Le pavot
Plante hallucinogène et sacrée, le pavot est connu dès la plus haute antiquité pour ses effets soporifique, analgésique, et narcotique [1]. Les Grecs l’utilisaient en infusion. En 3000 avant J.-C., il est mentionné sur une tablette sumérienne, identifié par deux caractères cunéiformes qui signifient respectivement "plante" et "joie".
Le sommeil, la nuit, la mort, et la renaissance
Le pavot symbolise le repos éternel. On le rencontre souvent, accompagné du lierre et du laurier, comme motif ornemental dans l’architecture funéraire. Il est aussi une image du cycle de la vie avec ses phases successives : la naissance (germination des graines) ; la maturité (fleur) ; la décrépitude et la mort (mort de la fleur qui annonce par les nombreuses graines de la capsule une résurrection assurée.)
C’est à partir de son suc, un latex blanc laiteux, que l’on obtient l’opium dont on extrait la morphine et l’héroïne. Le suc suinte des petites incisions faites à la surface de la capsule encore verte. Cette capsule est un attribut de Morphée, dieu des Songes dans la mythologie grecque, et fils d’Hypnos, dieu du Sommeil. Hypnos, Thanatos (dieu de la Mort), et Nyx (déesse de la Nuit) portaient des couronnes de pavots.
La Terre
Les épis de blé et le pavot sont des attributs de Cérès / Déméter, déesse de l’Agriculture et Terre-Mère nourricière au centre des mystères initiatiques d’Eleusis. La capsule de Pavot est une matrice analogue à la terre, un utérus comparable à celui de la Mère. Les innombrables semences qu’elle contient sont des signes de fertilité [2].
Extrême-Orient
En Chine, le pavot est la fleur emblématique de la onzième lune, notre mois de décembre. Mais les méfaits de l’opium ou "Boue noire" [3] lui ont donné parfois une symbolique négative. On le nomme "graine de la discorde" ; il évoque la malignité et la dissipation. A cause de la ressemblance entre le bouton du couvre-chef des officiels Mandchous et sa capsule, on vit dans celle-ci un présage de précarité [4].
Occident
La capsule du pavot est aussi comparée à une tête humaine coiffée d’un petit chapeau.
Avec ses graines, on obtient une huile comestible ne contenant pas les alcaloïdes toxiques du suc. L’huile d’œillette (autre nom du pavot) a été également utilisée comme liant de peinture chez les artistes d’Europe.
En Russie, une jeune fille peut être "belle comme une fleur de pavot" [5]. Dans le même ordre d’idée "rester en pavot" signifie rester vieille fille [6].
Le coquelicot
Le coquelicot est un pavot sauvage d’Europe. Son nom vient de sa couleur rouge qui évoque la crête du coq. Au XXe siècle, il est associé au souvenir des soldats du Commonwealth morts dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.
Couleur de sang, les coquelicots sont une métaphore pour désigner les règles menstruelles.
Les fleurs et leur langage
Traditionnellement, dans le langage des fleurs, le pavot est synonyme de repos, de rêves et d’oubli.
Notes et références
[1] Joret, Les Plantes dans l'Antiquité et au Moyen-Âge : Égypte, Chaldée, Assyrie, Phénicie, Paris, 1897 ; Christian Le Marec, Histoire de l’opium médicinal. Du pavot aux alcaloïdes de l’opium, revue Douleurs, 2004, vol. 5, n°2, pp. 33-98.
[2] Guy de Tervarent, Attributs et symboles dans l’art profane : Dictionnaire d’un langage perdu, Droz, Genève, 1997, p. 352.
[3] Maurice Louis Tournier, L’imaginaire et la symbolique dans la Chine ancienne, L’Harmattan, Paris, 1991, 279. [4] Ibid.
[5] Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Laffont/Jupiter, Paris, 1982. [6] Ibid.