Léon Hugon est né à Saint-Maurin, entre Agen et Moissac, dans le Lot-et-Garonne, le 17 janvier 1884. Paysan du Quercy, il s'est marié à Sylvanie, Marie, Augustine, Brougnon ("Sylvani", dans les registres de la population), une fille du pays 5 ans plus jeune que lui, et cela, près de 6 ans avant la déclaration de guerre.
Léon décéde de ses blessures (tétanos ici) le 22 septembre 1914, à l'hôpital temporaire n°2 de Tulle, en Corrèze ici. Il a 30 ans.
Soldat de la 18e compagnie du 209e régiment d'infanterie, réserviste du 17e corps d'Armée, Léon est blessé par des éclats d'obus, le 9 septembre 1914, lors de la première bataille de la Marne, alors que son unité se bat dans le secteur de la ferme de la Certine ; de la côte 208, au Sud-Est de Sompuis ici (combats du 6 au 10 septembre 1914) ici.
Le jour de décès coïncide, hélas, avec la date anniversaire des 25 ans de sa femme, Sylvanie et la mort d'Alain-Fournier...
Léon laisse derrière lui un petit garçon de deux ans et demi, Gaston...
Le 18 septembre 1914, depuis son lieu d'hospitalisation à Tulles, Léon Hugon adressait ces mots à sa femme...
"Bien chère Sylvanie,
Je ne peux pas m'empêcher de te dire que je suis dans une très mauvaise position, je souffre le martyre, j'avais bien raison de te dire avant de partir qu'il valait mieux être mort que d'être blessé, au moins blessé comme moi.
Toute la jambe est pleine d'éclats d'obus et l'os est fracturé.
Tous les jours quand on me panse, je suis martyr, lorsque, avec des pinces, il m'enlève des morceaux d'os ou des morceaux de fer.
Bon Dieu, que je souffre ! Après que c'est fini, on me donne bien un peu de malaga, mais j'aimerais mieux ne pas en boire.
Je ne sais pas quand est-ce qu'on me fera l'opération.
Il me tarde bien de quitter et qu'on en finisse d'un côté ou de l'autre.
En plus de ça, je suis malade ; hier, je me suis purgé, ça n'a rien fait, il a fallu qu'on me donne un lavement. On doit me donner un autre ce soir, je ne sais pas si on l'oubliera pas, peut-être ça me fera du bien.
Enfin, je suis mal à mon aise, pas pouvoir se bouger, j'ai de la peine à prendre le bouillon sur ma table de nuit.
Je t'assure que c'est triste dans ma chambre, nous sommes vingt-neuf, personne ne peut bouger, des jambes cassées et des bras ou de fortes blessures et presque tous des réservistes comme moi.
Je te dirai que je passe des mauvaises nuits, si l'on m'avait évacué jusqu'à Agen, tu serais bien venue me soigner et je serais été content d'être auprès de toi. Et toi aussi, ma chère Sylvanie, de me voir, ça serait été triste et une joie, pas comme si je n'avais pas été blessé ; mais que faire, c'est ma destinée. Maintenant, je suis dans le pétrin et pour s'en sortir, je ne sais pas trop comment ça finira.
Enfin, ma chère Sylvanie, je te dis tout maintenant, j'ai pas voulu te le dire à la première pour ne pas te vexer, mais je vois que je suis obligé de t'aviser de ma situation.
Ne te fais pas de mauvais sang, je m'en fais pas parce que je suis pas seul, vis en espoir et si jamais je reviens, je verrai mon fils grandir, que je le dresserai pour travailler le bien de Vinsot et moi on me fera bien une pension.
Je crois que je la gagne, quand bien même que je pourrais pas trop travailler, ça nous aidera pour vivre .
On ne serait pas encore trop malheureux et Gaston commencerait de travailler. Il y en a bien qui n'ont qu'une jambe et qui travaillent.
Il faut espérer que tout ce que je dis là arrive. Prie Dieu pour moi, qu'il me délivre de la souffrance.
Je t'embrasse bien fort sur chaque joue avec Gaston le petit chéri.
Ton cher ami"
Hugon Léon
Texte extrait de "Paroles de poilus" ; Lettres et carnets du front 1914-1918, par Jean-Pierre Guéno - Ed. France Bleu - LIBRIO