Répartis sur un espace de 13 hectares ayant la surface d’un plateau allongé, le cimetière, la basilique Notre-Dame-de-Lorette (46x14m) et le mémorial français surplombent, du haut de leurs 165 mètres, une plaine sur laquelle on peut distinguer, juste en contre bas, le village de Ablain Saint-Nazaire reconnaissable à son église en ruine ; au loin et sur la droite, le Mont Saint-Eloi ; à l’opposé, en direction du Nord-Est les deux terrils jumeaux de Loos ; le Mémorial canadien de Vimy, mais encore la ville Arras, distante de 15 kilomètres, en direction du Sud…
L’endroit (tout comme la crête de Vimy), étant donné son emplacement géographique et hautement stratégique, fut le théâtre d’âpres affrontements durant près d'un an, d’octobre 1914 à septembre 1915.
A côté de la basilique surplombant les 19.000 croix latines et les 576 tombes musulmanes orientées vers la Mecque se trouve une tour phare (lanterne) dans laquelle sont installés une crypte, un petit musée, ainsi qu’une plateforme permettant une vue à 360 degrés sur l’extérieur et au travers un ensemble de plusieurs vitraux.
Au sol, se trouvent également sept ossuaires comprenant les restes de 22.970 soldats.
La première pierre de la tour lanterne fut posée le 19 juin 1921 ; on en doit les plans à Louis M. Cordonnier, un architecte lillois. L'inauguration officielle eut lieu en 1925.
L’attaque du 9 mai 1915…
Le plateau où s'élève Notre-Dame-de-Lorette est une longue lande de terre qui s'étend d'Ouest en Est, du bois de Bouvigny au Nord de Souchez, et qui s'avance en forme de promontoire au-dessus de la plaine de Lens, jusqu'aux alentours de la région houillère.
Au sommet de sa partie orientale, à hauteur de la cote 165, s'élevait, avant guerre, la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette. Celle-ci constituait un haut lieu de pèlerinage pour la région du Nord de la France.
Tandis que les pentes exposées au Nord du plateau sont faiblement escarpées, il en va différemment sur le versant opposé, vers Ablain Saint-Nazaire ; endroit que les Français appelèrent "le melon", le temps des combats.
D’Ouest en Est, d'autres noms furent attribués par les Français aux différents sites.
Ainsi : l'Eperon Mathis, le Grand Eperon, l'Eperon des Arabes, l'Eperon de la Blanche Voie et l'Eperon de Souchez qui domine, à pic, la sortie Est d'Ablain Saint-Nazaire et la sucrerie située sur la route de Souchez.
Dés le début de la guerre de tranchées, la 10e armée française cherchera à enlever cette position stratégique.
En décembre 1914 et janvier 1915, le 21e corps, commandé par le général Maistre, prend pied sur l'Eperon Mathis.
Le 15 mars 1915, après une lutte acharnée, les Français s'emparent du Grand Éperon défendu par trois lignes successives de tranchées…
Le mois suivant, l’Eperon des Arabes est enlevé.
Donnant suite à ces attaques préliminaires, le 9 mai voit l'offensive d'Artois proprement dite se déclencher.
Pour l'occasion, le corps du général Maistre reçoit, d’une part, la mission de chasser l'ennemi des deux derniers éperons du massif, et, d’autre part, celle d'enlever la crête supérieure portant prés de son rebord Est la chapelle de Lorette, dont les premières tranchées françaises sont encore distantes d'environ mille mètres.
L'organisation allemande est formidable dans tous les sens du terme.
De l'Eperon des Arabes, à la route de Souchez à Aix-Noulette, qui court au bas des pentes Nord-Est de la colline, s'échelonnent cinq lignes de tranchées profondément creusées, renforcées six mois durant de sacs de terre, de sacs de ciment et couvertes par des doubles ou triples réseaux de fils de fer barbelés et par des chevaux de frise.
De cent mètres en cent mètres, des barricades forment de puissants flanquements garnis de mitrailleuses.
Plusieurs fortins et des ouvrages avancés servent de points d'appui aux défenses des tranchées.
L'un d'eux, au Nord-Est de la chapelle, interdit l'accès de l'extrémité, du plateau.
Il comprend des fossés, des grilles, des casemates et des abris de dix mètres ou plus de profondeur.
Une division d'élite, composée en majeure partie de Badois, a ordre de garder, coûte que coûte Notre-Dame-de-Lorette, tandis qu'en arrière est dissimulée, dans les agglomérations d'Angres et de Liévin une puissante artillerie, balayant d'un feu continu tout le flanc nord de la colline et le plateau lui-même.
La division du général Maistre, chargée de l'attaque, comprend trois régiments d'infanterie et trois bataillons de chasseurs.
Le 9 mai, à dix heures, les premières vagues d'assaut s'élancent.
Deux heures plus tard, elles ont enlevé trois lignes de défense et elles sont parvenues au réduit de la position, devant le fortin de la chapelle, où, derrière un entassement de sacs à terre et d'épais blindages, les mitrailleurs allemands tirent sans discontinuer.
L'attaque se brise contre cet ouvrage conséquent. Les unités subissent des pertes sévères ; certaines compagnies ne sont bientôt plus commandées que par de simples sergents.
La progression s'exécute par bonds successifs de trou d'obus en trous d’obus.
D’importants réseaux de chevaux de frise sont demeurés en l’état, malgré les tirs de l’artillerie.
Les chasseurs ne reculent pourtant pas.
Laminés, décimés, ils s'accrochent tandis que les fantassins les rejoignent.
On se bat à coups de grenade, de baïonnette et même à coups de couteau, tandis que les mitrailleuses allemandes ne cessent de s'employer à balayer le terrain.
La nuit tombe éclairée par les obus et les fusées, déchirée par les cris des blessés, le fracas des explosions et le sifflement ou le claquement des projectiles et des tirs.
Chasseurs et fantassins s'installent comme ils le peuvent sur le terrain.
Là, dans un énorme entonnoir de mine de 80 mètres de circonférence, des soldats poussent au fond du puit les cadavres d’Allemands et s'organisent sur les lèvres, derrière des parapets improvisés.
Du 10 au 12 mai, la situation demeure identique.
Les Français conservent leurs gains en termes de conquête de nouveaux territoires.
Selon les témoins de l’époque : "... Il fait chaud et l'odeur est atroce. Tous les morts des mois précédents, enterrés à fleur de terre, ont été projetés par les obus hors de leurs tombes. Le plateau est un charnier..."
Le 12 mai, à la nuit tombée, des chasseurs bondissent, en se courbant, hors de leurs retranchements, afin de ramper jusqu’à hauteur d'un fortin allemand.
Sur place, sous le feu des mitrailleuses, qui tirent à 75 centimètres au-dessus d'eux, ils arrachent des sacs de terre, afin de les appliquer sur les créneaux, afin de diminuer l’ardeur des tirs ennemis.
Les unités suivantes, profitant de cette brève accalmie, accourent par-dessus le parapet...
A l'intérieur du fortin allemand, alors que la nuit est tombée, un corps à corps endiablé s'engage.
Les Allemands n'en peuvent plus de résister.
La chapelle effondrée est dépassée.
Autour, c'est un inextricable enchevêtrement de souterrains, d'entonnoirs, de trous d'obus bourrés de cadavres et de matériel.
Devenus ainsi, par la manoeuvre, maîtres de la crête du plateau de Lorette, les Français ne tiennent cependant pas encore le massif dans son entièreté.
Les Allemands résistent encore sur les deux éperons, du côté de la Blanche Voie, mais aussi sur celui de Souchez.
La pluie et les nombreuses sources, prenant naissance sur la hauteur, ont transformé le terrain argileux en une boue glissante où la progression est particulièrement malaisée.
Malgré cela, l'Eperon de Souchez est, petit à petit, conquis les jours suivants, jusqu'au point précis où il domine, à l'aplomb et à pic, la sucrerie de Souchez.
Mais…
Par contre, le feu terrible des mitrailleuses brise toutes attaques contre la Blanche Voie.
Jusqu'au 20 mai, la ligne française décrira un vaste demi-cercle depuis l'Ouest, d'Ablain Saint-Nazaire jusqu'aux flancs de l'Eperon Est, en contournant l'autre contrefort.
Huit jours durant, tapis dans leurs retranchements de la Blanche Voie et dans les maisons qu'ils tiennent encore, au Nord et à l'Est d'Ablain, les Allemands mitrailleront sans arrêt les lignes françaises.
Pendant ce temps, les batteries d'Angres et de Liévin dirigeront tous leur feu sur le haut du plateau.
Le 22 mai, enfin, après deux journées de terribles combats, les tranchées de la Blanche Voie seront finalement emportées.
Le massif de Notre Dame-de-Lorette, hormi le bas des pentes de l'éperon de Souchez, sera conquis par les forces alliées.
La lutte aura duré treize longs et terribles jours et nuits.
De part et d'autre, les pertes auront été élevées.
Sur le terrain on dénombrera 3.000 cadavres allemands.
En date du 11 juillet 1915, le général d'Urbal, commandant la 10e armée, citera en ces termes et à l'ordre de l'armée, les 21e corps, 43e et 53e divisions : " Sous le commandement du général Maistre, ont fait preuve, au cours d'attaques renouvelées, pendant plusieurs semaines consécutives et sous un bombardement intense et continu, de jour et de nuit, de l'artillerie ennemie, d'une ténacité et d'un dévouement au dessus de tout éloge ".
Chronologie des évènements :
du 10 au 12 mai 1915, attaque sur la crête de Notre-Dame-de-Lorette ; La chapelle est prise ;
du 18 au 20 mai 1915, les Français se sont rendus maîtres de la crête ;
le 22 mai 1915 : l’entièreté du massif de Lorette est conquis.