Précisément située à califourchon sur la ligne de front établie le 25 février 1916 et en bordure de la départementale D24, La Métairie du Manoir est un bâtiment qui a été construit au milieu du XIXe siècle.
La demeure a miraculeusement été épargnée par les combats et bombardements de février 1916, alors que située dans le no man's land, ayant pour bordure, à l'Ouest et sur les hauteurs, les positions françaises, et, dans la plaine exposée à l'Est, les Allemands...
C'est au milieu des années nonante qu'une partie de la bâtisse est transformée pour accueillir trois chambres d'hôtes et qu'un gîte est aménagé à l'extérieur, dans une annexe, en bordure du jardin.
Marie-José est une fille de l'endroit. Christian, son époux, est un Lorrain natif de la région de Metz.
Tous deux ont élu domicile en plein coeur des vergers des côtes de Meuse. Une contrée particulièrement féerique durant le mois de mai, lors de la floraison des arbres fruitiers.
Un retour aux sources pour madame...
Effectivement, pour Marie-José, l'endroit évoque la région dans laquelle elle a vécu durant sa jeunesse, non loin du parc régional de Lorraine et à 15 minutes, en voiture, du coeur historique de Verdun et de ses zones de combats.
Un lieu également proche de celui qu'a défendu son grand-père maternel, Léon Robert, le 21 février 1916, au sein du 164e RI, avant d'être blessé et fait prisonnier par les Allemands non loin du Bois des Caures...
La Métairie du Manoir
(chambres d'hôtes 3 épis)
M. et Mme Wurtz
3, rue Principale
F. 55160 Watronville
+33 (0)3 29 87 32 21
+33 (0)6 85 51 15 25
wurtz@lametairiedesvergers.com
Plus d'info sur la région...
A propos du Mémorial de Verdun : ici
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Extrait de l'historique régimentaire du 164e RI, lors de la Bataille de Verdun
Le 21 février 1916, et jours suivants...
Le secteur d'Ornes et de l'Herbebois était devenu plus actif que pendant l'hiver 1914-1915, où le 164e l'avait occupé pour la première fois.
De nombreux indices faisaient prévoir les intentions offensives de l'adversaire : travaux considérables effectués tant dans la région du Cap que sur les Jumelles d'Ornes ou dans la forêt de Spincourt, brèches pratiquées dans les réseaux ennemis, circulation anormale sur les routes, etc.
Notre artillerie exécutait des tirs nombreux sur les organisations allemandes, et les travaux de défense étaient poursuivis avec une rapidité fiévreuse, sous l'énergique impulsion du commandant BODOT et du capitaine VINCENDON.
Au moment de l'attaque du 21 février, le 164e avait ses trois bataillons en ligne : le 1er occupait le bois de Ville ; le 2e tenait l'Herbebois ; le 3e était chargé de la défense d'Ornes.
Les centres de résistance, que constituaient ces organisations, étaient placés sous le commandement du lieutenant-colonel ROUSSEL, commandant le sous-secteur.
En prévision de l'attaque, des éléments de la 51e division d'infanterie étaient venus renforcer les garnisons des centres de résistance.
Le 21 février, à 7h30, commence la plus violente préparation d'artillerie qui ait été vue jusque-là. La forêt de Spincourt est pleine de pièces de gros calibres qui bombardent sans arrêt nos organisations.
En peu de temps, les arbres sont broyés, de nombreux abris effondrés, toutes les organisations téléphoniques coupées.
Le bombardement se poursuit jusqu'à l'entrée de la nuit.
Vers 10 heures, les Allemands lancent en avant de fortes reconnaissances et attaquent sur toute la ligne. Partout, l'ennemi enlève nos tranchées et progresse au-delà.
Au bois de Ville, le capitaine LAROCHE est mortellement blessé en contre-attaquant bravement à la tête d'une section de réserve.
La défense acharnée de nos éléments avancés, permet aux 2e et 3e compagnies d'établir un barrage à peu de distance de notre ancienne ligne, et de recueillir les débris de deux autres compagnies.
On se retranche.
L'avance ennemie est provisoirement enrayée.
A l'Herbebois, l'ennemi, s'infiltrant par les bois de la Montagne et le chemin de terre de Soumazannes-St-André avait presque entouré la compagnie Padieu (7e).
Le commandant BODOT rétablit la situation en contre-attaquant vigoureusement avec deux sections de la 3e compagnie et des éléments rassemblés hâtivement (coureurs, pionniers du bataillon, fourriers, cuisiniers, etc.).
La compagnie PADIEU est dégagée, les assaillants sont rejetés de la ligne de soutien où ils avaient pris pied.
L'ennemi se retranche fiévreusement pendant la nuit et garnit de mitrailleuses toutes ses positions.
Le 22, au matin, nous exécutons deux nouvelles contre-attaques avec l'appui de renforts des 223e et 327e, elles demeurent infructueuses mais nous permettent de ramasser 74 prisonniers.
A 7 heures, le bombardement reprend surtout sur le bois de Ville, où l'ennemi va porter son principal effort.
A midi, le bois est débordé largement à l'ouest. La 3e compagnie et le 223e opposent une courageuse résistance ; les 4e et 1ère compagnies du 164e contre-attaquent avec vigueur, mais la supériorité numérique de l'assaillant est écrasante, tous nos efforts restent vains.
L'ennemi arrive par le Sud-Ouest, prenant les défenseurs à revers ; il parvient au poste de commandement du centre de résistance. Toutes les fractions du bois de Ville sont entourées.
Le 1er bataillon du 164e est anéanti. Il n'y a plus, dans le bois de Ville, que des résistances locales, magnifiques d'ailleurs, et dont les évasions de prisonniers nous ont apporté l'écho ; l'ennemi s'avance jusqu'à la lisière Nord de la Wavrille où il est arrêté.
Dans l'après-midi du 22, les Allemands prononcent sur l'Herbebois une série d'attaques partielles, toutes repoussées.
Nos fantassins maintiennent l'ennemi en respect. On lutte à la grenade, car il n'y a plus de cartouches ; les coureurs sont merveilleux d'endurance et de courage.
Le bombardement continue pendant la nuit du 22 au 23, la coupe aux abris est écrasée. Les environs du poste de secours sont encombrés de cadavres.
Le bombardement atteint son maximum dans la matinée du 23, après l'échec d'une nouvelle attaque menée à 4 heures du matin.
A midi, l'ouvrage K (situé sur la ligne de soutien et à proximité du chemin de terre Saint-André-Gremilly), est attaqué avec l'appui de flammenwerfer (lance-flammes). Les grenadiers de la 6e compagnie et du 327e luttent avec une énergie farouche ; les servants de la pièce de marine, placée dans le ravin de l'Herbebois, font le coup de feu avec les fantassins.
Mais le bois de Soumazannes est entièrement perdu ; l'ennemi, encore arrêté à la coupe aux abris, s'installe sur les pentes Nord de la coupure.
A notre gauche, le bois de Wavrille est pris. L'ennemi déborde par l'Ouest les défenseurs de l'Herbebois ; il avance jusqu'à la ferme Saint-André, en dépit du feu de nos mitrailleuses.
A 16 heures, un ordre de la division prescrit l'évacuation de l'Herbebois. Elle a lieu en bon ordre. La garnison de la montagne échappe à grand'peine à l'enveloppement. Toutes les fractions gagnent les lisières Sud de l'Herbebois, à la faveur des couverts.
La retraite continue, protégée par deux compagnies du 233e, la 8e compagnie du 164e, et les mitrailleuses.
Pendant la nuit du 23 au 24, le 2e bataillon du 164e se rassemble au bois le Chaumec ; il se replie sur Louvemont, où se trouvent les débris du 1er bataillon.
Un appel fait à ce moment montre quelle a été l'étendue de nos sacrifices pour la défense de la place.
Le ler bataillon ne compte plus qu'un officier et 124 hommes.
Le 2e bataillon ne compte plus que 5 officiers et 253 hommes.
L'avance allemande continue l'après-midi du 24.
L'ennemi occupe le bois le Chaume, les Chambrettes et le plateau des Caurières.
La garnison d'Ornes (3e bataillon du 164e) se trouve, elle aussi, débordée par l'Ouest.
Après un violent bombardement sur le village, le calvaire, la gare, l'ennemi attaque par le Sud-Ouest ; il est repoussé.
Il cherche alors à progresser par le boyau reliant l'Herbebois au Calvaire. Les grenadiers le maintiennent pendant deux heures et luttent jusqu'à la dernière grenade. Il ne parvient à s'emparer du Calvaire, que lorsque tous les grenadiers sont tués ou blessés.
La même défense opiniâtre a lieu dans les tranchées de la gare, dont les occupants sont finalement contraints de se replier sur la ligne de soutien.
A 17 heures, une nouvelle attaque ennemie, sur la lisière Sud-Ouest, échoue. Mais le village risque d'être encerclé. Devant cette éventualité, le 3e bataillon évacue Ornes et se replie sur Bezonvaux.
Le lendemain, il sera prêt à contre-attaquer sur Vaux-Chapitre, pour enrayer la progression menaçante de l'ennemi, lorsque lui arrivera l'ordre de regagner l'ouvrage de la Falouze.
Seul, le 2e bataillon est resté sur le champ de bataille.
Il prend position, le 24 dans l'après-midi, au Sud de la route de Bras à Douaumont, dans des trous de tirailleurs hâtivement creusés.
Il se replie le lendemain à l'Est de la cote 321, et prend les armes vers 16 heures pour en rayer l'avance allemande vers Douaumont ; 120 hommes demeurent à peine ; ils n'ont presque rien mangé depuis six jours, et ne disposent plus que de quelques cartouches.
Le 26, l'ennemi bombarde la région de Douaumont-Froide-Terre.
C'est le jour de la grande attaque sur le fort et le village. Sous un déluge de mitraille, le 2e bataillon gagne Verdun et l'ouvrage de la Falouze.
Le régiment est alors renvoyé à l'arrière, pour se reformer; il ne comprend plus que deux bataillons : le 2e sous le commandement du commandant BODOT, et le 3e, sous le commandement du commandant TEILHAC.
Ainsi, l'héroïque résistance du 164e régiment d'infanterie, avait contribué à sauver Verdun.
Pendant cinq jours, l'Allemand n'a avancé qu'à petits pas, et voici qu'au sixième jour, les renforts arrivent. L'armée française accepte la bataille, et notre haut commandement la prend à son compte pour, finalement, imposer sa volonté.
Les 1er (commandant GAGGERI) et 2e bataillons (commandant BODOT) furent cités à l'ordre de la IIe Armée, avec le motif suivant :
"Engagés dés le début des combats livrés récemment, ont, malgré les moyens formidables employés par l'ennemi, défendu avec un entrain merveilleux et le plus bel esprit de sacrifice, du 21 au 25 février, le terrain dont la garde leur avait été donnée."
Le lieutenant-colonel ROUSSEL fut fait officier de la Légion d'honneur, des citations à l'ordre de l'armée furent accordées aux capitaines ALLAIN et PADIEU, au lieutenant VIGNOLO, aux sous-lieutenants ENGELHARD, SCHOTT et CARRIAS, à l'adjudant-chef RAUSSIN, à l'adjudant MARISIER et au sergent PERROTEY.
Le recul du temps devait mettre en pleine lumière, d'une façon plus éclatante encore, la brillante conduite du 164e régiment d'infanterie, car, le 26 novembre 1917, par ordre "D" n° 6050, le régiment tout entier était cité à l'ordre de l'armée :
164e REGIMENT D'INFANTERIE
"Magnifique régiment, qui a donné, depuis le début de la campagne, les plus beaux exemples d'ardeur offensive, d'indomptable ténacité et de noble esprit de discipline ; notamment dans les sanglants combats d'Ornes, en décembre 1914 et dans la défense opiniâtre de ses positions à Verdun, en février 1916, où, malgré les pertes sérieuses causées par un bombardement violent et continu, il résista jusqu'au bout, défendant le terrain pied à pied et contre-attaquant sans cesse avec un entrain merveilleux et le plus bel esprit de sacrifice."