Charles Marc de Berterèche de Menditte est né le 18 août 1869 au Pays Basque.
Il entre à Saint-Cyr en 1892.
Attiré par l’aventure coloniale, il choisit la Légion étrangère à sa sortie des études.
En 1895, après une année passée à Sidi-bel-Abbès, au Nord-Ouest de l'Algérie, il est affecté en Indochine. Avec ses légionnaires il participe aux opérations de pacification du Haut-Tonkin et lutte contre les Chinois Pavillons-noirs.
Pendant deux ans, sous l’autorité du colonel Gallieni et du commandant Lyautey, il apprend son métier, fait preuve de ses qualités de meneur d’hommes et connaît le baptême du feu.
En deux ans, il parcourt 2.000 km à pied, à cheval ou en sampan (bateau chinois à fond plat).
Il crée 3 postes sur la frontière, entre le Tonkin et la Chine, balise 100 km de nouvelles pistes et borne 50 km de frontière.
Très apprécié par ses supérieurs, Charles de Menditte aurait pu faire carrière dans le sillage du maréchal et académicien Louis-Hubert Lyautey. Tenant à sa liberté, il relativise son expérience indochinoise. Il a le sentiment que l’épopée coloniale se termine ; que c’est en Europe que les choses sérieuses risquent de se passer dans un futur proche.
Au lieu de partir, muté outre-mer, il préfère demander son transfert dans l’infanterie.
C'est dans ces circonstances qu'il est affecté au 8e bataillon de chasseurs à Amiens, en 1898.
C'est cette même année-là qu'il se marie avec la sœur d’un de ses camarades de régiment.
Il connaît ensuite la vie de garnison, à Verdun, avec le 151e régiment d'infanterie de 1906 à 1910.
Ensuite, à Mont-de-Marsan, il est affecté au 34e régiment d'infanterie de 1910 à 1913.
En 1914, il est enrôlé au sein du 144e régiment d'infanterie à Bordeaux, afin d'y commander une compagnie.
Capitaine, âgé de 45 ans, au moment de la déclaration de guerre, il dirige une compagnie depuis 8 ans.
Qualifié par ses supérieurs de "modèle parfait d’officier de campagne", Ch. de Menditte aborde l’épreuve de la guerre avec lucidité et détermination.
Réaliste, il estime que la guerre sera longue et meurtrière, contrairement à l'avis de certains...
Il émet des inquiétudes quant au niveau de préparation dont bénéficie l’armée française, et,... sur ses capacités à devoir affronter les mitrailleuses et canons allemands (!)
Le manque d’expérience marqué dont fait preuve l’encadrement de l’armée ; les modalités de promotion au sein de la hiérarchie, basées sur les relations politiques plus que sur le professionnalisme ; les scandales de l’époque ; l’antimilitarisme latent, etc., tout cela n’est guère élément à le rassurer...
Malgré cela, il fait preuve de beaucoup de détermination, dans un contexte militaire qu'il juge indispensable pour la France.
Fort de 20 années passées à l'armée, il se sent mûr au commandement.
En août 1914, le 144ème R.I. débarque en Lorraine, avant d’être engagé dans une opération offensive improvisée et désastreuse sur Charleville (PDF : ici), au Sud et non loin de la frontière belge. Il participe ensuite au coup d’arrêt de la retraite, à Guise sur l’Oise, avant d’être engagé dans l’offensive de la Marne ; manoeuvre destinée à repousser les armées allemandes au delà de l’Aisne.
Le bilan de ces deux mois de guerre est particulièrement lourd pour le régiment de Bordeaux : 1.940 hommes, soit les 2/3 du régiment ont été mis hors de combat. Dans sa seule compagnie, 132 hommes le seront...
Charles de Menditte sera grièvement blessé le 24 septembre 1914 à Craonne.
En suite de quoi, il se trouvera cloué sur un lit d’hôpital une année durant, avec plus de 50 éclats d’obus qu’il conservera, pour la plupart, dans le corps durant le reste de son existence.
Ce début des hostilités est donc dramatique pour lui, tant au niveau personnel et au plan physique, que d'un aspect professionnel.
Nommé chef de bataillon en 1916, il est désigné comme participant à la mission française en Roumanie ; campagne dirigée par le général Berthelot.
Là-bas, durant 18 mois, il sera confronté à un défi de taille,... celui qui consiste à former, en quelques mois de temps, 6.000 officiers, selon les méthodes françaises ; soit l'effectif d'encadrement utile aux unités de la nouvelle armée roumaine.
Cette mission lui vaudra d’être décoré de l’Ordre de la Couronne de Roumanie, par le roi Ferdinand.
A l'Est, il est ensuite amené à conseiller le haut commandement russe, afin d'éviter l’effondrement du front oriental. Cela, au moment où la guerre est en train de basculer sur le front ouest, en faveur de la France et de ses alliés.
Avec un corps d’armée russe, il participe à la dernière offensive contre les Allemands sur le front des Carpates, en août et septembre 1917.
De retour en France en 1918, après la traversée d'une Russie tenue par les Bolcheviques, il est affecté au 415e régiment d'infanterie.
De Mourmelon à Vrigne-Meuse, il participe à la Campagne de France. C’est là, à la tête du 415e R.I., que Charles de Menditte commande la dernière opération de la Guerre 1914-1918.
Cette ultime opération de franchissement de la Meuse à Dom-le-Mesnil, pour la conquête d'une tête de pont dans la région de Vrigne-Meuse, commencée le 9 novembre 1918 au soir, sera interrompue le 11 novembre à 11 heures du matin par l'Armistice...
Charles de Menditte n’aura pas l’honneur de participer au défilé de la Victoire sur les Champs-Elysées, le 14 juillet 1919.
Ce jour-là, il défilera à Beyrouth, à la tête d’un bataillon du 415e R.I.
Ainsi, il sera désigné pour prendre le commandement de la première formation des Troupes du Levant envoyées en Syrie afin d'y relever les troupes anglaises dans cette région confiée à la surveillance et au protectorat de la France.
Sous l’autorité du général Gouraud, il participera aux opérations à l'encontre des troupes de l’Emir Fayçal ; ainsi qu'à la conquête de Damas. Ces déploiements auront raison de sa santé.
En 1920, il regagne Bordeaux, où il rejoint enfin sa famille, après 6 années de guerre.
Il retrouve également le 144e régiment d'infanterie dont il prend le commandement, en qualité de responsable en second, et, ce, jusqu’en 1922.
Après une dernière affectation à Coblence, en Allemagne, il prend sa retraite, élevé au grade de colonel, en 1926.
Il se retira à Abense-de-Haut, dans sa propriété, du Pays basque.
En janvier 1931, ayant tenu à assister à Paris aux obsèques nationales du maréchal Joffre, l’homme qui lui avait redonné confiance dans les capacités offensives de la France, il prend froid lors des cérémonies militaires et décéde à Paris le 27 janvier.
Il avait 62 ans.
"Pour Charles de Menditte, la Grande Guerre va durer six ans. Après Charleroi, Guise, la bataille de la Marne et Craonne au début de la guerre, il connaît le front oriental en Roumanie et la révolution russe de 1917. Revenu en France, il participe à la dernière offensive menée entre le 9 et le 11 novembre 1918 sur la Meuse. Un fait d'arme mémorable mais resté dans l'oubli. Après l'Armistice, envoyé en Syrie, c'est aux troupes arabes de l'émir Fayçal qu'il se trouve confronté en 1919 et 1920.
Ce n'est pas sans raison qu'il se qualifie de "vagabond de la Grande Guerre". L'intérêt de son témoignage, basé notamment sur ses carnets de campagne, n'en a que plus d'importance. Dans ces épisodes souvent dramatiques transparaissent le caractère intègre de cet officier exceptionnel et les valeurs morales, spirituelles et humaines auxquelles cet homme d'action était profondément attaché : le sens du devoir et de l'honneur avec lesquels on ne transige pas, une foi dans la Providence à toute épreuve, et un sens profond des responsabilités vis-à-vis des hommes dont il avait la charge."
Alain Fauveau,
petit-fils de Charles de Menditte et général français à la retraite
Parmi ces derniers combats : ici Le vagabond de la Grande Guerre ; par Alain Fauveau ; extrait : ici