seront organisés périodiquement, notamment, au départ de Saint-Brieuc (73e R.I.T.), Guingamp (74e), Vitré (76e), Grandville (79e) St-Lô (80e), ou encore Fougères et Rennes...
Le site mémoriel de Boezinge rappelle non seulement l'engagement et le sacrifice, dans le secteur, des soldats du 73e régiment d'infanterie territoriale de Guingamp, ainsi que celui des hommes du 74e régiment de Saint-Brieuc, regroupés au sein de la 87e division qui compte encore 7 autres unités, mais aussi de ceux issus de troupes coloniales, canadiennes, britanniques et belges ayant également payé un lourd tribut à la guerre dans le secteur Ouest - Sud-Ouest de Langemark.
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Historique du 74e régiment territorial
Départ de Saint-Brieuc
Le 74e régiment territorial d’infanterie quitte ses quartiers de Saint-Brieuc, le 7 août 1914, sous le commandement du lieutenant-colonel Chauvel.
L'unité est dirigée sur Sottevast, dans la Manche, pour être rattachée à la 173e brigade du colonel Cionte, placée sous l'autorité du général Roy, à la tête de la 87e division d'infanterie territoriale.
La mission première du 74e consiste à, temporairement, assurer la surveillance des côtes du Cotentin.
Durant le mois d’août 1914, l'unité s'entraîne en attendant d’être appelée, à son tour, pour prendre place dans les rouages tactiques de l'armée en campagne.
Le 7 septembre, ordre lui est donné de se rendre, par mer, au Havre.
Le régiment embarque, à Cherbourg, à bord du paquebot Newhaven.
Le navire, long de 92 mètres, peut transporter 1.000 passagers. Transformé en navire hôpital durant le Premier Conflit mondial, il servira, en juin 1940, lors de l'opération Dynamo. Le bateau sera ensuite capturé par les Allemands, durant la Seconde Guerre mondiale, et adapté au transport de troupes. Après guerre, le paquebot sera retrouvé très endommagé, à Kiel. Il sera détruit sur place en 1949.
De son côté, le croiseur auxiliaire Malte, long de 152 mètres, sera réquisitionné par l'autorité militaire française, d'août 1914 à juin 1915. Ensuite, il sera reconverti en navire frigo, afin d'acheminer de la viande depuis l'Argentine. En 1928, le navire sera réaménagé pour le transport de 850 personnes. Après quoi, il sera démoli, après avoir quitté le Havre, pour son dernier voyage, le 5 avril 1934.
Après une traversée sans incident, les troupes de territoriaux débarquent au Havre, afin d'y cantonner du 11 au 30 septembre.
Suite à une nouvelle période d’entraînement, des marches, des manœuvres, ainsi que des travaux de campagne lui sont confiés.
Le 5 octobre, le régiment s’embarque au Havre pour Dunkerque, à bord des paquebots Lorraine, Niagara et Newhaven.
Le débarquement est rendu difficile, en raison de l'état de la mer. Les hommes sont dirigés vers Saint-Omer.
A l'Est de Boulognes-sur-Mer
Les 74e et 73e sont jumelés et forment ainsi une brigade (173e B.T.) ayant pour mission de protéger les débarquements alliés contre d'éventuelles attaques ennemies pouvant provenir d'Hazebrouck.
Cette première mission constitue l’entrée effective, en campagne, des territoriaux bretons, loin à l'intérieur du territoire, à l'Est de Boulogne-sur-Mer.
Le 74e occupera et défendra les zones de passage du Canal, depuis Watten, jusqu’à Saint-Omer. Il fera pareil en forêt de Clairmarais.
Il sera en outre affecté à des missions de liaison avec la cavalerie divisionnaire qui défend la ligne de la Lys, plus à l'Est encore.
On retrouvera le 74e exposé au feu, à Nieppe-Maison Blanche, près d'Armentières, à Hazebrouck et à la cote 60, au Sud-Est d'Ypres...
Le régiment poursuit, sans interruption, le renforcement des ouvrages...
Les Britanniques ayant débarqué en France, la Lys ayant été franchie par l'ennemi, la 87e division territoriale est débarquée en Flandre, dans la région de Poperinge, au Nord-Ouest d'Ypres (14 octobre), en pleine première bataille d'Ypres (12 oct. - 11 nov. 1914).
C’est le début de la campagne de Belgique pour le régiment. Elle durera près de deux ans.
Le colonel Chavel s'adressera en ces termes à ses "vieux poilus" du 74e...
"Français de Bretagne, vous avez montré une fois de plus que vous êtes toujours les dignes descendants de ceux qui ont immortalisé votre Province devant l’Histoire ! Nous voici en Belgique, tâchons de faire sentir à cette brave nation, qui a tout sacrifié pour le salut de la France, que nous venons pour la sauver."
Boezinge - Là, où Hyacinthe Le Pottier meurt le 22 avril 1915
(Boesinghe, Nord-Ouest d'Ypres)
Les Alliés sont déployés dans les environs de Boezinge, en bordure du canal de l'Yser et de son écluse (actuellement canal de l'Ouest) et de la rivière Yperlée. Le lieu est proche du Nord d'Ypres. Les Français ont pour mission de renforcer l'armée belge, notamment la brigade de grenadiers (le reliquat de la 6e division, après les combats d'octobre 1914) qui s'étire, au Nord-Ouest, le long du canal de l'Yser, en descendant jusqu'au Sud de Dixmude, dans le secteur de Steenstraete.
Les Allemands déclenchent une offensive, - à l'occasion de ce qui sera appelé plus tard la seconde bataille d'Ypres, - le 22 avril 1915, à plus ou moins 17h00. Pour l'occasion, de vifs combats sont menés dans le secteur de Boezinge, jusqu'en bordure du canal de l'Yser et de l'Yperlée (ou Ieperlee), et au même instant à Gravenstafel, entre Langemark-Poelkapelle et St.-Julien, en secteur voisin tenu par les Britanniques et les Canadiens.
Sur ce territoire, dont le relief est plane, les Allemands s'emploient à répandre le contenu de 5.730 bonbonnes contenant une solution à base de chlore liquéfié. Au total, 168 tonnes de cette substance seront répandues dans la nature. Aussitôt lâché à l'air libre, ce concentré chimique, produit en grande quantité à faible coût, se déploie et forme une immense nappe de gaz asphyxiant mortel ; un nuage gris-vert se répand ainsi vers le Sud-Ouest au-dessus d'un secteur couvrant la ligne Lizerne-Steenstraete - Langemark-Poelkapelle, en zone défendue par les divisions françaises des 87e territoriale et 45e algérienne.
Les Britanniques et Canadiens, situés à la verticale du point de lâcher du gaz à l'Est, et, qui ont très vite réalisé dans quelle mauvaise posture se trouvent les Français situés à leur gauche, ont pu anticiper la manoeuvre allemande. Dès lors, ils s'en tireront mieux que leurs malchanceux alliés.
A 8 km, plus au Sud, Ypres, et, à l'Ouest, Poperinge, se trouvent dans la progression du nuage toxique poussé par un vent provenant du Nord - Nord-Est. Malgré la distance et la dispersion des vapeurs mortelles, des civils seront intoxiqués par les effets du gaz. Ces victimes collatérales seront très rapidement informées, par voie de presse, sur Fritz Haber. Le responsable de leurs malheurs obtiendra, en 1918, le Prix Nobel de chimie... Après avoir 'servi' son pays, Haber, juif, décédera, en 1933, sur la route de l'exil en Suisse (Bâle).
Effets de l'attaque sur les militaires
Dans la foulée du gaz répandu, les Allemands passent à l'attaque, munis de masques de protection performants. Leurs adversaires, qui, eux, n'en possèdent pas ou peu d'aussi aboutis, subissent la conjonction simultanée des deux types de menaces.
Sur un effectif de 3.100 hommes partis de Guingamp, plusieurs centaines de militaires seront directement touchés par les gaz. Certains se donneront la mort pour abréger leurs souffrances, d'autres seront achevés lors de la progression allemande.
Le 74e territorial totalisera près de 1.250 militaires tués, blessés, portés disparus, faits prisonniers, ou encore, noyés (dans la panique) lors du déclenchement de la bataille.
Le résultat est catastrophique pour les Alliés. Le bilan des pertes (+/- 3.500) est désastreux, tant au point de vue stratégique, qu'humain ou moral. Côté allemand, on portera haut, au sein de la Nation, l'énorme (demi) succès de l'opération.
En quelques heures de combat, le front, que les Français ont peiné à maintenir en l'état, est enfoncé sur une profondeur de 4 km et sur une longueur de plus ou moins 8 km. Malgré une résistance franco-belge acharnée en ce point du front, le canal sera temporairement franchi par les Allemands dans la zone Nord-Ouest de la ligne d'attaque, à Lizerne-Steenstaete. Quelque jours plus tard, après d'épuisants et coûteux combats, les Alliés franco-belges finiront par repousser l'adversaire dans le secteur Est du canal.