Le cimetière de Carnières-Collarmont, et ses 248 tombes françaises, sont là pour rappeler les tragiques combats des 21 et 22 août 1914 (ainsi que d'autres)...
A cette époque...
L'ensemble de la Ve armée française se trouve le long de la Sambre, une brigade est isolée et disposée au Nord de la rivière, en avant-poste, pour protéger le repli du corps de cavalerie du général Sordet (1re, 3e et 5e).
C'est le moment que choisissent les Allemands pour attaquer au moyen de cinq régiments...
La brigade Hollender a été détachée du 3e C.A. français. Elle a effectué un déplacement de 6 kilomètres au Nord de la Sambre, en direction de Carnières-Collarmont. Elle constitue l'avant-garde.
Le but de la manoeuvre consiste à faciliter le repli du corps d'armée du général Sordet, qui est appelé à devoir couvrir le flanc gauche de la Ve armée française, et ainsi, d'assurer la jonction avec les Anglais... en attendant l’arrivée des divisions de réserve françaises du général Valabrègue.
Durant ce temps, la IIe armée allemande dirige ses efforts en direction du Sud, avec Namur pour point de rotation.
Joffre sousestime les forces qui se trouvent face aux siennes.
Pour lui, au Nord de la Meuse et de la Sambre, il ne peut y avoir tout au plus que cinq corps d’armées.
Dans les faits, il s'en trouve 17, dont 5 divisions de cavalerie. L’intention de Joffre est de porter sa Ve armée au Nord de la Sambre. Mais pour l’heure, l’ensemble de ses effectifs se trouve au Sud de la rivière.
Une brigade, isolée, va devoir affronter un corps d’armée complet.
Le champ de bataille est délimité au Nord par la route Charleroi-Binche, et, au Sud, par la Sambre.
Collarmont est situé sur un promontoire qui sépare la vallée de la Haie de celle de la Haine.
La colline s’infléchit en pente vers Carnières.
La Haie s'écoule dans un vallon marécageux à certains endroits.
La crête qui surmonte ce vallon sépare les communes de Carnières et d’Anderlues.
La région est agricole mais compte également plusieurs exploitations minières.
Le 21 août, à 4 heures, une patrouille composée de 10 Uhlans est signalée en direction de Fayt-Jolimont.
A cet instant, les patrouilles françaises se mettent à sillonner en toutes directions.
A 12 heures, la tête du 7e C.A. allemand est signalée dans la région d’Obaix-Buzet.
Durant la nuit des 21 au 22, l’armée allemande est signalée à Piéton.
Le 22, le III/24e est au Nord d’Anderlues, alors que le II/24e se trouve au Sud de Piéton.
A 4 heures, un engagement se produit à Pont-à-Celles, entre le C.C. de Sordet et les avant-gardes allemandes.
Le 24e R.I. reçoit pour mission de résister à la poussée allemande sur les territoires de Carnières, d'Anderlues et de Piéton.
Du côté français, les compagnies, qui forment les 2e et 3e bataillons, se dispersent pour occuper les différentes positions au Nord d’Anderlues et de Mont-Sainte-Aldegonde, tandis que le premier bataillon se tient prêt, en réserve, sur le point culminant dit "le Planty" (cote 212).
Les troupes appelées à couvrir le retrait des hommes du C.C. de Sordet forment une chaîne ininterrompue au Nord de la vallée de la Sambre.
Les Français se mettent à toute vitesse à creuser des tranchées...
Sur la droite du 24e, quelques compagnies stationnent sur le territoire de Fontaine-l’Evêque et de Leernes. La gauche est, quant à elle, occupée, vers Binche-Péronnes-Haine-Saint-Pierre, par la cavalerie française, appuyée par des mitrailleurs anglais.
Le régiment français prend position de la manière suivante...
- Le 1e bataillon se tient en réserve sur les hauteurs du Planty.
- Le 2e bataillon occupe les plaines de L’Allue et de Pasturia, avec la 8e compagnie, à la lisière du bois des Vallées ; la 5e cie. dans l’ancien charbonnage n° 6 de Monceau-Fontaine, avec une section de mitrailleuses sur le terril ; la 6e cie. dans les plaines de L’Allue, dissimulée derrière les faisceaux de blé ; la 7e se tient en réserve dans les plaines de Pasturia.
-Le 3e bataillon occupe l’aile ouest, avec la 9e cie forte de deux mitrailleuses disposées sur le terril d’Anderlues, à hauteur du puits n° 4 ; la 10e cie, en réserve, est postée derrière la ferme du bois de Chèvremont, et, enfin, la 12e cie stationne à Mont-Sainte-Aldegonde et à Leval.
A 8h45, une patrouille du 16e régiment de Uhlans s’avance jusqu’à l’auberge dite de la Reine des Belges.
Le poste installé sur le terril du puits n° 6, du charbonnage de Monceau-Fontaine, ouvre le feu sur les germains. Le commandant des Uhlans et son cheval s'effondrent sur le trottoir de l’auberge, pendant que trois soldats sont tués et que le restant de l'escouade s’enfuit.
Les Allemands engagent les combats tout en essayant, pour les uns, de gagner les plaines de Pasturia en longeant le chemin de fer, et, pour les autres de se diriger vers le hameau de L’Allue, tandis qu’une troisième colonne cherche à rejoindre la colline de Collarmont, en contournant le terril du bois des Vallées.
L’attaque allemande doit impérativement se dérouler de face. Aucune possibilité de contournement des positions françaises est envisageable pour eux, tant le dispositif a été bien mis en place.
De toutes parts, depuis les hauteurs occupées par l’infanterie française, jaillit le feu des Lebel et des mitrailleuses...
A 10 heures, dans les plaines, face au bois des Vallées, six canons allemands entrent en action.
Le 16e R.I. allemand se déploie, alors qu'une partie des effectifs envahit le bois des Vallées et que l’autre contourne les terrils du charbonnage.
A 11h35, le 3e bataillon du 16e R.I. allemand, qui a subi des pertes sensibles, est contraint de se replier. L’attaque reprend, grâce à des troupes fraîches ; elle a, pour objectif, le village de Piéton.
Les Allemands progressent ainsi méthodiquement, s’abritant derrière les obstacles "naturels" de la zone industrielle et minière ; s’infiltrant par les légères dépressions des rivières, telles la Haie ; la Haine et le Piéton ou portent encore leurs efforts sur le bois des Vallées.
A 11h45, un avion de reconnaissance allemand survole les positions françaises. Il est aussitôt pris pour cible par des mitrailleuses. Touché, l’avion fnira son vol dans les lignes anglaises...
L’infanterie allemande se déploie, descend la côte de Beauregard en sortant par la lisière du bois des Vallées, à l’abri d’un chemin creux (chemin des pèlerins) et tente ainsi d'atteindre le bois de Chèvremont.
A 12 heures, l’attaque est générale. Une première batterie allemande, installée au Sud-Ouest du bois de la Gade, entre en action. Vers 13 heures, une seconde lui emboîte le pas, balançant sur les lignes françaises une pluie d’obus. Les Français ne fléchissent pas et canardent, eux aussi, l'assaillant allemand qui tente d'envahir Chèvremont.
La 11e compagnie, débordée, demande des renforts auprès des 9e, 10e et 12e compagnies.
Faute d’emplacements efficients, au Sud d’Anderlues, les batteries de la 5e D.C. française demeurent silencieuses. Les bataillons engagés sont réduits à manoeuvrer sous la seule protection du feu de l’infanterie et de ses mitrailleuses.
A 12h45, deux batteries allemandes de 77 mm sont postées en position au bois des Faux et à l’Est de Mont-Sainte-Aldegonde. Durant ce temps, les 53e et 57e régiments montent en ligne, à la droite du 16e.
Le général Hollender ordonne au 28e R.I. de se porter sur la gauche de l'attaque allemande, afin de dégager la pression exercée sur le 24e.
Les réserves (I/24e et I/28e) ne sont pas engagées sur le terrain des opérations...
Ordre est également donné, aux 10e et 11e compagnies du 24e, d’attaquer sur la gauche des 9e et 12e compagnies, via le bois de Chèvremont.
La 11e réussit à déboucher des bois et parvient ainsi à neutraliser durant quelques instants la batterie allemande postée au bois de la Gade.
La 10e compagnie lance plusieurs salves qui font reculer les Allemands à la lisière nord de Chèvremont. Cette dernière manoeuvre permet au 2e bataillon de décrocher et de se replier sur Trieux. Pendant ce temps, le 3e bataillon, luttant dans le bois de Chèvremont, se trouve en danger...
De son côté, le II/28e, après une tentative de percée sur la droite du II/24e R.I., est contraint de battre en retraite.
A 13 heures, une lutte au corps à corps a lieu. La 11e compagnie, réduite à un effectif de 80 hommes, se précipite dans les bois, baïonnette au canon. La moitié des hommes tombe sous les balles, alors que l'autre moitié parvient à repousser les Allemands. La 9e compagnie arrive à la rescousse. On se tire dessus à près de 10 mètres de distance.
A 14 heures, l’infanterie allemande gagne le hameau de la Gade et se dirige vers Collarmont. Les Allemands envahissent le bois de Chèvremont par le Nord-Ouest.
La 10e compagnie se porte au secours de la 11e cie, en même temps qu'elle est prise à partie par des troupes allemandes fraîches.
Les Français parviennent néanmoins à les refouler, alors qu'ils se regroupent dans les bois de Chèvremont déjà envahis.
Les Français se lancent à l’assaut, alors que les Allemands ont déjà pris position à la lisière du bois et que la progression est rendue difficile, partiellement, à cause de la présence de marécages.
Les Français gagnent l’orée du bois du côté de Collarmont, alors que les Allemands les y attendent.
La 10e compagnie se trouve cernée, mais, malgré cela, les soldats se jettent dans la bagarre.
L’artillerie allemande bombarde les hauteurs de Mont-Sainte-Aldegonde.
A 14h30, le général Hollender informe son homologue, le général Sordet, du fait qu'il faille se replier sur Lobbes (les Bonniers) et sur Thuin.
Pour réponse, Sordet demande, lui, à pouvoir tenir tête aux Allemands...
A 15 heures, devant l’avalanche allemande, les reliquats des 9e, 10e et 11e compagnies battent en retraite en direction du hameau des Trieux.
Des avions de reconnaissance allemands survolent les troupes françaises, afin de renseigner leur artillerie. Après avoir décimé de leurs obus ce qui reste des effectifs du 24e, les Allemands s’emparent de la crête de Collarmont.
La retraite française
Alors que des unités allemandes se font présentes à Mont-Sainte-Aldegonde, le général Hollender fait rassembler les II et III/24e R.I. à Mont-Sainte-Geneviève.
Dans un dernier baroud d'honneur, le groupe d’artillerie de la 5e D.C. tire quelques salves en direction du Nord-Est du Planty, ce qui a pour résultat de ralentir quelque peu la progression allemande. Durant un temps, celle-ci ne dépassera pas l'axe routier Binche - Fontaine-l’Evêque.
La brigade se retirera par Bienne-lez-Happart vers Lobbes. C'est là qu'elle bivouaquera.
Les I et II/28e se retirent, quant à elles, vers Lobbes et Thuin
Le bilan des pertes en vies humaines s'élève à : 3.658 hommes du côté allemand ; 939 chez les Français.
Certains mineurs l'auront échapé belle !
Durant la période des combats, des mineurs se retrouveront sous terre, coincés malgré eux dans leurs galeries des charbonnages d’Anderlues.
Pour la petite histoire, notons qu'à un moment donné, un obus allemand a traversé le châssis à molette sans arriver à le détruire.
Qui sait, en cas de dommages sévères, comment on aurait fait pour ramener les hommes à la surface...?
En conclusion, malgré une vaillante résistance, deux régiments français, en tête du gros des troupes françaises (Ve armée), n'a pu résister, sans être submergés, à l’attaque d'une force bien supérieure en nombre (cinq régiments).
Dans le secteur allemand, la bonne coordination entre les composantes des différentes armes (infanterie, aviation, artillerie) a permis une progession tactique efficace. Du côté des Alliés, on doit au fait que les Français se soient enterrés en toute hâte d'avoir limité les dégâts en vies humaines, tout en assenant de lourdes pertes à l'assaillant, grâce aux mitrailleuses... Ce qui n'a pas été permis du côté de l'envahisseur allemand...