Le cimetière militaire français de Crouy est situé à l’Ouest de la municipalité de Crouy, en direction de Les Vaussorts.
Erigée en 1917, au moment même de la bataille du Chemin des Dames, cette nécropole de 60 ares abrite les corps de 2.994 combattants dont 2.991 soldats morts durant la période 1914-1918.
1.465 dépouilles reposent dans des tombes individuelles et 1.476 dans deux ossuaires situés au sommet de la nécropole.
Ce cimetière abrite également les tombes de 50 soldats britanniques tombés en septembre et octobre 1914. Parmi ceux-ci, 20 n’ont pu être identifiés.
Notons également que ces tombes ont été déplacées de Bucy-le-Long et de Missy-sur-Aisne, afin d'être regroupées en ce lieu commun à tous, après l’Armistice.
Un soldat français et deux soldats polonais, tués au cours de la Seconde Guerre mondiale, reposent également en cet endroit.
Les combats de Crouy des 8 au 15 janvier 1915
Rappel historique...
Dès la fin décembre 1914, le haut-commandement français prend la décision de s'accrocher dans le soissonnais, à hauteur de Crouy.
L'armée allemande du général von Kluck tient les promontoires qui bordent le Nord de la municipalité.
Dans un premier temps, les Français gagnent du terrain face à l'envahisseur.
Sur le plateau qui domine le cours de l'Aisne, à l'Est de la route de Laon, des tranchées ennemies sont enlevées à la baïonnette...
La bataille de Crouy s'achève en raison d'une crue subite de l'Aisne.
Surestimant les capacités de leurs adversaires, les Allemands ne tirent que très faiblement parti de l'échec français...
Le 8 janvier 1915, au Nord-Est de Soissons, à un kilomètre du centre de Crouy, un bombardement surprend l'ennemi, alors que l'infanterie française est lancée sur l'Eperon 132.
Ne maîtrisant pas la situation, dans un premier temps, les Allemands n'opposent qu'une assez faible résistance.
Un bataillon de chasseurs à pied, ainsi qu'un bataillon de tirailleurs marocains (environ 2000 hommes), soutenus par des troupes de la 55e division d'infanterie, se montrent remarquables dans leur volonté d'atteindre le sommet de la crête, afin de s'y installer ensuite.
Face à l’enthousiasme des coloniaux, les Allemands retraitent, alors que leurs gradés, armes au poing, tentent de contenir la poussée française, tout en s'efforçant de ramener un maximum d'hommes au combat.
Le saillant de la ligne allemande, ainsi que deux lignes de retranchements qui le soutiennent, tombent aux mains des Français.
Le 9, un duel assourdissant d'artillerie s'engage entre les belligérants (47e RA pour les Français). Les barbelés allemands et leur dispositif de retranchement volent en l'air.
Le champ est libre pour les assaillants français...
Le 10, à 17 heures, après des assauts successifs de la part des hommes des 35e et 47e RI, les Français occupent deux nouvelles lignes de tranchées allemandes, dans le secteur Est.
Grisés par leur réussite, les hommes se laissent entraîner par delà les objectifs assignés.
Lors de cette action, une centaine de chasseurs perdent tout contact avec leurs frères d'armes de l'arrière. Ils seront très vite cernés. Sommés de déposer les armes, ils répondront héroïquement par le feu et de manière funeste.
Beaucoup succomberont sous les coups redoublés des assaillants germains.
Le 11, la violence de l'artillerie française détruit les tranchées de la Dent-de-Crouy situées à l'Est de la cote 132.
Malgré une pluie incessante, et la boue dans laquelle s'enfoncent les hommes, des unités de zouaves et de chasseurs parviennent, sous le feu des mitrailleuses, à faire des prisonniers.
Les Allemands bombardent en vain leurs propres tranchées, déjà bien chargées de cadavres feldgrau, et alors que les Français sont décidés à y passer la nuit.
Les Allemands, qui se sont ressaisis et qui ont été renforcés par des troupes fraîches, résistent âprement à la progression de leurs adversaires.
Le village de Crouy constitue une position clef importante du dispositif tactique allemand. Elle est en outre violemment disputée par les protagonistes.
Très vite, les maisons de Crouy croulent sous la tempête de feu, alors que les villages environnants subissent le même sort.
Bucy-le-Long, Pommier, Missy-sur-Aisne sont canonnés...
Pendant ce temps, grossie par les pluies torrentielles s'étalant sur plusieurs jours consécutifs, la rivière Aisne, qui coule à l'arrière des positions françaises, sort de son lit de manière inquiétante.
Les ponts flottants, constitués de barques accrochées de flanc, "en sardines", menacent de rompre...
Durant la matinée du 12, la situation périclite.
C'est le moment choisi par les Allemands pour déclencher une contre-attaque de grande ampleur.
Au petit jour, ceux-ci donnent l'assaut à l'Eperon 132 tenu par les 44e et 60e RI.
Ils s'en emparent et poussent ensuite vers Crouy qu'ils enlèvent.
De là, ils dirigent leur déluge d'artillerie sur les positions françaises.
Dans leur lancée la percée progresse...
Vers midi, les Germains réussissent à enlever trois lignes de retranchement à leurs adversaires.
En soirée, une contre-attaque française, cette fois, rejette les Germains sur l'axe routier Soissons-Laon.
Dès lors...
De puissants renforts allemands accourent. Un grand nombre de ces effectifs dévale jusque sur les positions de l'artillerie de campagne française.
Des batteries de canons lourds, nombreuses et soigneusement dissimulées, avaient déjà mis la plupart des pièces françaises hors combat, alors que servies de manière exemplaire, voire héroïque.
Un sous-lieutenant, dont tous les hommes avaient été tués ou blessés, continua, avec son maréchal des logis, de servir ses deux canons de 75, tirant à zéro, "à plat", sur l'infanterie qui les encerclait.
Toutes munitions épuisées, cet officier, après avoir mis ses canons hors d'état, chargera, à la tête de quelques fantassins, les Allemands, pour enfin réussir à rallier ses lignes (certaines sources mentionnent qu'il se fera tuer sur place)...
La situation étant désespérée pour les Français, seuls des renforts pourraient encore retourner le cours des événements...
Mais...
La crue de l'Aisne emporte les ponts de Villeneuve et de Soissons.
Seuls tiennent encore, pour retraiter, le pont des Anglais, à Soissons et celui de Venizel. Par ailleurs, une passerelle se trouve également à 1.500 mètres en aval.
Pour réussir leur retraite, les Français devront opérer par vague, en cascade,... tandis qu'une contre-attaque contiendra l'ennemi et le trompera sur les véritables intentions françaises.
Cette contre-attaque sera confiée au général Nivelle.
Dès lors, Nivelle se porte au-devant de l'ennemi, avec un effectif d'environ deux divisions.
Tandis que le reliquat de l'infanterie et de l'artillerie, qui défendait le plateau de Crouy fait retraite lentement, et, gagne la rive gauche de l'Aisne, des troupes fraîches, dont celles du 352e RI, gravissent les pentes situées entre Crouy et Bucy-le-Long, dans le but d'occuper le bois de Crouy situé à flanc de coteau.
Le 13 janvier, à la faveur de la nuit, les troupes françaises se déploient dans la plaine.
Vers 3 heures du matin, elles atteignent des positions défensives, de manière précaire. Positions sur lesquelles elles ont reçu l'ordre de se maintenir pendant quelques heures face aux Allemands retranchés en vis-à-vis, à moins de six cents mètres...
Une malchanceuse compagnie du 2e régiment mixte, constituée de zouaves et de tirailleurs qui cherchait à collecter des renseignements, se heurtera, hélas, dans la nuit, à ces positions.
A 6 heures, les forces en présence étant défavorables aux Français, ceux-ci décident de repasser la rivière.
Lors de cette mésaventure, le 55e RI perd une part importante de ses effectifs, alors que le 289e RI est quasiment anéanti dans sa totalité...
Les 246e RI et 276e RI, ainsi que le régiment marocain et les territoriaux du 124e RI sont broyés sous le feu des canons ennemis.
Mettant à profit l'espace qu'ils arrivent à placer entre eux et l'agresseur, les Français parviennent toutefois à faire sauter le pont de Soissons. Une construction qui aurait pu hautement faciliter l'action des Germains sur la rive gauche de l'Aisne...
Sous les flots grandissants de la rivière, le dernier pont de bateaux menace de rompre, de se disloquer.
A ce moment précis de la bataille seul le pont de pierre de Venizel peut assurer une communication du côté français. Afin de protéger le site, de tous coups de force allemands, en toute hâte, sur la rive gauche de la rivière, sous les bombardements, dans les villages de Billy et de Venizel, dans les rues et à travers les ruelles, au sein des cours et des jardins, les lieux se couvrent de retranchements de fortune édifiés à la hâte, à l'aide d'engins agricoles, d'échelles, de tous objets qui tombent sous la main...
Le cimetière de Billy, où se sont réfugiés des hommes du 289e RI, se trouve également canardé par une pluie d'obus qui fait voler en éclats, tout à la fois, les croix des tombes et les maçonneries des caveaux.
Avec détermination, les Français occupent la ferme de la Demoiselle qui représente un point hautement stratégique. Là où le pont de Venizel peut être pris en enfilade.
Cependant, sur la rive droite, le combat tire à sa fin. Les arrière-gardes ne parviennent plus à tenir les crêtes. Les Français luttent à mi-pente contre un ennemi solidement accroché à Bucy-le-Long, au Moncel ou encore à Sainte-Marguerite...
Les canons allemands se déchaînent et interdisent le passage du pont de Venizel.
Dans leur malheur, les Français perdent leur dernier pont flottant, emporté par la crue...
Sous une pluie glaciale et drue, les derniers défenseurs du plateau de Crouy cherchent vainement à pouvoir traverser l'Aisne. Les obus déciment des sections entières.
A Venizel, les infiltrations de la rivière minent les murs de terre, alors que les retranchements fondent, s'éboulent, à la façon des châteaux de sable sous l'effet de la marée montante.
Alors que les Français déploient des efforts surhumains, Bucy-le-Long, Le Moncel et Crouy sont la proie des flammes.
L'ennemi cherche à gagner de vitesse les dernières troupes françaises qui tentent de refluer vers la rive gauche de l'Aisne.
Quand la nuit tombe, les canons lourds ne cessent de répandre leurs engins de mort sur les berges, ainsi qu'aux abords immédiats du pont de Venizel toujours aux mains des Français.
Le 14, peu avant l'aube, l'infanterie allemande descend du plateau et se rapproche de la rive droite. Formée en colonnes de bataillon, elle s'apprête à franchir le passage de la rivière.
Vainement, ces colonnes teutonnes tentent d'aborder le pont de Venizel, alors que l'artillerie française réalise d'énormes trouées dans la concentration d'effectifs allemands.
Après une tentative de franchissement qui aura duré près d'une demi-heure d'efforts inutiles, les Feldgrau évacuent les pentes, pour se retrancher prudemment derrière les crêtes.
La poussée allemande ne réussira à progresser qu'en direction de Soissons (voir plan, en marge). Là, elle s'empare du faubourg de Saint-Paul.
Sur le plateau de Crouy, l'adversaire s'installe au péril de sa vie, sous la canonnade française.
Le gros des forces françaises, qui n'avait pas réussi à franchir l'Aisne, s'établit à hauteur de la boucle que forme la rivière, au Nord-Est de Soissons.
L'endroit permettra d'assurer la protection de la ville.
Dans cette épopée meurtrière, l'armée française accusera un recul de dix-huit cents mètres de profondeur, sur une largeur de front de quatre kilomètres et demi.
Les Français perdront environ 11.000 hommes, en ce compris +/- la moitié qui sera faite prisonnier...
Les Allemands célébrèront leur ("demi") victoire en compagnie de l'Empereur Guillaume II présent dans la région, lors des combats.
En ce qui concerne la ville martyre de Soissons...
D’abord conquise à la fin août 1914 par l’armée allemande, elle est récupérée par les Français en septembre, à l’issue de la bataille de la Marne.
Le front se stabilise au Nord de la ville, qui est amplement bombardée jusqu’en 1917.
Pendant les mutineries de 1917, la ville voit défiler des soldats refusant de monter au front après la désastreuse offensive du Chemin des Dames.
Soissons est reprise une fois encore au printemps 1918, lors de l’ultime offensive allemande, avant d’être définitivement libérée au cours de l’été, lors de la reprise de la guerre de mouvement côté allié.
Une statue dressée à l’effigie des soldats français tombés au combat en 1917 a été dressé derrière l’église Saint-Pierre, à côté du palais de Justice de Soissons.
Un monument rendant hommage aux soldats britanniques se trouve dans le centre-ville de Soissons. Il est l'œuvre des sculpteurs Herbet Hart et Eric Henry Kennington et des architectes Gordon H. Holt et Verner O. Rees.
Sur la facade des murs sont gravés les noms de 3.987 gradés et soldats n'ayant pas de sépultures connues.
A propos de la 55e DI : ici Le cimetière allemand de Parcy-Tigny : ici