En venant de Lobbes ou de Thuin, dans le virage précédant l'arrivée au cimetière militaire français du plateau de Heuleu, se trouve un petit monument pyramidal en pierre bleue taillée, érigé en bordure gauche du chemin... Il est disposé là afin d'honorer la mémoire du capitaine Henri Frédéric Thomire, âgé de 46 ans, officier au 144e d'infanterie française, tombé au combat le 23 août 1914, alors qu'il se trouvait à la tête de ses hommes au niveau du chemin creux qui jouxte la stèle...
Le hameau de Heuleu est situé sur les hauteurs de Lobbes et de la Sambre, à cinq minutes à peine, en voiture, du centre de la petite ville de Thuin, en direction de Biercée. La nécropole militaire française compte les dépouilles de 226 (ici) soldats issus essentiellement des 57e et 144e régiments français, tombés durant ou après les combats d'août 1914.
Tout particulièrement, la journée du 23 août 14 tient une place singulière dans le parcours de la 70e brigade, mais également, dans la mémoire collective des habitants de Lobbes. En effet, ce jour-là, les combattants du 144e, mais aussi, pour une part, ceux du 57e R.I, vécurent leur baptême du feu aux confins de cette terre hennuyère. Là où, en cette province du Hainaut, la population civile belge devra attendre jusqu'au moment de la libération, à Mons et dans ses alentours miniers, pour voir les porteurs d'uniformes "feldgrau" surmontés de casques allemands "submited to somebody" (courber l'échine) en territoire wallon...
Du caractère exceptionnel des combats, qui se sont déroulés dans la région du Sud de Charleroi, naîtra un culte particulier du souvenir pour les soldats français.
Le monument 'phare' de Lobbes en est un exemple marquant.
La guerre terminée, d'incessants pèlerinages verront nombre de familles se recueillir sur les tombes de ces militaires venus mourir loin de chez eux ; ceux-la mêmes originaires de Bordeaux ou de Paris, d'autres ayant quitté la Vendée, la Bretagne ou la Normandie...
Parmi les 118 croix rehaussant les tombes des soldats du 57e R.I., on compte celles des frères Cottreau, jumeaux originaires de Saint-Thomas-de-Conac, un petit village situé dans l'estuaire de la Gironde, en Charente Maritime... Ainsi, Henri et Paul avaient tous deux 23 ans lorsqu'ils sont morts. Ils appartenaient à la 5e compagnie et avaient été tout d'abord portés disparus sur l'état nominatif des pertes du régiment, rédigé à l'époque.
Deux autres frères, les Larané, Joseph et Michel, âgés de respectivement 21 et 23 ans, appartenant à la 6e compagnie, ont été également ensevelis au cimetière militaire de Heuleu, à Lobbes...
Il semble que souvent les membres issus d'une fratrie ou ceux d'une même famille aient été rassemblés au sein d'une unité. Dans de telles circonstances, il n'était donc pas rare d'avoir deux, trois, voire plus d'individus d'une même famille décédés au feu, durant une même brève ou longue période de combat...
Question de moral, d'entraide ou de cohésion ?
Il est à supposer que pour des questions liées au "moral des troupes", d'entraide, de cohésion,... des personnes d'une même famille aient été systématiquement rassemblés au sein de mêmes compagnies...
Dès lors, toujours est-il qu'un corps armé, une escouade aient eu à subir un mauvais coup du sort, la probabilité était grande de voir disparaitre plusieurs membres d'une même famille...
Les monuments aux morts érigés à la mémoire des combattants français de 14-18 révèlent à souhait cet état de fait.