Pierre Louis Jules Gibaud est né le 15 février 1883 dans la maison parentale située à Saint-Michel-le-Cloucq (ici). Il est issu de l'union de Pierre Gibaud, journalier (1850-1931) et d'Eugénie Mottard, lingère (1849-1925). Deux autres enfants naîtront de ce mariage, Eugène et Marie.
Pierre Louis est cultivateur. Il se marie à Saint-Michel-le-Cloucq, le 19 novembre 1907, avec Georgette Suire (1887-1980), également cultivatrice.
De ce mariage, naîtront... Pierre, qui deviendra comptable (1908-1977) et Georges, futur cultivateur (1909-1977).
Le portique informatique www.memorialgenweb.org, ainsi que la fiche militaire référencée sur le site web de Mémoire des Hommes, du ministère des Armées, nous apprennent que Pierre Louis Jules Gibaud, marsouin, soldat de 2e classe au 3e Régiment d'Infanterie Coloniale (R.I.C.), porte le matricule 879 à la subdivision de Fontenay-le-Comte (137e R.I.), en Vendée (85).
Qu'il est décédé, tué à l'ennemi, le 25 septembre 1915, à l'âge de 32 ans, à Ville-sur-Tourbe (Marne), sur le front de Champagne. Qu'une plaque commémorative située en l'église paroissiale de Saint-Michel-le-Cloucq (celle à la droite de l'autre plaque et de la piéta centrale) reprend les références de Pierre Louis, ainsi que celles de 34 autres militaires tués durant la Guerre 1914-1918.
En outre, 53 noms de militaires sont repris sur le monument aux morts de la commune, pour 297 engagés. On sait également que la municipalité compte 1.033 âmes, lors du recensement de 1911.
Rétrospective
Le 2 août 1914, jour de sa mobilisation générale, l'Allemagne est sur le point de déclarer la guerre à la France (3 août, à 18h00)...
A la tête de l'Etat-Major des Armées françaises se trouve Joseph Joffre, général en chef.
Côté civil, c'est Adolphe Messimy qui occupe le portefeuille du ministère de la Guerre, du 13 juin au 26 août 1914. Au total, 7 ministres se succèderont à cette fonction durant les 50 mois de guerre (4 parlementaires et 3 militaires).
Du 2 au 18 août, la France mobilise 3.780.000 hommes en métropole et dans certaines de ses colonies.
L'acheminement des militaires s'opère par voie ferrée, vers la Belgique, au Nord, mais également en direction du Nord-Est, à la frontière franco-allemande (Plan XVII).
Durant toute la durée du conflit, 8.410.000 soldats et marins partiront sous les drapeaux, en ce compris, 7% de coloniaux. Au total, 1.400.000 militaires périront à la guerre. Les corps de 600 à 700.000 d'entre eux, dont celui de Pierre Gibaud, ne seront jamais retrouvés.
A lui seul, le 3e Régiment d'Infanterie Coloniale perdra 127 officiers et 4.490 hommes de troupe.
Administration
Les fascicules de mobilisation (Modèle A) portent les nom, grade, domicile, canton, département des intéressés, ainsi que leurs classe, numéro de contrôle, corps d'armée et subdivision auxquels ils appartiennent. Le lieu de stationnement ainsi que les bataillon, compagnie, escadron et batterie auxquels les militaires sont rattachés figurent également sur le fascicule de mobilisation.
En cas d'absence de son domicile, au moment de la mobilisation (le 3 août 1914), le titulaire d'un ordre de route (de marche) devra se présenter, muni de son livret militaire, avant 9 heures du matin, en gare la plus proche du lieu où il se trouve, afin de rejoindre directement son corps d'armée stationné en un lieu qui lui a été assigné au préalable. Cette procédure sera également valable pour le personnel rappelable et qui se trouve à l'étranger.
Hors cas de force majeure, quiconque ne se pliera pas au dispositif mis en place lors de la mobilisation sera déclaré insoumis, avec une peine assortie pouvant varier entre 2 et 5 ans. A l'expiration de la peine, les contrevenants seront dirigés vers des compagnies disciplinaires. Durant le temps de guerre, les condamnés seront déchus de leurs droits électoraux. Leurs noms seront affichés dans toutes les communes relevant de leur canton de domicile.
Décret portant organisation de l'infanterie coloniale
(Journal officiel du 30 décembre 1900)
Paris, le 28 décembre 1900
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,
Décrète :
Art. 1. L'infanterie coloniale se compose de l'ensemble des troupes d'infanterie européenne ou indigène, organisées spécialement en vue de l'occupation et de la défense des colonies et pays de protectorat, autres que l'Algérie et la Tunisie.
Elle est chargée en première ligne des opérations militaires aux colonies, coopère, le cas échéant, à la défense de la métropole et prend part aux expéditions militaires hors du territoire français, elle est distincte des troupes de l'armée métropolitaine et conserve son autonomie.
Art. 2. L'infanterie coloniale comprend :
1° Un état-major particulier,
2° Des corps de troupes d'infanterie européenne et indigène,
3° Un corps disciplinaire.
Composition
1. En France :
A. - Douze régiments d'infanterie coloniale ayant chacun la composition suivante : trois bataillons à quatre compagnies, un état-major, un petit état-major, une section hors rang et un cadre complémentaire.
Ces régiments sont composés d'engagés volontaires, de rengagés, de commissionnés, de volontaires de l'armée de terre versés dans l'armée coloniale, d’hommes des contingents des diverses colonies et d'hommes du contingent métropolitain, volontaires ou incorporés d'office, mais qui, dans ce dernier cas, ne seront pas astreints à servir aux colonies et n’y seront envoyés que s'ils en font la demande écrite après leur incorporation.
B. - Une section de secrétaires d’état-major
C. - Une section de télégraphistes coloniaux
D. - Un dépôt des isolés des troupes d’infanterie coloniale
E. - Une section de secrétaires et d’ouvriers du commissariat colonial
F. - Une section d'infirmiers coloniaux.
Les douze régiments forment trois divisions. En vue de la mobilisation, un corps d'armée est organisé sous le commandement d'un officier général des troupes coloniales, en utilisant les éléments des troupes coloniales stationnées en France, et susceptibles d'entrer dans une formation de campagne.
2. Aux colonies :
A. Cinq régiments d'infanterie coloniale à trois et quatre bataillons de quatre compagnies, stationnés en Indo-Chine, (9e et 11e à trois bataillons, 10e à quatre bataillons), à Madagascar (13e à quatre bataillons et 15e à trois bataillons) et un régiment, à deux bataillons de quatre compagnies, stationné dans l'Afrique occidentale.
B. Deux bataillons d'infanterie coloniale à quatre compagnies stationnées en Nouvelle-Calédonie et à la Martinique.
C. Un bataillon à deux compagnies stationnées à la Guyane.
D. Une compagnie à la Guadeloupe.
E. Une compagnie à Tahiti.
Art. 5. Les corps d'infanterie coloniale indigène comprennent :
Un régiment de tirailleurs annamites à trois bataillons, stationné en Cochinchine,
Quatre régiments de tirailleurs tonkinois, dont deux (les 1er et 4e) à trois bataillons, et deux (les 2e et 3e) à quatre bataillons de quatre compagnies,
Trois régiments de tirailleurs sénégalais stationnés : au Sénégal (un régiment à trois bataillons de quatre compagnies), au Soudan (un régiment à trois bataillons de quatre compagnies), à Madagascar (un régiment à quatre bataillons de quatre compagnies) ;
Deux régiments de tirailleurs malgaches à trois bataillons de quatre compagnies, stationnés à Madagascar.
Quatre bataillons de tirailleurs sénégalais à quatre compagnies stationnées, l'un au Chari, l’autre en Côte d’Ivoire, le troisième sur le territoire du Zinder et le quatrième à Diego-Suarez.
Fait à Paris, le 28 décembre 1900.
Signé : Emile LOUBET
Par le Président de la République :
Le Ministre de la guerre et celui des Colonies,
Signé : Gal. L. ANDRÉ & Albert DECRAIS
* * *
Départ pour la guerre
Dans la nuit du 7 au 8 août 1914, le 3e Régiment d'Infanterie Coloniale, qui appartient à la 3e brigade coloniale de la 3e division d'infanterie coloniale, quitte Rochefort, sous les ordres du colonel Lamolle.
Pierre Gibaud rejoindra son corps, le 13 août (Fontenay-le-Comte) ; le lieu d'affectation proche de son domicile durant son service militaire (1903). Voir document en marge gauche...
NB : la caserne de Rochefort sera transformée en hôpital et ses alentours, extra-muros, aménagés en camp provisoire (tentes indiennes, "marabout"), plus en avant dans le temps.
Cette force compte trois bataillons (+/- 2.400 militaires) respectivement commandés par le commandant Sauvage (1er) ; le commandant Chibas-Lassale (2e) et le commandant Mast (3e).
Le 10 août, les hommes débarquent à Mussey, dans la Meuse.
Le 20 août, après d'âpres marches, les avant-postes (1er et 3e bataillons) arrivent dans le secteur de Chauvency-Saint-Hubert, à l'Ouest de Montmédy et de la frontière belge.
Le 21 août, les 2e et 3e bataillons se dirigent vers Limes, en Belgique, alors que le 1er bataillon stationne sur la frontière, à Fagny.
Le 22 août, le régiment constitue le gros de la colonne de la 3e division qui se porte de Limes vers Neufchâteau, via Saint-Vincent et Rossignol (ici). Le régiment se déplace dans le dos de l'artillerie divisionnaire. Au sortir de Saint-Vincent une forte canonnade se fait entendre vers l'Est, alors qu'à 500 mètres du village les Français sont pris sous le feu de l'artillerie allemande. Ordre est donné aux fantassins français de se positionner afin d'assurer la protection des positions d'artillerie. La 4e compagnie aura pour mission d'assurer la liaison entre les troupes d'infanterie. Le 1er bataillon se tiendra en réserve. A 10 heures 30, le général de brigade ordonne que la troupe se dirige vers Rossignol, en soutien de l'artillerie. Les trois bataillons qui faisaient face à l'ennemi, vers l'Est, reçoivent l'ordre de se porter vers le Nord. A 11 heures, le 2e bataillon essuie des tirs ennemis au sortir du bois à Breuvannes. Non loin de Tintigny. Il en va de même pour le bataillon qui est obligé de se terrer dans ce même secteur. Le 3e bataillon est parvenu à franchir la Semois, alors qu'il soutient la première brigade le long de la rive droite de la rivière. De midi, jusqu'au soir, les trois bataillons sont immobilisés sous les coups allemands. L'ordre de marcher au-delà de Rossignol, vers Neufchâteau, au Nord, ne peut être satisfait. Les pertes sont énormes ; les 1er et 2e bataillons sont quasiment encerclés et le 3e bataillon à su manoeuvrer le long de la Semois. Nul renfort ou ravitaillement ne peuvent être acheminés. A 19 heures, l'ordre de retraite générale tombe. Les reliquats des 1er et 2e bataillons retraitent en direction de Tuigny-le-Fresnois. Les troupes rejoignent les lignes de la 2e division.
Le 23 août, à 4 heures, les Français poursuivent leur retraite vers Orval. Les pertes, durant la journée sanglante du 22 août, s'élèvent, dans le secteur, tous grades confondus à 1.085 tués, blessés et disparus.
La retraite - La bataille de la Marne
Le 24 août, le 3e RIC, du moins, ce qu'il en reste, se porte sur Olizy-sur-Chiers, pour former deux bataillons. Le 1er est commandé par le capitaine Carles ; le second, par le capitaine Montaigu.
Le 26 août, le régiment franchit, plus au Sud, la Meuse à Inor et Martincourt-sur-Meuse.
Le 27, dans la matinée, les 3e et 4e colonial contre-attaquent les Allemands. Cette opération aura pour coût 117 hommes tués, blessés ou disparus.
A 13 heures 30, la retraite reprend son cours. Le régiment bivouaque à Pont-Gaudron (D30), sur la route de Beaumont-en-Argonne.
Le 28 août, le régiment se porte sur Fontenoy.
Le 29 août, la retraite se poursuit vers Vouziers.
Le 31 août, une position défensive est établie à Boult-aux-Bois, à l'Est de Vouziers.
Le 1er septembre, la retraite porte les Français en avant-poste aux fermes Joyeux et Trière...
Le 2 septembre l'Ordre n°II de Joffre insiste quant au fait qu'il est impératif de résister ; de demeurer sur place et de ne plus céder de terrain à l'ennemi. L'ordre d'opération est le suivant : la 4e armée se maintiendra sur un front situé entre Saint-Souplet-sur-Py ; Sommepy-Tahure et Montilier, au Nord. Le corps colonial défendra la ligne Mates ; Ardeuil-et-Montfauxelles ; Chateau-des-Rosiers et le bois de la Malmaison. Le ligne maîtresse de la résistance se situera à la lisière Nord du bois de la Malmaison, de la ferme des Rosiers et ce, jusqu'à la grand'route Séchault-Monthois.
Le 3 septembre, le C.A.C. (Corps d'Armée Colonial) se replie vers le Sud, alors que le 3e R.I.C., qui forme ses arrières, se maintient sur les hauteurs, en lisière de bois, à deux kilomètres de Saint-Remy et à quatre kilomètres au Nord-Est de Somme-Tourbe, à l'Est de Suippes. A 16 heures 45, les avant-postes, installés par le 3e bataillon à 13 heures 45, sont attaqués, alors que soutenus par deux autres bataillons et deux batteries d'artillerie de campagne (75mm). A 20 heures, les Français se replient à nouveau, alors qu'ils ont perdu 4 officiers et 123 hommes de troupe. A 21 heures 20, le 3e R.I.C. s'installe pour la nuit, à La Croix-en-Champagne (ici), à l'Est de Chalons. Les 4 et 5 septembre, la retraite se poursuit sur Saint-Jean-de-Pouesse et Orconte (ici), à l'Ouest de Saint-Dizier et à une encablure de La Marne. Le 6, le régiment, qui fait corps à la 2e division du général Leblois, a pour mission d'attaquer la ligne Bignicourt-sur-Marne, Apremont, Villotte et Matignicourt-Goncourt. Les 1er et 3e bataillons sont dépêchés face au Nord-Ouest, sur la ligne Norrois, cote 100. Le 2e bataillon est, quant à lui, posté en réserve, légèrement en arrière et sur le côté, au Nord-Ouest de Cloyes-sur-Marne (ici). Le déploiement des bataillons de première ligne permet d'arrêter le recul des régiments voisins, fortement éprouvés lors de l'attaque du pont de Lunemont et des rives de l'Orconte, un cours d'eau proche du Canal de la Marne à la Saone. De violents combats obligent les Allemands à reculer. Sous les ordres du général Leblois, les Français doivent également se replier sur 400 mètres, afin d'éviter les tirs de leur propre artillerie. En cet endroit les Allemands subissent des pertes conséquentes liées aux tir de l'infanterie et de l'artillerie française. Durant la nuit les belligérants se retranchent.
Le 7 septembre, le 3e R.I.C. demeure planqué toute la journée, dans ses tranchées de fortune et sous le feu de l'artillerie allemande. Dans le même temps, les pièces françaises écrasent sous leur feu, les positions allemandes situées au Nord du canal, non loin de Lunemont et de Guicourt.
Le 8 septembre, le 3e colonial est relevé par le 4e R.I.C. et placé en réserve à Moncetz-l'Abbaye (ici), à l'Ouest de Saint-Dizier et du Lac du Der. Le lieutenant-colonel Condamy prend le commandement du régiment, en remplacement du colonel Lamolle, promu, par intérim, à la tête de la 3e brigade. Le 9 septembre, le 3e R.I.C. occupe une tête de pont à Moncetz, d'où il part à 22 heures, afin d'occuper Meix-Thiercelin, le 10 (bivouac dans les bois).
Le 11 septembre, il cantonne à Thiéblemont, à mi-distance entre Vitry-le-François et Saint-Dizier.
Le 12 septembre, la division provisoire est disloquée ; le régiment forme l'arrière-garde de la 3e division, qui se porte à l'attaque, par le buisson de Pouesse.
Les 13 et 14 septembre, il poursuit l'ennemi jusqu'à Dampierre-sur-Auve, Malmy et Montplaisir [Est de Massiges/Ville-sur-Tourbe (ici)]. Le 15 septembre, le régiment lève le camp, afin de se rassembler face au Nord, sur la position de Montremy, à l'Ouest de Malmy. Les Allemands occupent une position forte au Sud de Cernay-en-Dormois, de la cote 155 à la cote 165, en passant par la Justice. A 9 heures, il reçoit l'ordre de se porter à l'attaque de la Briqueterie, de la ferme des Touages et de Cernay-en-Dormois. Sous une grêle d'obus de tous calibres, les Français franchissent les deux kilomètres qui les séparent de Ville-sur-Tourbe. Localité d'où ils doivent se porter sur l'ennemi, avec la 1ère brigade à sa droite et le 7e régiment à sa gauche. La 6e brigade a, pour sa part, mission d'opérer un mouvement enveloppant sur l'ennemi, alors qu'elle occupe l'aile droite du corps d'armée français. Un vide conséquent s'est établi sur le terrain, à droite du 3e R.I.C. ; un espace entièrement découvert. A 11 heures 30, l'offensive allemande enfonce les positions françaises de première ligne. Le colonel Lamolle, commandant la 3e brigade, ordonne au régiment, qui ne dispose que de deux bataillons (le 3e étant en réserve) d'attaquer avec ses seules ressources. Le 1er bataillon se porte comme fer de lance de l'attaque, alors que le 7e régiment est retenu plus en arrière. Alors qu'il a pris position à hauteur de la Briqueterie (premier objectif), il est obligé de se terrer face aux tirs de l'infanterie et de l'artillerie allemandes. Le 2e bataillon finit pas déboucher en avant, au Nord de Ville-sur-Tourbe, à mi-chemin entre Reims et Verdun et au Nord de Valmy. Au même moment, retraitent les reliquats du 1er régiment d'infanterie coloniale, talonnés par les troupes allemandes. L'ensemble des Français doit faire face au feu nourri de l'ennemi. Faute de munitions les Français ne peuvent plus répliquer à l'arme lourde. A ce moment de la bataille, seul le pont de Ville-sur-Tourbe, sur la Tourbe, permettrait aux Français de se défaire de la pression allemande. Le 2e bataillon reçoit l'ordre de tenir les positions jusqu'à la dernière cartouche, alors que dans le même temps, le 1er bataillon de Carles a pour mission de contre-attaquer sur la droite de l'ennemi, avec le 7e colonial en appui. Par ses actes de bravoure, les hommes du 3e R.I.C. réussissent à sauver la situation, sur la droite du dispositif défensif du Corps d'Armée Colonial (C.A.C.).
En d'autres endroits du front, plus au Sud, les Français, épaulés par le Corps Expéditionnaire Britannique (B.E.F.), ont pu repousser l'envahisseur vers le Nord.
Au lendemain de la Bataille de la Marne, la ligne de front se fige. Le conflit prend dès lors des allures de guerre des tranchées durant plusieurs années.
Le secteur de Ville-sur-Tourbe
Durant 65 jours, le 3e R.I.C. et le 7e colonial tiennent le secteur sous le feu de l'artillerie allemande et en dépit de problèmes de santé (dysenterie). La petite ville de Ville-sur-Tourbe a été réduite en ruine. Un secteur proche du poste de commandement du lieutenant-colonel Condamy compte 180 impacts d'artillerie sur une surface dont le rayon fait 100 mètres.
Pendant cette période, les Français ont dû repousser cinq attaques ennemies. Les 15, 17, 18 et 26 septembre ainsi que les 30 septembre, 1er et 3 octobre. Le bois de Ville-sur-Tourbe fit également l'objet d'enjeux stratégiques importants.
Durant la période qui s'étend jusqu'au 18 décembre, les 3e et 7e coloniaux tiennent le secteur de Ville-sur-Tourbe.
Le 3e R.I.C. prend également part, au Nord-Ouest, aux combats des 22 et 28 décembre sur Sommepy-Tahure (ici) et Nipont, à l'Est de Reims. Le 3e colonial tient le secteur jusqu'au 23 février 1915.
Le Fortin de Beauséjour - 27 février 1915
Le 24 février 1915, le colonel Condamy, à la tête du 3e R.I.C. alerte du fait que les bataillons disponibles doivent se rendre au ravin des Pins, via Courtemont.
Le colonel prend la tête de six compagnies en réserve à Maffrecourt, au Nord de Valmy-Ste-Menehould. Le premier bataillon cantonne à Minaucourt ; le second au ravin des Pins. Les deux bataillons ont été placés sous le commandement du lieutenant-colonel Bonnin responsable du 22e R.I.C. Les opérations à venir visent un fortin allemand situé à au Nord-Ouest de Minaucourt (Fortin Beauséjour). Cette fortification, passe d'un camp à l'autre à sept reprises. Elle est sous contrôle allemand depuis le 24 février, lorsque le 22e colonial finit par la perdre.
Le 26 février, durant la nuit, les Français montent aux tranchées, avec la ferme intention de reprendre le poste fortifié. L'attaque est fixée pour le 27, à 15 heures 45. L'artillerie a pour mission de cibler le dispositif allemand à 15 heures 30.
A 15 heures 45, le 1er bataillon fait face aux Allemand, à l'Est ; le 2e bataillon à l'Ouest.
Lors de la première vague, le 1er bataillon, est formé des 2e et 3e compagnies ; le 2e bataillon, par les 5e et 6e compagnies. Les 4e et 7e viendront en appoint, lors de la prise du bastion, afin de consolider la position. Les 1ère et 8e compagnies se tiendront en réserve, au même titre que deux autres compagnies provenant du 22e R.I.C.
A l'heure indiquée, l'assaut est donné sous un déluge de feu. Dès les premiers instants, les pertes sont considérables, côté français. Les officiers du 1er bataillon tombent les premiers, à la tête de leurs hommes. Ainsi, seront blessés ou périront le capitaine Saint-Gall (1er bataillon) ; le ss-lieutenant Coupeau ; le capitaine Loche ; le ss-lieutenant Boisseau et le lieutenant Perrichon. Déterminées, les deux compagnies d'assaut s'accrochent à la fortification.
Au sein du 2e bataillon, les combats sont tout aussi meurtriers. La première vague parvient dans l'ouvrage au niveau du 1er bataillon. Officiers et soldats sont fauchés en masse. Ainsi, lors de l'opération, seront tués... le capitaine Delalbre, les ss-lieutenants Pelon, Clousset et Rossy. Les combats progressent à coup de grenades. L'ennemi s'accroche à vouloir reprendre son fortin. A cet cet effet, il mène 4 contre-attaques successives. Celle lancée le 28, à 8 heures, est particulièrement violente. Malgré le manque de vivres, sous la pluie et éreinté, le 3e colonial tient bon.
Lorsque le 91e régiment vient relever les deux bataillons, l'ouvrage a tenu.
La tradition du Corps conserve le souvenir de cette terrible nuit du 27 au 28 février 1915 durant laquelle les blessés arrêtèrent, en plusieurs points, les Allemands cherchant à reprendre le contrôle des boyaux ; ou encore, d'un adjudant se battant quasi seul derrière un barrage et prononçant, la phrase demeurée légendaire, : "Debout les morts !".
Durant les événements de la fin février 1915, le 3e colonial perdra 6 officiers, 183 ss-officiers et soldats ; 11 officiers, 565 ss-officiers et soldats seront blessés. Mais encore, 250 hommes ne seront pas retrouvés, ensevelis ou atomisés par les obus. Ce faisant, le nombre de prisonniers français demeurera tenu sous silence par les autorités militaires.
La guerre des mines
Durant le mois de mars 1915, les Allemands entament des sapes qui laissent supposer qu'ils s'avancent dans une stratégie de guerre des mines. Son intérêt stratégique se porte à hauteur de Pruneau, là où se situe le saillant français, avec Ville-sur-Tourbe, en guise de fer de lance.
Les Français harcèlent l'ennemi avec tous les moyens mis à sa disposition : patrouilles, feu d'infanterie et d'artillerie, grenades...
Le 3 avril, le génie parvient à faire avorter la percée souterraine allemande, au moyen d'une contre-sape, sous les positions ennemies.
Le 7 avril, le général de division ordonne de faire sauter le camouflet placé devant l'ouvrage Pruneau. La double explosion des charges a pour conséquence l'apparition d'un vaste entonnoir visible au niveau de la surface du sol. S'ensuit, pour les Français, un travail pénible de remblaiement, afin que le volume ne puisse être investi par l'adversaire. Le personnel en charge des travaux se trouve à un jet de grenade des positions allemandes. La tâche est risquée, alors qu'ils sont de six à huit à ramper depuis un boyau, dans la boue, pour combler le vide de terre occasionné par la double explosion. Avec les pluies du printemps, l'eau atteint parfois la hauteur des genoux, dans les boyaux. Les écopeurs ne parviennent pas à contrer les effets des pluies diluviennes enregistrées du 8 au 12 avril. Les parapets subissent également les affres des intempéries.
Le 15 mai, à 18 heures 25, les Allemands font sauter trois mines sur la face Nord - Nord-Ouest de l'ouvrage Pruneau, situé entre la pointe Sud-Est de la Main de Massiges et Ville-sur-Tourbe. Là où se trouve précisément le 7e colonial. L'explosion des mines est parachevée par un violent feu d'artillerie qui a pour effet de couper les lignes de communication téléphoniques françaises. Les localités de Montremoy et Malmy sont également visées par ces tirs. Alors que l'infanterie allemande se rue sur les positions françaises, de première ligne, le 7e résiste comme il peut avec pour seul soutien, des tirs amis dirigés vers les lignes de progression arrières allemandes. Après une heure de durs combats, vers 20 heures 50, une contre-attaque peut être entreprise par les Français. Les bataillons du 3e R.I.C. sont transportés de leurs cantonnements, vers Brézieux, Malmy et Araja. Quatre compagnies se dirigent au secours du 7e qui a perdu quasi l'ensemble de ses officiers et de très nombreux hommes de troupe.
Le 17 avril, après plusieurs contre-attaques infructueuses, une tentative porte ses fruits sur la face Nord et Ouest des positions allemandes. Méthodiquement, la poussée française progresse au point de couper la ligne de soutien allemande. L'ennemi est coupé de sa retraite par des tir d'artillerie français. Entre 1 heure 30 et 2 heures 45 les tranchées françaises sont reprises, alors qu'il est fait de nombreux prisonniers allemands et qu'un matériel divers a pu être saisi. Les 1ère, 3e , 4e et 9e compagnies du 3e colonial prennent une part active et fructueuse dans le succès des 2e et 3e contre-attaques. C'est également grâce à la bonne connaissance du secteur qu'ont les officiers, et à un bon ravitaillement en grenades, bien organisé, que l'ouvrage Pruneau est réoccupé et que sa remise en état pourra ultérieurement être effectuée sous les ordres du capitaine Rives.
Le total des prisonniers s'élève à 333 hommes, dont 9 officiers.
Le 20 mai 1915, dans son ordre du régiment, le colonel Desdouis, commandant le 7e colonial, citera à l'ordre de son régiment, en demandant que ces citations soient portées à l'ordre de l'armée : "Les officiers, sous-officiers, caporaux et soldats des 1ère, 2e, 3e et 4e compagnies du 3e régiment d'infanterie coloniale, qui, appelés dans la nuit du 15 au16 mai, au secours de leurs camarades du 7e assaillis par l'ennemi, leur ont apporté le secours de leur vaillance et les ont aidé à reconquérir les positions de tranchées momentanément tombées en possession de l'ennemi."
L'offensive du 25 septembre 1915
Premier jour de la la Seconde bataille de Champagne
Le 3e R.I.C. continue à assurer la garde du secteur de Ville-sur-Tourbe jusqu'au 29 mai.
A cette date, le corps d'armée colonial est relevé par les 15e et 16e corps.
Le régiment quitte Maffrécourt (Nord-Ouest de Ste-Ménehould).
Le corps d'armée colonial doit soutenir le 35e corps dans ses attaques sur Tracy-le-Mont et Moulin-sous-Touvent. Le régiment, en réserve de groupes d'armées, stationne successivement dans la forêt de Laignes, au carrefour de la Chapelle-Sainte-Croix, à Tosly-Breuil (Est de Compiègne) et à Breuil, durant les 6, 7 et 8 juin. Ces journées se passent en mouvements et en alertes, elles sont très éprouvantes, en raison de la longueur des étapes sur des routes encombrées.
Le 14 juin, le régiment s'embarque à Pierrefonds, vers une destination inconnue. Il débarque à Amiens-Saint-Roch d'où il se dirige sur Beauquesne, où il arrive le 16.
Le 18, il part en auto pour Sus-Saint-Léger. Il est réserve du groupe d'armées.
Du 19 au 30 juin, les 1er et 2e bataillons cantonnent à Oppy-Saint-Léger, alors que le 3e bataillon est établi à Saint-Pol-Baudricourt. Le 1er bataillon cantonne successivement à Terramesnil, Vignacourt (Nord-Ouest d'Amiens), Plivot (Sud-Est d'Epernay) et sur le Camp Gouraud.
Le 15 août, il remonte aux tranchées de Ville-sur-Tourbe. Les 2e et 3e bataillons sont sur secteur le 12 septembre. Le régiment se prépare pour la grande offensive du 25 septembre.
Le matin du 25 septembre, le 2e bataillon occupe les faces Ouest et Nord de l'ouvrage Pruneau. Il contribue à la transformation en parallèle de départ et reçoit pour ordre, de tenir ses tranchées pendant l'attaque. Il formera une troisième vague d'assaut si besoin est.
Les 1er et 3e bataillons accolés forment les deux premières vagues. Ils ont pour objectifs, en ce qui concerne le 1er, "la Justice" ; le 2e, "le petit bois de l'Oreille", à l'Est de la cote 191 et reçoivent la mission de pousser ensuite leur avance, si possible, jusqu'à La Dormoise.
La préparation d'artillerie, commencée le 22, est terrible.
Jusqu'à ce jour, les Français n'ont rien vu de semblable. Le terrain est pilé. Tout saute, c'est infernal, le "boche" ne peut tenir face à ce déferlement d'obus.
L'attaque est fixée à 8 heures 30.
Dès le signal donné, les hommes bondissent hors de la tranchée et s'élancèrent.
Toutefois, un feu terrible les accueille presque au débouché de la parallèle.
Le chef de bataillon Posth tombe dans la tranchée. Le commandant Raudot est tué à peine sorti.
Les pertes sont sensibles, surtout au sein du 1er bataillon, devant lequel les fils de fer barbelés n'ont pas été coupés. La première vague, de ce côté de l'attaque, est partiellement fauchée. La deuxième la renforce, arrive jusqu'à la première tranchée allemande et s'y maintient au prix de
lourds sacrifices.
Sur la gauche, le 3e bataillon est plus chanceux, il enlève une partie de la deuxième ligne de la cote 191 et s'y maintient.
Le lieutenant-colonel Condamy, qui se trouve à l'ouvrage A, sort avec la deuxième vague. Il est accompagné de son adjoint, le capitaine Marec, l'adjudant Faucher et ses cyclistes. Il parvient à la tranchée ennemie et s'y jette avec ses hommes. Mais, à ce moment-là, l'ennemi porte, sur cette
partie de la ligne d'attaque française, une violente contre-attaque.
Le Commandant du régiment se porte au parapet, un fusil à la main et tire au milieu de ses soldats. L'adjudant Faucher et le capitaine Marec en font de même. Le colonel est touché presque aussitôt par une balle qui l'atteint à la bouche. Il tombe à la renverse. Dans la tranchée, le capitaine Marec et le cycliste Tullaud tentent de lui porter les premiers soins ; il meurt dans leurs bras.
L'adjudant est tué.
Malgré les efforts de l'ennemi, qui parvient à reprendre la première ligne entre l'ouvrage Pruneau et la route de Vouziers, le 3e bataillon se maintient sur la cote 191. Il réussit même à progresser.
Le 29, l'attaque reprend à la grenade; les efforts du bataillon contribuent à faire tomber la défense allemande sur ce point du front.
Le régiment s'est comporté remarquablement comme à l'accoutumée, depuis août 1914.
Ses pertes sont effrayantes.
La liste des officiers tués en donne une idée : outre le lieutenant-colonel Condamy, les commandants Posth et Raudot sont tués en entraînant leurs bataillons ; les capitaines Bosc, Lefebvre, le héros du 15 mai, Maître, Pierre, Babet, à la bravoure légendaire, Rives tombent glorieusement. Avec eux, succombent aussi vaillamment les lieutenants et sous-lieutenants Cauzan, Pancol, Derungs, Lapeyre, Lescurat, Roblin et Collin.
Le témoignage du cycliste Tullaud atteste du fait que le capitaine Rives, affreusement blessé au ventre par un éclat d'obus, répond à ce soldat qui lui offre des soins: "Vas, mon affaire est faite, ne t'occupe pas de moi, fais du beau travail !"
Malgré cette sanglante saignée, le régiment reste en place et combat jusqu'au 29. Il contribuera à élargir le terrain gagné et sera relevé le 30, par le 4e bataillon de chasseurs et un escadron
de cavalerie à pied, après avoir durablement consolidé les positions enlevées à l'ennemi.
Après la relève des 1er et 2 octobre, le régiment se reforme à Verrière. Il reprendra position dans les tranchées de Massiges et de la cote 191.
Relevés de leurs positions, le 23 octobre 1915, les hommes iront cantonner à Possesse, Oissery, Puisieux et Forfry, jusqu'au 31 décembre 1915.
1916... - Drame en Méditerranée
Après avoir occupé plusieurs lieux de cantonnements, depuis le 1er janvier 1916, dans le sud de la France, les 1er et 2e bataillons, plus une compagnie de mitrailleuses embarquent en gare de Lyon-Vaise, vers Toulon, le 20 février.
Ces deux éléments, moins la 2e compagnie, quittent Toulon à 14 heures, à bord du navire Burdigala, (ex Kaiser Friedrich, allemand) à destination de Salonique. Le paquebot coulera à pic, le 14 novembre 1916, après avoir touché une mine allemande à hauteur de l'île de Kéa (Cyclades), au Sud d'Athènes. (ici) Le 22 février, le 3e bataillon, la compagnie hors rang (C.H.R.) et la 1ère compagnie de mitrailleuses embarquent pour Toulon. Ils quittent cette ville avec la 2e compagnie, le 23 février, à bord du navire Le Provence II, un paquebot transatlantique, lancé en 1906 et réquisitionné le 2 août 1914, pour faire de lui un croiseur auxiliaire armé de 5 canons de 140mm, de 2 de 57mm et de 4 de 47mm.
Le détachement embarqué à bord du Burdigala débarque à Salonique, le 26.
Le Provence II est coulé par une torpille, à 15 heures, le 26 février, à deux milles nautiques Sud-Sud-Ouest de Sapienza, en mer Ionienne.
Le bâtiment, qui a commencé ses missions de transport de troupes pour les Dardanelles, en janvier 1915, coule en dix-sept minutes, faisant 912 victimes, dont le commandant, le capitaine de frégate, qui avait demandé qu'on débarque 1.100 passagers en raison du manque de brassières de sauvetage.
Malgré le dévouement de tous à bord, seuls 7 officiers et 500 hommes environ pourront être sauvés par des navires des marines de guerre fançaise et britannique. Les rescapés seront débarqués en Sicile et à Malte.
Notons que les actes de courage seront nombreux au cours du sinistre, tout comme les actes déraisonnables. Le Dr Clunet, passager à bord, rapportera que : "Certains s'entassent sur les embarcations, sur le pont, sans essayer de les mettre à la mer, d'autres montent dans les haubans de la mâture ; d'autres encore tirent des coups de revolver et des coups de fusil en l'air."
Seconde bataille de Champagne, du 25 septembre au 9 octobre 1915, avec un début de préparation d'artillerie, le 22 septembre.
Stratégie
L'objectif, avoué ou non, du général Joffre est quadruple :
- limiter le renforcement de l'armée allemande sur le front russe et aider ainsi la Russie qui a perdu le territoire actuel de la Pologne et dont les armées sont en retraite ;
- convaincre certaines nations encore neutres d'entrer en guerre au côté des Alliés et particulièrement visée ; l'Italie ;
- relancer la guerre de mouvement pour redonner du moral aux militaires français, passablement entamé par l'immobilisme allié et en finir au plus tôt avec la guerre.
- au passage, permettre à Joffre de renforcer sa crédibilité auprès des autorités politiques françaises.
Le principe de l'attaque est de lancer une offensive massive dans un secteur limité à vingt-cinq kilomètres, entre Aubérive (vallée de la Suippe) et Ville-sur-Tourbe, afin d'obtenir la rupture et d'assurer une exploitation profonde sur les arrières de l'armée allemande. Outre cela, forcer l'adversaire à un repli sur toute la partie Ouest de son dispositif. Raison pour laquelle chaque armée devra être renforcée par un corps de cavalerie. Ce mouvement sera coordonné avec une offensive commune franco-britannique portée en Artois ; autre point-clef majeur de fixation des Allemands.
Ce secteur particulier de Champagne est choisi par le général de Castelnau, en raison de ses caractéristiques géographiques. Le terrain est relativement plat, il n'y a pas ou peu d'agglomérations qui pourraient servir de point de résistance aux Allemands. Le terrain est tout à la fois ouvert et boisé de manière diffuse, propre ainsi à assurer une progression fluide des vagues d'assaut. Il s'agit donc, après une préparation d'artillerie massive devant être guidée par l'aviation, de conquérir les lignes allemandes, en attaquant de face les points de résistance en les enveloppant par les flancs avec des troupes d'intervalles, par vagues continues, jusqu'à créer la rupture. D'exploiter ensuite la situation à l'aide des troupes de seconde ligne.
Troupes en présence et ordre de bataille
Côté français, deux composantes sont alignées.
La 2e armée du général Pétain et la 4e armée du général de Langle de Cary sont composées chacune de quatre corps d'armée, d'un corps d'armée colonial et d'un corps de cavalerie. La 4e armée comprend les 4e, 6e, 7e, 32e corps d'armée, le 2e corps d'armée colonial et le 2e corps de cavalerie. La 2e armée comprend les 11e, 14e, 16e et 20e corps d'armée ; le 1er corps colonial et le 3e corps de cavalerie. (ici)
Côté allemand, la IIIe armée allemande du général Von Einem comprend un corps d'armée d'active, le 14e, et deux corps de réserve, les 12e et 8e auxquels viennent s'ajouter la 50e division et deux divisions d'infanterie placées à la gauche de la Ve armée allemande, sous les ordres du Kronprinz. Un total de sept divisions et demi (+/- 115.000 hommes). Toutefois, pour compenser leur faiblesse en effectif, les Allemands se sont profondément retranchés sur leurs positions, faisant montre d'une expertise en matière de fortifications de campagne. Leurs lignes sont organisées sur des positions avantageuses (hautes) composées de points d'appuis fortifiés et d'un réseau complexe de tranchées et de barbelés. Ils exploitent également avantageusement les contre-pentes, afin de limiter les effets de l'artillerie adverse sur leurs ouvrages défensifs et leurs lignes de ravitaillement.
La préparation d'artillerie
L'offensive est initialement prévue le 8 septembre. Mais, à la demande du général Pétain, qui estime avoir besoin de plus de temps, elle est reportée au 15, ensuite, au 25 septembre.
La préparation de l'offensive porte sur trois axes : la préparation d'artillerie ; la concentration raisonnée des troupes et la mise en place d'une logistique adaptée.
Le 22 septembre 1915 commence une préparation d'artillerie qui dure trois jours.
Au total, 1.100 pièces d'artillerie sont déployées et mises en action.
À partir du 22 septembre, l'artillerie de campagne, principalement des canons de 75, et l'artillerie de tranchée, employée pour la première fois à grande échelle, pilonnent les tranchées de première ligne allemandes et détruisent les réseaux de barbelés qui les protègent, afin de faciliter la progression des fantassins.
À partir du 24 septembre, l'artillerie lourde à longue portée, traite les lignes de ravitaillement et les nœuds de communication allemands, en profondeur, notamment les axes logistiques principaux et les gares de Bazancourt et de Challerange.
Les troupes sont concentrées, avant l'assaut, sur de grandes places d'armes, à une distance respectable des premières lignes, afin d'éviter que les Allemands ne les repèrent. Une de ces places d'armes prend, pour l'occasion, le nom de place de l'Opéra (voir photo, en marge).
L'ensemble du dispositif offensif français sera soutenu par des mouvements logistiques, sur routes et par voies ferrées spécialement construites pour l'occasion, tout cela, afin de déplacer les troupes en nombre et de permettre également un approvisionnement continu en munitions et en nourriture.
Première journée d'attaque du 25 septembre 1915
Le 25 septembre 1915, les effets de l'artillerie de campagne et de l'artillerie de tranchée sur la première ligne allemande sont analysés. Il en ressort, pour constat, des destructions inégales en raison d'une organisation défensive adverse plus ou moins fortement structurée.
Sur le flanc gauche, la 4e armée française lance les 4e, 32e et 7e corps, entre Prosnes et Aubérive. Les 4e et 32e corps butent sur la première ligne à l'Épine de Védégrange et ne progressent quasiment pas.
Le 7e corps parvient, quant à lui, à percer sur un front de 4 km. Les points de résistance rendent la progression très inégale et difficile à coordonner. À l'Ouest, il bute sur le dispositif de la ferme des Wacques ; un ensemble de fortifications complexes constitué de 7 à 8 lignes de tranchées cachées dans des zones boisées, le long de la vallée de l'Ain et bien protégé par des réseaux de barbelés. À l'Est, il déborde les positions défensives vers Souain.
Les liaisons s'étiolent. Les combats se dispersent. Le 2e corps colonial progresse sur trois axes. À l'Ouest, il atteint le Moulin de Souain, détruit ; au centre, il arrive sur la ferme-cabaret de Navarin, qu'il emporte. Il bute toutefois sur un dispositif fortifié placé à l'arrière des bâtiments. Blaise Cendrars, alors légionnaire au 2e régiment de marche, y est grièvement blessé. C'est là qu'il perdra un bras, épisode de sa vie qui donnera quelque trente années plus tard le titre de son récit de guerre, "La Main coupée". À l'Est, il débouche sur la route Tahure-Souain. Sa progression est toutefois gênée par le dispositif fortifié du Bois Sabot, qui résiste sur la droite.
Dès le début, le 2e corps de cavalerie est déployé à l'arrière, en deuxième ligne, afin de pouvoir exploiter une éventuelle rupture du front.
Dans le secteur de la 2e armée, les 11e et 14e corps franchissent la première ligne, pour atteindre le tracé Souain-Tahure. Les hommes se heurtent aux dispositifs fortifiés du Bois Jaune et de la Butte du Mesnil qui empêchent une descente sur la vallée de la Dormoise.
À droite, le 1er corps colonial investit, avec succès, le dispositif défensif complexe de la Main de Massiges. Il parvient à s'emparer des "doigts", mais se heurte, toutefois, à des points de résistance fortement organisés par-delà la crête.
Globalement, la progression sur la ligne de front est très irrégulière. La première ligne allemande est partiellement conquise, faisant au passage un nombre significatif de prisonniers et une quantité importante d'armement saisi. Il n'en demeure pas moins que des points de résistance majeurs et complexes subsistent. Les troupes, qui sont parvenues à la deuxième ligne adverse, sont arrêtées par un dispositif défensif demeuré intact. Du côté allemand les troupes sont déstabilisées ; la tentation de se retirer est grande et la situation fait l'objet d'âpres discussions. Le général von Einem fait appel à des renforts. Son chef d'état-major est relevé de ses fonctions. Les résultats de la percée espérés par les Français ne sont pas atteints.
La seconde journée - 26 septembre
Le 26 septembre, la progression française est moindre qu'espérée. Les troupes butent sur la deuxième ligne allemande située à contre-pente. Les réseaux de barbelés sont demeurés intacts et sont donc infranchissables, en raison du fait que l'artillerie n'a pu les anéantir.
À l'Ouest, la 4e armée réussit à dépasser la première ligne et à investir le point de confluence entre l'Aisne, la Tourbe et la Dormoise. Elle progresse jusqu'à la seconde ligne. Au centre du dispositif, cette journée est consacrée à réduire les points de résistance et à un réalignement de la ligne de front.
La troisième journée - 27 septembre
Le 27 septembre, les efforts français portent sur la deuxième ligne. Les troupes se concentrent autour des points de résistance. La position du Trou Bricot est encerclée et 2.000 soldats allemands sont faits prisonniers. Toutefois, les positions à l'arrière de la ferme de Navarin (Ouest) et de la butte du Mesnil, au centre, continuent de tenir. Les combats se concentrent également autour de Maison de Champagne. La Main de Massige est méthodiquement conquise. Les Allemands obtiennent des renforts et parviennent à colmater les brèches au sein de leurs positions.
Fin de l'offensive – Du 28 septembre au 1er octobre
L'offensive française persiste à se focaliser sur les points de résistance résiduels. Elle ne parvient toutefois pas à entamer la deuxième ligne. Quelques succès locaux sont malgré tout obtenus, notamment à hauteur de la Maison de Champagne. Toutefois..., le 1er octobre, le général Pétain fait suspendre les combats, en raison de pertes trop importantes et d'une insoutenable consommation en munitions diverses.
Reprise de l'offensive et stabilisation - 6 octobre
Afin de rendre le front plus défendable, le commandement français décide d'en terminer avec les points de résistance encore tenus. L'offensive reprend le 6 octobre. Malgré des succès locaux comme la prise de la butte de Tahure, la progression est arrêtée. Les Allemands ont eu le temps de déployer le 10e corps. Les positions de défense sont installées sur des positions favorables ; celles-ci ne permettent pas aux Français de s'appuyer sur de quelconques points avantageux pour une nouvelle attaque.
Large historique
Le 3e régiment d'infanterie de marine (couramment abrégé 3e RIMa) est une unité de l'armée de terre des forces françaises. C'est l'un des régiments les plus anciens des troupes de marine. Ce régiment fait partie des "Quatre Grands" également appelés "Quatre Vieux" de l'infanterie de marine qui tenaient autrefois garnison dans chacun des quatre ports militaires français, prêts à embarquer : le "Grand Un" à Cherbourg, le "Grand Deux" à Brest, le "Grand Trois" à Rochefort et le "Grand Quatre" à Toulon. Le "Grand Trois" a participé activement aux expéditions lointaines du XIXe siècle en Afrique, en Amérique, en Océanie et en Orient. Surnommé aussi "3e de marine", il a fait partie de la "Division Bleue" qui s'illustra à la bataille de Bazeilles les 31 août et 1er septembre 1870. Le sous-lieutenant Joseph Gallieni fut blessé dans ses rangs lors de ces combats.
Historique du 3eme régiment d’infanterie coloniale
1854 : Le 3e régiment d'infanterie marine est stationné à Rochefort
1869 : Le 3e régiment d'infanterie marine est réparti entre Rochefort, la Cochinchine, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et Tahiti
1870 : Le 3e régiment de marche d'infanterie marine
1890 : Le 3e régiment d'infanterie marine est dédoublé et il donne naissance au 7e régiment d'infanterie de marine
1900: Le 3e régiment d'infanterie de marine prend l'appellation de 3e régiment d'infanterie coloniale, il ne dispose plus de compagnies ou bataillons dans les colonies
1914 : Le 3e régiment d'infanterie coloniale est toujours caserné à Rochefort. Il appartient à la 3e brigade coloniale ; 3e division d'infanterie coloniale
1946 : 3e bataillon d'infanterie coloniale
1958 : Centre d'instruction du 3e RIC
1958 : Centre d'instruction du 3e RIMa
1963 : 3e régiment d'infanterie de marine
Les origines des régiments d'infanterie de marine sont celles de l'ancienne infanterie coloniale, qui trouve elle-même sa source dans l'infanterie de marine du XIXe siècle, et dans les "compagnies de la mer" créées par Richelieu en 1622.
Après leur dissolution, à la chute de l'Empire en 1815, réapparaissent, sous la Restauration, respectivement en 1818 et 1822, l’artillerie de marine et l’infanterie de marine, surnommées respectivement "bigors" et "marsouins".
Alors que sous l'Empire les troupes de marine avaient été employées comme unité de lignes, la Restauration les réaffecte au sein de la Marine.
Ensuite, une ordonnance de Louis-Philippe, reconstitue, en 1831, deux régiments d'infanterie de marine, les dissociant à nouveau des marins. Ainsi naissent les 45e et 51e régiment d'infanterie de ligne, ainsi que le 16e régiment d'infanterie légère, qui tenaient, à cette époque, garnison dans les colonies.
Une nouvelle ordonnance datée du 20 novembre 1838 crée un troisième régiment dans l'arme. Chaque régiment a obligation de compter 30 compagnies actives, dont 4 de grenadiers, 4 de voltigeurs et 22 du centre, ainsi qu'un état-major et une compagnie hors rang.
Le 1er régiment obtient, comme garnisons, Brest, Cherbourg et la Guadeloupe ; le 2e, Brest, Rochefort et la Martinique ; le 3e Toulon, Cayenne, le Sénégal et l'île Bourbon (actuelle Ile de la Réunion).
Au cours de la 1ere Guerre Mondiale, le 3e R.I.C. est rattaché à la 3e division d’infanterie coloniale, ensuite, en février 1916, à la 17e division d’infanterie coloniale. Il participe, en ces circonstances, notamment, à la bataille de la Marne, puis de Champagne, avant d’être engagé sur le front d’Orient jusqu’à la fin de la guerre.
Le 26 février 1916, plus de la moitié du régiment périt en mer, après le torpillage du bâtiment Provence II (paquebot armé), qui rallie Salonique, depuis Toulon. Le 3e RIC intervient en Serbie en affaiblissant l’armé bulgare.
A la fin de la Grande Guerre, le 3e RIC dénombrera 4.617 morts, tous grades confondus.
1914
Opérations des IIIeet IVe armées
bataille des Frontières,
22 août : bataille de Rossignol
24 août : Saint-Vincent
26 au 29 août : combats dans le secteur Luzy-Saint-Martin- Cesse avec le 21e RAC
6-7 septembre : Bataille de la Marne (1914): Écriennes, Vauclerc
1915
16-23 février : Champagne: fortin de Beauséjour
15 mai : Ville-sur-Tourbe
25 septembre : bataille de Champagne: Main-de-Massiges, Côte 191, Ville-sur-Tourbe, Bois de l'Oreille
1916
26 février vers 15h00 : plus de la moitié du régiment (5 compagnies) périt en mer, après le torpillage du Provence II, à destination de Salonique.
1917
Armée d'Orient
Avril-mai : attaques de la boucle de la Cerna.
1918
Serbie : Le Sokol, Dobropolje, Kravitza. Action qui vise à couper en deux l'armée bulgare dans la vallée de Dobropolje, ensuite, d'exploiter cette percée (Manœuvre d'Uskub) vers Prilep et la vallée de la Strumitza. Attaque massive du 3e R.I.C. qui surprend l'ennemi en tous points (forts) du terrain, Citation à l'ordre de l'armée.
15-18 septembre : Vetrenik
23-24 septembre : Gradsko
Ils ont oeuvré à l'occasion du Centenaire...
Les membres du patrimoine immatériel de l’Association "Le Cloucq Michelais" ont souhaité participer à la commémoration du Centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale.
A cet effet, un livre "Mémoire aux Poilus de Saint-Michel-le-Cloucq", retraçant l’histoire des 297 Michelais mobilisés, a été rédigé. Ainsi, le groupement s'est appuyé sur des documents fournis par la mairie, les archives de l’armée et les archives départementales. Ce travail a été réalisé durant une période de près d’un an et demi (M. Michel Trolli, animateur de la commission du patrimoine immatériel).
La recherche a permis de renseigner la zone et la journée de décès des 53 soldats inscrits sur le monument aux morts de la commune. Les auteurs se sont également intéressés aux 25 soldats nés à Saint-Michel-le-Cloucq, mais dont les noms sont inscrits sur d’autres monuments aux morts français, en raison d'un changement de domicile.
Le livre contient, en outre, des lettres de poilus et des cartes postales.
Ce devoir de mémoire a permis également la réalisation d’une exposition, lors des cérémonies du 11 novembre 2019 et à l'occasion de rencontres avec les écoliers.
Un livre de 200 pages compile les résultats des recherches effectuées par l'Association.
Pour plus d'information, s'adresser à Martine Laubreton et Michel Trolli de la Commission du patrimoine immatériel.
Chaleureux remerciements à la famille Gibaud, pour leur confiance...
Merci également à Maxence Gasbarre pour son portrait, en tenue du 3e R.I.C. et à M. Guy Coirier, pour ses clichés.