La tragédie de Louvain constitue un des épisodes les plus tristement célèbres des atrocités commises contre des civils, en août 1914, par l'armée impériale d'occupation allemande, en Belgique.
Le mercredi 19 août vers 14 heures, en bon ordre et précédés d'éclaireurs, les Allemands font leur entrée dans la ville ; leurs chants et les musiques redoublent de vigueur, lorsque les troupes victorieuses croisent des soldats belges blessés ou mourants, amenés en ville, depuis les zones de combats.
Chronologies des évènements...
Du 15 au 20 août, l'armée belge, menacée d'écrasement, fait repli de la rivière Gette vers le camp retranché d'Anvers.
L'envahisseur entre, le 19, à Louvain ; le 20, à Bruxelles.
Après d'importantes réquisitions en vivres, les hommes de troupe s'installent chez l'habitant, alors que la Kommandantur prend ses quartiers à l'Hôtel de Ville de Louvain.
Ordre est donné à la population d'apporter, sous peine d'être passé par les armes, l'armement et les munitions en sa possession. Des otages répondront de leur vie en cas de mauvaise conduite de la part de leurs concitoyens...
Du 25 au 26 août, l'armée belge attaque les postes avancés et d'observation de l'armée allemande.
Le 25 août, au cours de la première sortie de l'armée belge de son camp retranché d'Anvers, l'attaque de la cavalerie porte sur un territoire se situant entre Malines et Louvain.
Ensuite de quoi, la manière dont font retraite certaines unités allemandes paniquées, produit une exaltation au sein de la population louvaniste.
Vers 17 heures, la canonnade se rapproche, de plus en plus violente. Des cavaliers allemands déambulent dans les rues...
A la nuit tombante, des coups de feu se font entendre en plusieurs points de la ville. Ainsi : ceux provenant des troupes allemandes revenant en désordre de Malines ; ceux de la petite garnison allemande demeurée à Louvain, mais encore, des Germains arrivés, dans l'après-midi, de Liège.
Un ecclésiastique belge affirmera du fait, après avoir assisté à un combat qui s'est livré rue des Joyeuses-Entrées entre des troupes allemandes, qu'en ce seul endroit, au moment du cessez-le-feu, près de 60 cadavres allemands jonchaient le sol. Que par ailleurs, aucun corps de civil n'était à déplorer au nombre des victimes...
Dès ce moment de l'occupation de la ville, la soldatesque allemande est prise de frénésie, des tirs fusent en tous sens, çà et là, dans les rues désertées.
Ensuite de cela, des incendies éclatent de toutes parts, notamment aux halles universitaires ; là où se trouvent la bibliothèque et les archives universitaires.
Même situation à hauteur de l'église Saint-Pierre ; place du Peuple ; rue de la Station ; boulevard de Tirlemont ou encore, chaussée de Tirlemont...
Sur ordre, les soldats allemands défoncent les portes des habitations et y mettent le feu au moyen de fusées éclairantes.
Dans certains cas, ils pointent leurs armes et tirent sur les civils qui tentent d'échapper aux flammes. De nombreuses personnes, réfugiées dans leurs caves, mourront, brûlées vives...
Un grand nombre d'habitants, qui étaient parvenus à s'échapper de chez eux par les jardins, seront amenés sur la place de la Station (place des Martyrs, après guerre), là où une dizaine de cadavres jonchent déjà le sol.
En cet endroit, les hommes seront brutalement séparés de leurs femmes et de leurs enfants et dépouillés de ce qu'ils possèdent.
De manière aléatoire, les Allemands feront sortir des rangs ceux qui seront ensuite exécutés.
Les plus chanceux, escortés de la troupe, parcourront les villages avoisinant Louvain.
Après bien des coups, des injures, et des simulacres d'exécution, ces mêmes civils seront ramenés en ville et entassés en grand nombre dans des wagons à bestiaux, à destination de l'Allemagne.
Parmi des prêtres arrêtés le 26 août et emmenés vers Bruxelles, un religieux écrira dans un calepin : "Omar a détruit Alexandrie, les Huns ont détruit Louvain". Cet ecclésiastique sera fusillé par la suite, sur ordre d'un officier.
Place de la Station, des femmes et des enfants demeuront sans nourriture ou boisson, tout au long de la journée du 26 août. C'est en ce lieu qu'ils assisteront à l'exécution d'une vingtaine de leurs concitoyens, dont plusieurs prêtres et autres religieux entravés par groupes de quatre.
Le simulacre d'exécution du vice-recteur de l'Université aura également lieu en cet endroit. Après une salve tirée sans intention de toucher la cible... des témoins, convaincus de la réalité du drame qui devait se jouer, seront contraints d'applaudir.
Le jeudi 27 août, à 8 heures, ordre sera donné à la population tout entière de quitter Louvain qui est sur le point d'être bombardée.
C'est en ces circonstances que vieillards et malades, femmes, enfants, religieux, seront jetés sur les routes.
Plusieurs personnes mourront en chemin ; d'autres encore, parmi lesquels des femmes, des enfants ou des religieux, ne pouvant suivre la cadence, seront tout simplement abattus.
En ville...
L'expulsion des habitants permettra le saccage de la ville ; commencé le jeudi 27 août, il durera huit jours.
Mode opératoire...
Par bandes de 6 ou 8 individus, les soldats enfonceront les portes ou briseront les fenêtres des habitations et commerces. Les meubles et intérieurs seront saccagés ; les coffres-forts éventrés ; l'argent, les tableaux, et autres oeuvres d'art, argenterie, linge de maison, vêtements, vin, provisions dérobés, seront expédiés vers l'Allemagne.
Les carnets de campagne retrouvés sur des soldats allemands faits prisonniers à Aerschot contiendront des mentions allant en ce sens...
Comme par exemple, le calepin de Gaston Klein, de la première compagnie de Landsturm de Halle (Hanovre), qui mentionnera, en date du 29 août : "Ressemblant à une meute en débandade. chacun y alla de sa fantaisie. Les officiers précédaient et donnaient le bon exemple."
L'incendie et le pillage ne cesseront que le mercredi 2 septembre 1914.
Le faubourg d'Heverlee, situé au Sud de la ville, sera épargné des ravages parce que le duc d'Arenberg, un sujet allemand, se révèlera être le possesseur de nombreuses propriétés.
Sur certaines demeures, qui furent épargnées à Louvain, on retrouvera de petites affichettes portant la mention suivante :
"Interdiction de pénétrer dans la propriété. Il est très sévèrement défendu de mettre le feu à des maisons sans l'autorisation de la Kommandantur."
Le commandant de la Place, le Général Manteuffel."
De son côté, et après les atrocités perpétrées par les Allemands, le cardinal Mercier, relatera de la manière suivante les méfaits de l'envahisseur :
"... A Louvain, le tiers de l'étendue bâtie de la cité est détruit ; 1.074 immeubles ont disparu. Dans cette chère cité louvaniste, dont je ne parviens pas à détacher mes souvenirs, la superbe collégiale Saint-Pierre ne recouvrera plus son ancienne splendeur ; l'antique collège Saint-Yves ; l'Ecole des Beaux-Arts de la ville ; l'Ecole commerciale et consulaire de l'Université ; les halles séculaires ; notre riche bibliothèque, avec ses collections, ses incunables (livres anciens de la période de Gutenberg), ses manuscrits inédits, ses archives, la galerie de ses gloires au spectacle desquels maîtres et élèves d'aujourd'hui s'imprégnaient de noblesse traditionnelle et s'animaient au travail : toute cette accumulation de richesses intellectuelles, historiques, artistiques, fruit de cinq siècles de labeur, tout est anéanti..."
Pour justifier leurs horreurs, les Allemands prétendront qu'à Louvain, les habitants, devenus soudain de farouches francs-tireurs, au service du haut commandement de l'armée belge, eurent pour mission d'exterminer la garnison de la ville, et de combattre à revers les troupes allemandes postées devant le camp retranché d'Anvers.
Dans le manifeste, "93 intellectuels allemands" affirmeront :
"Il n'est pas vrai que nos troupes aient brutalement détruit Louvain. Perfidement assaillies dans leurs cantonnements par une population en fureur, elles ont dû, bien à contrecœur, user de représailles et canonner une partie de la ville. La plus grande partie de Louvain est restée intacte. Le célèbre Hôtel de Ville est entièrement conservé ; au péril de leur vie, nos soldats l'ont protégé contre les flammes."
De nombreux témoignages provenant de témoins oculaires, tels des magistrats, professeurs, religieux, étudiants étrangers, auront vite fait de réduire à néant les justifications ou alibis allemands.
Le pillage de Louvain, ainsi que sa destruction, déshonoreront à jamais le militarisme allemand de l'époque durant lequel les crimes furent perpétrés...