Lexique II
Civelot / Ciblot
En argot des combattants, désignation des civils.
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citations :
"Et le coeur bien gros, comme dans un sanglot, on dit adieu aux civelots" Chanson de Craonne)
Classe (15, 16, etc.)
Terme de l’administration militaire passé dans le langage courant et qui désigne l’année prévue d’incorporation d’un homme appelé sous les drapeaux. La "classe 1915" est ainsi formée des hommes nés en 1895 et dont l’incorporation est prévue au cours de l’année 1915, etc.
Renvoi à : Bleu / Bleuet / Bleusaille
Citations :
"[J’ai vu] un camarade complètement désemparé. Il était resté derrière la colonne, assis sur sa caisse de grenades en pleurant comme un gosse qui suppliait sa mère (...) Ne m’en voulez pas trop mon adjudant, je suis un pauvre gars de la classe 17 arrivé en renfort cet après-midi." (Paul Tourigny, Le carnet de grand-père. A travers deux guerres pour l’Europe, Paris, La pensée universelle, 1976, p. 102) ;
"La classe 17 va être recensée (...) mais je leur souhaite de tout coeur de ne jamais venir à ce spectacle, car vraiment, les commotions sont trop cruelles et l’on est témoin de choses atroces." (lettre d’avril 1915 citée dans Alain Jacobzone, Sang d’encre : lettres de normaliens à leur directeur pendant la guerre 1914-1918, Vauchrétien, I. Davy, 1998, p. 52) ;
"La plupart de mes camarades de la classe 1915 y sont morts et de quelle façon! C’est inouï d’avoir sous les yeux un tel spectacle et de rester insensible malgré tout." (lettre de mai 1915 citée dans Alain Jacobzone, Sang d’encre: lettres de normaliens à leur directeur pendant la guerre 1914-1918, Vauchrétien, I. Davy, 1998, p. 52-53).
Colis
Les combattants peuvent recevoir des colis de l’arrière (généralement de leurs familles, parfois des marraines qui contiennent principalement des effets chauds et des produits alimentaires permettant d’améliorer l’ordinaire. Ces colis peuvent donner lieu à des partages entre camarades mais aussi à des vols et des jalousies entre soldats.
Renvoi à : Marraine, Vaguemestre
Citations :
"Je reçois à l’instant un colis de papa avec une lettre du 16 (…) La ouate est une excellente idée, je ne vous dis rien du chocolat ! Ne vous plaignez pas que le colis ne soit pas assez gros ; je suis chargé comme un mulet, je n’ai de place nulle part, et vous voyez que la rapidité des communications me permettra de vous prévenir au besoin, sans que vous vous p éoccupiez d’avance." (Étienne Tanty, Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Paris, France bleu / Italiques, 2002, p. 109) ;
"J’ai bien reçu ce matin le colis annoncé, il était en bon état, le sanglier était excellent. Moreau en a goûté ; il part toujours en permission le 17." (Marcel Papillon, "Si je reviens comme je l’espère". Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, p. 286, 15 février 1916).
Colon
En argot des combattants, désignation du colonel. Celui qui est nommé le "colon" est généralement le colonel commandant le régiment.
Renvoi à : Cabot
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citations :
"Ma perm approche. Je vais à Vauxcastille, où est le 6e bataillon, pour la faire déposer chez le colon". (Lucien Laby, Les carnets de l’aspirant Laby. Médecin dans les tranchées 28 juillet 1914-14 juillet 1919, Paris, Bayard, 2001, coll. "Hachette Littératures/Pluriel", p. 256).
Compagnie
Subdivision d’un bataillon qui comprend 150 hommes environ, commandée généralement par un lieutenant.
Renvoi à : Brigade, Bataillon, Division, Escouade, Régiment, Section
"A 3 heures, l’artillerie [française] cesse le feu, et une compagnie commence la descente du bois. Mais, à peine est-elle sortie qu’une grêle de balles arrive de toutes parts. Il fallait traverser un pré pour prendre le village qui se trouvait devant nous. Des mitrailleuses ennemies tiraient sur la compagnie qui venait de descendre. Mais elle n’était pas allée bien loin. Elle était là, à quelques mètres de nous, fauchée complètement par les balles." (Fernand Tailhades, "Souvenirs", dans Eckart Birnstiel et Rémy Cazals éd., Ennemis fraternels 1914-1915, Toulouse, PUM, p. 163, Vosges, septembre 1914).
Compagnie hors rang
Compagnie unique qui se trouve au niveau du régiment et regroupe ce qui touche au fonctionnement administratif, logistique et au commandement du régiment. On y trouve le secrétariat du colonel et de son petit état-major, les cellules traitant de l’approvisionnement en matériel , habillement, nourriture, un peloton de pionniers pour les travaux de protection, la section de brancardiers qui est en même temps la musique du régiment. Pour commander, il faut assurer les liaisons vers les supérieurs et les subordonnés, et naturellement une équipe de téléphonistes y a sa place.
Conseil de guerre
Tribunal militaire prévu par le Code de Justice Militaire de 1857, destiné à juger les crimes et délits commis par des militaires. Il est formé de cinq juges, tous officiers, et ses séances, publiques, durent généralement moins d’une journée. Il existe des Conseils de Guerre d’Armée, de Corps d’Armée, de Division et de Place. Au début de la guerre sont mis en place des Conseils de guerre spéciaux improprement nommés "cours martiales".
Renvoi à : Cour martiale
Bibliographie : Nicolas Offenstadt, Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective, 1914-1999, Paris, Odile Jacob, 1999 ; André Bach, Fusillés pour l’exemple, Paris, Tallandier, 2003.
Citations :
"Un sous-officier dit de trois hommes introuvables durant une attaque : Salauds! Gibier de Conseil de guerre !" (Jean-Pierre Biscay, Témoignage sur la guerre 1914-1918 par un chef de section, Montpellier, Causse, 1973, p. 90.)
"La séance du Conseil de guerre s’est bien passée. Sur 13 malheureux, une dizaine ont obtenu le bénéfice de la loi du sursis..." (André Kahn, Journal de guerre d’un juif patriote 1914-1918, Paris, J.C. Simoën, 1978, p. 265, 16 février 1917).
Contrôle postal
Ce terme désigne à la fois le système de contrôle du courrier des soldats et l’organisme qui en était chargé, à partir de 1915. La proportion des lettres lues varie en théorie entre 1/25e et 1/80e, et augmente lors des périodes (comme les mutineries de 1917) où les besoins de surveillance s’accroissent, en réalité elle est bien moins importante. Les combattants connaissent l’existence d’un contrôle de la correspondance et pratiquent fréquemment l’autocensure, le langage codé ou le contournement pour transmettre des informations sans se compromettre.
Renvoi à : Caviarder
Bibliographie : Bruno Cabanes, "Ce que dit le contrôle postal", in Christophe Prochasson et Anne Rasmussen, Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, p. 55-75 ; Jean Nicot, Les poilus ont la parole : dans les tranchées, lettres du front, 1917-1918, Bruxelles, Complexe, 1998.
Citations :
"Je suis bref ce soir par prudence, si Madame Censure fonctionne (comme maman a écrit un jour qu’elle fonctionnait dans cette région !)" (Étienne Tanty, Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Paris, France bleu/Italiques, 2002, p. 431) ;
"Des censeurs sont créés, à raison d'un par bataillon ou par groupe. Ce sont des officiers qui recevront tout le courrier envoyé à l'arrière et devront en prendre connaissance. Ils auront le droit de détruire les lettres compromettantes ou imprudentes. Les délinquants signalés par eux seront punis.
À l'annonce de cette mesure, c'est un véritable tollé. Certains, outrés, se promettent de ne plus écrire du tout. Un de ces réfractaires, un maréchal des logis de réserve, reste muet pendant plusieurs semaines. Ses parents, inquiets, doivent s'adresser au généralissime pour être rassurés sur le sort de leur fils. Tancé par le commandant de batterie, le sous-officier envoie alors chaque jour une carte postale avec sa seule signature." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 99) ;
"Tu sais que la correspondance venue du front doit être désormais ouverte. Cette mesure déprime plus les poilus que la prise de Varsovie." (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 368, lettre du 11 août 1915).
Corps / groupes francs
Les compagnies franches étaient des unités de volontaires mises sur pieds souvent au sein d'une brigade en vue d'une attaque particulière et dont un officier volontaire prenait le commandement. Elles bénéficiaient de certains avantages : pas de garde, pas de corvées, etc. Le groupe était constitué de plusieurs compagnies franches.
Renvoi à : Nettoyage / Nettoyeur de tranchées
Bibliographie : Frédéric Rousseau, "Abordages. Réflexions sur la cruauté et l’humanité au coeur de la bataille", in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, p.p. 188-193.
Citation :
"Il avait gagné palmes et étoiles à commander un groupe franc. Ceux qui le connaissaient assuraient que ce gars placide, qu’on imaginait si bien devant une bolée, avec des sabots et un petit chapeau rond à rubans, exécutait des coups de main d’une audace terrifiante, et que ses cinquante terribles types lui obéissaient mieux qu’au bon Dieu." (Roger Vercel, Capitaine Conan, Paris, Albin Michel, 1934, rééd. Omnibus, 2004, p. 695).
Corps (d’armée, de cavalerie…)
Regroupement d’au moins deux divisions sous un même chef avec en plus des moyens supplémentaires en artillerie, génie et logistique. C’est normalement le niveau d’engagement minimum en opérations. Ils sont normalement regroupés au sein d’armées pour assurer leur coordination et leur collaboration sur le terrain.
Corvée
Désignation générale de tous les travaux pénibles susceptibles d’être effectués par les combattants, au front comme au cantonnement (v.). Les corvées peuvent être de nature très diverse : de cuisine, d’eau, de feuillées, de réparation, de barbelés… Le terme désigne enfin les hommes qui sont chargés de les accomplir.
Citations :
"On organisa une corvée d’eau qui fit beaucoup de chemin sans rien trouver. Son retour provoqua une alerte, et je crois bien qu’elle essuya quelques coups de fusil." (Bloch 2006 p. 128, septembre 1914) ;
"Les corvées de nettoiement, d’enlèvement des ordures et de fumier doivent être terminées pour six heures." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 57).
Coup
Dans l’argot des combattants, désigne une grande opération offensive prévue.
Citations :
"Il se prépare un coup pour ces jours-cis. Ca vas barder. J’espairre toujours en revenir, ça dépand comme ça va se passé. Le grand coup sera terminé le 26" (Lucien Papillon "Si je reviens comme je l’espère" Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, lettre du 23 septembre 1915 [évoquant l’offensive de Champagne], p. 209) ;
"Il me semble que dans la région où je me trouve, il se prépare quelque chose: le canon tonne violemment et de nombreuses divisions se concentrent. Ce sera peut-être le commencement du coup final." (lettre de février 1917 citée dans Alain Jacobzone, Sang d’encre: lettres de normaliens à leur directeur pendant la guerre 1914-1918, Vauchrétien, I. Davy, 1998, p. 124).
Coup de main
Opération restreinte et le plus souvent nocturne dans la tranchée de première ligne adverse, destinée avant tout à faire des prisonniers.
Citations :
"24 septembre 1916. Le 256e a fait un coup de main ; ils ont eu un tué, un blessé grièvement et un blessé légèrement, et un sergent alsacien, qui était de la patrouille, n’est pas revenu. On prétend qu’il n’a pas été tué, mais qu’il y est resté volontairement." (Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, "La Mémoire de 14-18 en Languedoc", 1980, p. 60, Somme).
Cour martiale
Le terme désigne des tribunaux militaires exceptionnels à la procédure simplifiée, notamment ceux créés par le gouvernement de défense nationale en 1870. Il est utilisé de manière impropre, y compris par les acteurs de l’époque) pour qualifier les conseils de guerre spéciaux, au fonctionnement accéléré, établis au début de la guerre par le commandement pour renforcer sa gestion disciplinaire des troupes.
Renvoi à : Conseil de guerre
Bibliographie : Nicolas Offenstadt, Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective, 1914-1999, Paris, Odile Jacob, 1999 ; André Bach, Fusillés pour l’exemple, Paris, Tallandier, 2003, p.p. 270-271.
Couverture (division de)
Lors de la déclaration de guerre, certaines divisions sont destinées à rejoindre sans délai la frontière pour parer à toute attaque brusquée adverse pendant que la mobilisation du reste de la Nation est en cours, ce qui demande un certain nombre de jours. Désignées dès le temps de paix, ces dernières ont un créneau géographique déterminé à l’avance avec tout leur déploiement planifié : horaire de chemins de fer pour l’acheminement, répartition sur le terrain, etc. La priorité est la vitesse et ces divisions n’attendent pas leur complément de réservistes pour se déployer. Elles assurent la "couverture" de l’armée jusqu’à ce que cette dernière ait achevé sa "concentration", c’est-à-dire sa mise en place sur pied de guerre dans des zones de terrain planifiées elles aussi par avance.
Crapouillot
Dans l’argot des combattants, désigne les différents types de mortiers de tranchée et leurs projectiles, dont l’utilisation est croissante au cours de la guerre, leur tir courbe étant adapté à la guerre des tranchées. Par extension sont créés le verbe "crapouilloter" et le substantif "crapouillage" pour désigner le fait de bombarder avec un crapouillot. Enfin, Le Crapouillot est le titre du journal de Jean Galtier-Boissière dans l’entre-deux-guerres.
Renvoi à : Eclat, Marmite, Minen, Fusant, Percutant
Bibliographie : Pierre Waline, Les Crapouillots : 1914-1918, naissance, vie et mort d'une arme, Paris, Charles-Lavauzelle, 1965.
Citations :
"Mais si on les embête de trop [les Allemands] – brrrrrraoum – Voilà un crapouillaud" (Marcel Papillon, "Si je reviens comme je l’espère" Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, 5 mai 1915, p. 138).
"Pour le moment nous sommes assez tranquilles à part quelques petits quart-d’heures de crapouillage." (Marcel Papillon, "Si je reviens comme je l’espère" Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, 28 décembre 1916, p. 318) ;
"Nous avons des armes plus redoutables : les "crapouillots", ainsi appelés parce que, par leur aspect, ils rappelaient le crapaud, lourd et trapu, portant de grosses glandes autour du cou. Les premiers furent des mortiers de 15 cm, datant de Louis-Philippe, dénichés dans les forts et arsenaux.
Ces "crapouillots" étaient servis par des "artilleurs de tranchées" qui, surtout au début, n’étaient pas bien vus des fantassins qui les enguirlandaient copieusement et s’opposaient parfois à leur tir parce qu’il attirait invariablement et presque instantanément des tirs de représailles des "minenwerfers" ou même de l’artillerie, auxquels nos vaillants "crapouillots" échappaient en quittant précipitamment les lieux." (Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 37).
Cratère
Élément caractéristique du paysage du front, et en particulier du No Man’s Land, un cratère est provoqué par l’explosion d’un obus. Il peut constituer un abri provisoire au cours d’une attaque ou d’une patrouille.
Renvoi à : Entonnoir
Citations :
"Ténèbres opaques. Chaos lunaire de cratères d’obus. Au fond des cratères ou chevauchant sur leurs crêtes, mêlée confuse et cruelle de souches et de troncs rompus" (Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p. 25).
Créneau
Ouverture aménagée dans le parapet (v.) d’une tranchée de première ligne et qui permet l’observation ou le tir sur la tranchée adverse.
Renvoi à : Banquette, Parapet
Citations :
"Avant de descendre, un sous-officier qui venait de nous quitter, me montra au créneau, en face de l’abri dans lequel nous nous abritions, la tranchée allemande avec ses occupants sur un intervalle de 5 mètres environ et sur lequel il tirait quand l’occasion se présentait." (Roger Darzacq, cité dans: Michel Devert, Poilus landais et autres dans la tourmente, Mezos, Michel Devert, 1994, second carnet, p.p. 19-20. Oise, début 1917) ;
"Je regarde par le créneau. A cinquante mètres, au-dessus de la muraille de sacs qui est le petit poste ennemi, une tête coiffée du calot gris se montre librement." (Lieutenant E.R. (Capitaine Tuffrau) [Paul Tuffrau], Carnet d’un combattant, Paris, Payot, 1917, p. 171) ;
"C’est cela la guerre que nous allons faire ? Rester des heures interminables devant un mur de terre couronné, face à l’ennemi, par un parapet percé de créneaux, où reposent les fusils des sentinelles, prêtes à tirer à la moindre alerte…" (Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 34) ;
Au besoin Genevoix p. 593.
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Creute
Nom donné dans Le Soissonnais et au Chemin des Dames aux carrières souterraines creusées par les carriers afin d’extraire de la pierre calcaire servant à la construction de maisons et d’édifices publics ou cultuels. Les creutes sont nombreuses dans le Soissonnais, le Noyonnais, le Massif de Saint-Gobain et au Chemin des Dames. Durant la guerre, les creutes peuvent servir d’abri ou de cantonnement aux combattants. Une des plus célèbres est la Caverne du Dragon.
Bibliographie : Thierry Hardier, "Une guerre souterraine. Creutes et tunnels" p.p. 104-108 et "La Caverne du Dragon" p.p. 402-410, in Nicolas Offenstadt, Le Chemin des Dames. De l’événement à la mémoire, Stock, 2004, 494 p.
Croix de guerre
Dès 1914, certaines personnalités, hommes politiques ou officiers à l’image de Driant, député de Nancy et commandant de bataillon, imaginent afin de récompenser de manière visible, les actes de courage des combattants, de créer un nouvel insigne accompagnant la citation individuelle. La Croix de Guerre est ainsi instituée par la loi du 8 avril 1915 et les décrets d’application sont publiés le 27 du même mois. Destinée à "commémorer les citations individuelles pour faits de guerre à l’ordre des l’armées de terre et de mer, des corps d’armée, des divisions, des brigades et des régiments", elle se décline en plusieurs modèles, avec palmes ou étoiles par exemple, selon la valeur de la citation accordée. Elle fut élargie aux unités (fourragère) et même à des villes (Dunkerque en octobre 1917). Les combattants, récipiendaires ou non, ont développé deux attitudes opposées face à la Croix de guerre : elle était perçue soit comme un réelle récompense estimée au regard du "devoir" accompli alors que certains, brocardent cette récompense jugée "ridicule" ou "mensongère". Plus de deux millions de croix de guerre individuelles ont été attribuées pendant la Grande Guerre.
Renvoi à : Citation, Fourragère
Bibliographie : Croix de guerre, valeur militaire : La marque du courage, SHD, éditions LBM, 2006. [très complet sur la naissance de la croix de guerre] ; Marie-Anne Paveau, "Citations à l’ordre et croix de guerre. Fonction des sanctions positives dans la guerre de 1914-1918", dans Cazals Rémy, Picard Emmanuelle, Rolland Denis, La Grande Guerre. Pratiques et expériences, Toulouse, Privat, 2005, p.p. 247-257.
Citations :
"(...et il n’y eut pas un décoré qui eut le courage, la pudeur de refuser avec le plus grand dédain ces croix de guerre ridicules, ces citations mensongères, ces félicitations burlesques" (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, Toulouse, Privat, édition 2003, p. 80) ;
"(…) on nous avise que le lieutenant P. et le maréchal des logis G. ont reçu la croix de guerre comme survivants de l’attaque du 1er octobre [1914]. Mais les morts, eux, n’ont pas été cités ! Cet oubli nous attriste et nous écoeure." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 71).
Decauville
voir : Voie de 0,60
Départ
Le terme "départ" désigne fréquemment dans les témoignages contemporains le coup de départ d’un obus, a distinguer bien sûr du coup d’arrivée, et dont le son signale, pour les combattants aguerris, la provenance et le délai du danger à venir lorsque les "départs" sont ennemis.
Renvoi à : Calibre, Fusant, Percutant
Citations :
"L’on ne fait que faire attention si les coups de canon sont des arrivées ou des départs. A cela on ne s’y trompe pas, et quand même on ne les écoute pas, on perçoit si les coups sont nôtres ou boches." (Mathieu Escande, Le journal de Mathieu. La Guerre de 14 vécue par un Charpentier de Labruguière Sapeur au 2eme Génie, Castres, Jean Escande, 1986, p. 52.) ;
"Sur notre gauche se sont établis des 120 longs. Je compte dix-sept secondes de la lueur du coup de départ à l’éclatement. J’essaie de situer ces lueurs, mais je ne puis y parvenir car c’est toute une trace de ciel qui s’illumine à chaque coup." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 57-58) ;
"Un tel concert de choses qui hurlent, des Minen dans le ravin, des éclatements à droite et départs rageurs du 75 en arrière" (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 377, lettre du 13 mai 1916).
Descendre
Dans l’argot des combattants, désigne le fait de quitter les premières lignes pour l’arrière-front ou le cantonnement.
Renvoi à : Boyau, Marcher, Monter
Division
Unité de base de la stratégie militaire, la division comprend en 1914 environ 12.000 hommes répartis dans 4 régiments. Durant la guerre, on passe de 4 à 3 régiments par division en France. Par extension, on nomme les généraux qui les commandent les "divisionnaires".
Renvoi à : Brigade, Bataillon, Compagnie, Escouade, Régiment, Section
Citations :
"Il me semble que dans la région où je me trouve, il se prépare quelque chose: le canon tonne violemment et de nombreuses divisions se concentrent." (lettre de février 1917 citée par Alain Jacobzone, Sang d’encre: lettres de normaliens à leur directeur pendant la guerre 1914-1918, Vauchrétien, I. Davy, 1998, p.124).
Dragon
Troupes de cavalerie, à l’origine infanterie montée. Les escadrons de dragons, pendant la Grande Guerre, furent adjoints à des divisions d’infanterie et des escadrons à pieds furent formés, qui participèrent à la guerre des tranchées.
Bibliographie : André Corvisier (dir.), Dictionnaire d’art et d’histoire militaire, Paris, PUF, 1988, p. 242 ; on trouve le témoignage d’un dragon, Joseph Papillon, dans Marthe, Joseph, Lucien, Marcel Papillon, "Si je reviens comme je l’espère ». Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004.
Citations :
"Nous avons fait jonction avec une division indépendante de cavalerie, 3 régiments de Dragons et une batterie du 8e volant, sous le fort du camp des Romains et nous avons cantonné à Saint-Mihiel, rue du Calvaire chez un médecin" (Marcel Papillon, "Si je reviens comme je l’espère" Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, p. 83, 30 janvier 1915).
Échelles
Les échelles disposées en première ligne contre le parapet servent à sortir de la tranchée lors d’une offensive ou d’un départ pour patrouilles et coups de main.
Renvoi à : Coup de main, No man’s land, Patrouille
Bibliographie : Rémy Cazals, "Tranchées et boyaux", in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, p.p. 94-103.
Citation :
"En arrivant à la première ligne, nous aperçûmes chaque dix mètres des échelles d’assaut posées contre le parapet. Cette vue nous fit frissonner comme si nous étions passés devant des échafauds." (Barthas p. 189).
Éclat
Fragment d'obus projeté par l'explosion de celui-ci, et qui est à l’origine d’une grande proportion des morts et des blessures parmi les combattants. De nombreux éclats se trouvent encore dans le sol des champs de bataille de la Grande Guerre.
Renvoi à : Fusant, Marmite, Minen, Percutant, Shrapnell
Bibliographie : Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre, Amiens, C.R.D.P., 1995, p.p. 42-43.
Citations :
"Sans arrêt des éclats sifflaient dans les airs avec des miaulements bizarres, aigus, plaintifs, bourdonnant, s'abattant parfois en pluie de fer. » (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Paris, La découverte, 1997, p. 119) ;
"j’ai délaissé sur place deux bouteilles d’eau pour me soulager du poids lourd que j’avais sur le dos ; mille suppositions je me faisais dans l’idée; je supposais que si un éclat d’obus venait me frapper, il me ferait davantage de mal s’il cassait les bouteilles: c’est un peu pour ce cas que je les ai quittées." (François Barge, Avoir vingt ans dans les tranchées, St-Pourçain-sur-Sioule, C.R.D.P., 1984, p. 19).
Embusqué
Terme désignant les hommes échappant indûment au combat. Le terme est relatif à la position de celui qui l’emploie : pour un combattant, un militaire affecté à l’arrière ou aux bureaux peut être un embusqué ; les civils peuvent également employer le terme. Les embusqués sont soupçonnés d’avoir obtenu leur position privilégiée à travers de l’argent et/ou des relations. Le terme est fréquemment employé de manière ambiguë, les embusqués étant à la fois fortement stigmatisés et (parfois de manière inavouée) enviés pour la sécurité dont ils bénéficient. Plus près des lignes, même, les combattants ont critiqué les "embusqués du front". Par extension est employé le verbe "embusquer".
Renvoi à : Filon, Pépère
Bibliographie : Rémy Cazals, Les mots de 14-18, Toulouse, presses universitaires du Mirail, 2003, p. 49.
Citations :
"Pour le Poilu, était "embusqué" tout individu, militaire ou civil, en état de combattre qui, pour une raison quelconque, ne participait pas directement à la bataille." (Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 315) ;
"Des embusqués, il n’en faut plus" (Graffiti de soldat permissionnaire sur un train, 27 juin 1917, SHDT 16 N 1523) ;
"Nous avons en ce moment un ordonnance du Chef de Bataillon de la classe 16, on peut dire que c’est un veinard et que c’est dégoûtant d’embusquer un jeune comme cela." (Contrôle Postal, SHDT 16 N 1388 Rapport du 17 mars 1917, 106e RI) ;
"Les agents de liaison, les scribouillards, les brancardiers, les musiciens, tous ceux que nous appelons "les embusqués du front", surgissent de leurs confortables abris où ils s’étaient précipités, recommencent à vaquer tranquillement à leurs petites affaires, à respirer l’air pur, allongés sous les grands arbres, lisant dans leur journal les exploits de leurs frères de première ligne tout en fumant leur pipe et en écoutant les oiseaux qui s’ébattent en gazouillant dans les branches." (Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 57).
Entonnoir
Généralement employé pour désigner l’excavation, souvent importante, produite par l’explosion d’une mine. Désigne aussi un trou d’obus particulièrement large. On parle de la "lèvre" d’un entonnoir pour désigner rebord qui fait saillie sur le terrain suite à la retombée de terre, généralement disputé avec l’ennemi aussitôt après l’explosion de la mine.
Renvoi à : Cratère, Fourneau, Mine
Bibliographie : Coll., La Butte meurtrie. Vauquois. La guerre des mines, 1914-1918, Verdun, Les Amis de Vauquois et de sa région, mai 2004 ; Jacques Bourquin, Yann Prouillet, Jean-Claude Fombaron, La Chapelotte 1914-1918 : secteur oublié du front de Lorraine entre le Donon et Raon l'Etape, Coll. Temps de
Guerre, Saint-Dié-des-Vosges, Société philomatique vosgienne, 2005, p. 126-127.
Citations :
"Les obus s’enfoncent profondément dans la terre meuble, faisant des entonnoirs énormes et projetant très loin les mottes de gazon." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 40).
Escouade
La plus petite unité de l’armée française, elle regroupe en théorie 15 soldats sous le commandement d’un caporal. Il existe souvent un fort sentiment de camaraderie entre les membres d’une escouade. Pour refléter ce fait, le roman d’Henri Barbusse, Le feu (1916), est significativement sous-titré Journal d’une escouade.
Renvoi à : Bataillon, Brigade, Compagnie, Division, Régiment, Section Bibliographie : Rémy Cazals, Les mots de 14-18, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003, p. 50.
Citations :
"Le général de Brigade donne l’ordre d’égaliser les sections à deux escouades par suite de l’affaiblissement des effectifs, dû aux pertes subies depuis le début de la campagne" (Récit d’Emile Maline, du 20e BCP in Képis bleus de Lorraine, 1914-1916, Société Philomatique Vosgienne, St Dié, 2001, p. 136, 28 août 1914) ;
"Le premier encore sous le choc et sensiblement commotionné, tous les deux, très émotionnés me donnèrent une triste nouvelle que voici. (...) Tous trois de mon escouade, venaient de trouver la mort au fond d’une sape." (Michel Daniel, 1er régiment de marche de zouaves : un caporal et son escouade : tous les jours du 20 mars 1915 au 14 juillet 1918, Vannes, M. Daniel, 1983, 2 vol., vol. I, p. 297) ;
"Une de mes escouades était réduite de 16 hommes à 4 ; j’étais parti le matin avec 48 hommes, j’en ramenais 22." (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 331, lettre d’octobre 1914).
Espionnite
Terme formé sur une terminaison désignant une maladie, pour qualifier le fait de voir des espions partout ou du moins de leur attribuer une influence et des actes exagérés par rapport à leur présence réelle.
L’”espionnite” est particulièrement répandue au début de la guerre dans le contexte d’exaltation patriotique de 1914 et d’incertitude des premiers combats.
Citations :
"Sans être atteint d’espionnite, je commence à croire que, tout de même, l’ennemi est bien renseigné." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 42).
Exercice
Nom générique donné aux manoeuvres, instruction des troupes et exercices exécutés par les soldats en période dite de repos. De nombreux combattants ont noté leur inutilité et leur effet négatif sur le "moral".
Renvoi à : Cantonnement, Repos
Citations :
« Le matin, marches et exercices ; le soir, idem ; on nous esquinte à faire ces conneries qui n’ont aucun rapport avec la guerre. C’est le nouveau général qui ne veut pas, dit-on, nous laisser ankyloser ; il cherche, je crois, à nous faire révolter. » (Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, "La Mémoire de14-18 en Languedoc", 1980, p.p. 28-29, le 13 septembre 1915, en Flandre).
"Aujourd’hui on a organisé une petite fête au régiment; on essaie de remonter le moral par tous les moyens. Mais cela ne m’intéresse pas du tout, ce que je regarde-moi, c’est qu’on ne fait pas d’exercice ces jours-là et c’est tout. » (Fernand Maret, Lettres de la guerre 14-18, Nantes, Siloë, 2001, p. 214, 12 juillet 1917).
Faire camarade
Dans l’argot des combattants, expression qui signifie se rendre volontairement, sans doute en raison de l’exclamation fréquemment prononcée par des soldats allemands lors d’une reddition : "Kamerad" !.
Bibliographie : Rémy Cazals, Les mots de 14-18, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003, p. 26 ; Fernand Tailhades, Ils m’appelaient tout le temps "camarade", Carcassonne, F.A.O.L., 1980.
Citation :
"Ce ne sont que propos découragés. Tout le monde est aplati, affalé. (…) : Jamais nous ne les aurons ! Il vaudrait mieux faire camarades et que ce soit fini !" (Charles Delvert, Carnets d’un fantassin, Paris, Albin Michel, éd. 1935, p. 247).
Faisceaux
Lors des bivouacs et des haltes suffisamment longues, l’ordre est donné de mettre les fusils en faisceaux, c'est-à-dire les reposer verticalement par groupe de trois, en triangle, adossés ensemble par leurs canons. Les hommes alignent sur le sol leur barda et leurs armes, de manière uniforme. Ils peuvent alors quitter ces "faisceaux" d’armes qui restent seulement à la garde et surveillance d’une sentinelle.
Renvoi à : Bivouac, Cantonnement
Citation :
"La campagne qui nous entoure est intacte, ou presque. "Halte ! formez les faisceaux !" Dans ce coin de pré, sur le rebord de ce talus, nous attendons les camions qui doivent nous conduire au repos, dans quelque village charmant de Meuse ou de l’Argonne." (Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p. 61).
Feldgrau
"Gris de campagne" : couleur de l’uniforme allemand. Par extension, désigne le fantassin allemand.
Renvoi à : Bleu horizon
Citation :
"Ah, nous l’avons perdue depuis longtemps, cette sensiblerie du début qui nous arrachait des larmes quand, sous l’effet de nos 75, nous voyions les Feldgrau tomber en grappes !" (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 63, 1er janvier 1915).
Feuille de calcul
Dans l’artillerie, elle est établie par l’officier de tir afin de lui permettre d’estimer la distance de l’objectif. Il faut tenir compte, pour cela, de la température et de la pression atmosphérique, de la direction et de la force du vent, etc. La distance obtenue est indiquée aux chefs de pièce qui la communiquent aux tireurs.
Renvoi à : Batterie, Pièce, Servant
Bibliographie : André Aribaud, Un jeune artilleur de 75, Carcassonne, FAOL, "La Mémoire de 14-18 en Languedoc", 1984, p. 19.
Feuillées
Latrines de campagne, généralement creusées dans la terre un peu à l’écart des tranchées principales. Les soldats s’y rendent pour "poser culotte", selon l’expression employée alors.
Renvoi à : Corvée
Citations :
"On nous employa à divers travaux. Pour ma part, je reçus l’ordre d’établir avec mon escouade des "feuillées", ou lieux d’aisance, pour les profanes, qu’il fallait creuser profondément contre le talus de la route" (Barthas p. 116-7) ;
Poème de Marc Leclerc, La passion de notre frère le Poilu, Paris, C. Crès, 1916 : "Tout d' mêm' tu t' sers bien d' not' feuillée,/en premièr' lign' tu la connais ! / Faut qu' tu travers' un' mar' de pisse/avant d'aborder aux bouts d' bois/qui bascul', qui roul' et qui glissent/et qui t'éclabouss' tout comm' moi. / En hiver, quand tu pos' culotte, / t'as l'vent qui t' chip' ton papier-cul/et t' balanc' des rafal' de flotte/dans ton froc, tout comme aux poilus. / Et quand t'as trop bu d'eau d' macchabe, / t'as la clich' ! Comm' nous (sans t' vexer)/tu salis les planch' – c'est du rabe – / si t'as l' gros boyau désaxé."
Filon
Dans l’argot des combattants, désigne une affectation ou un secteur recherché pour son absence de danger. Le terme est aussi employé pour désigner la bonne (ou la fine) blessure, celle qui éloigne du danger sans dommages physiques trop importants.
Renvoi à : Blessure, Pépère, Secteur
Citations :
À un camarade nommé ordonnance d’un officier : "maintenant tu as le filon, tu feras l’attaque dans le P.C." (Alphonse Thuillier, p. 78) ;
"Si tu pouvais me donner quelque filon vraisemblablement sûr, je t’assure qu’avec tout mon patriotisme je mettrais les bâtons car la vie militaire est de plus en plus dégoûtante" (Lettre d’un combattant du 109e RI à l’arrière, Contrôle postal, SHDT 16N1388 Rapport du 12/5/1917) ;
"Charles Bary est maintenant à Acheux, attaché au colonel, s’il vous plaît, en qualité de dessinateur. C’est vraiment un précieux filon." (Charles Gaillard, Au front à 17 ans. Lettres d’un jeune Morbihannais à sa famille, présentées par Blanche-Marie Gaillard, Saint-Cyr-sur-Loire, Alan Sutton, 2005, p. 74) ;
"L’ataque [dont je] vous avais parlé c’est trai bien passée. Je suis été blessé d’ai le débu de l’atttaque. Je suis blessé à l’épaulle gauche. C’est le bon fillon. J’ai eu de la venne d’aitre blessé, s’étais affreux" (Lucien Papillon, "Si je reviens comme je l’espère" Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004 lettre du 27 septembre 1915, p. 214).
Fosse commune
Durant la guerre, les inhumations collectives sont fréquentes, en particulier au début de la guerre car les pertes sont énormes et les unités ne sont pas organisées pour enterrer leurs morts. Des fosses communes peuvent être creusées à proximité des lignes.
Bibliographie : Thierry Hardier, Jean-François Jagielski, Combattre et mourir pendant la Grande Guerre (1914-1925), Paris, Imago, 2001.
Citations :
"Nous avons mis dans un mouchoir tout ce qu’il avait sur lui d’intéressant et Bert, qui est de Narbonne aussi, le portera à ses parents. Nous allons prendre les brancardiers pour le descendre, mais ils n’ont pas voulu venir, disant qu’ils ne voulaient pas s’exposer pour un mort. Si nous n’avons pas voulu le laisser là, il a fallu que moi, avec Cros, Bert et Louvel, venions le porter à la fosse qui est à 4 km de là, et il pesait 100 kg. Nous l’avons mis dans la fosse de quatre mètres de largeur où il y en avait côte à côte une rangée de chaque côté ; plusieurs étaient de la journée." (Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, "La Mémoire de14-18 en Languedoc", 1980, p. 38, Artois, octobre 1915) ;
"Les servants creusent dans les champs une grande fosse commune pour y ensevelir les soldats tombés dans les environs. Le 21e bataillon de chasseurs s’est fait décimer ici avant notre arrivée." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 48, 12 septembre 1914).
Fourneau
Extrémité d’une galerie de mine se situant sous les lignes adverses, destinée à être remplie d’explosifs Au sens strict, c’est la charge — quantité d’explosif — disposée dans la chambre de mine ou chambre aux poudres qui, en explosant, occasionne un entonnoir ou un camouflet.
Renvoi à : Camouflet, Entonnoir, Mine
Bibliographie : Coll., La Butte meurtrie. Vauquois. La guerre des mines, 1914-1918, Verdun, Les Amis de Vauquois et de sa région, mai 2004.
Fourragère
Décoration collective accordée à certaines unités à partir de 1916, elle se traduit par une cordelette qui orne l’uniforme militaire à l’épaule. On a distingué la fourragère aux couleurs de la croix de guerre (avril 1916) pour deux citations ; la fourragère aux couleurs de la médaille militaire (juin 1917) pour quatre à cinq citations ; la fourragère aux couleurs de la Légion d’Honneur (octobre 1917) pour 7 à 8 citations ; enfin (sept 1918), on a créé trois degrés nouveaux, marqués par des fourragères doubles, aux couleurs mixtes : Légion d’Honneur et croix de guerre de 9 à 11 citations ; Légion d’Honneur et médaille militaire de 12 à 14 ; Légion d’Honneur pour les deux cordons à partir de 15 citations.
Renvoi à : Citation, Croix de guerre
Bibliographie : Marie-Anne Paveau, "Citations à l’ordre et croix de guerre. Fonction des sanctions positives dans la guerre de 1914-1918", dans Cazals Rémy, Picard Emmanuelle, Rolland Denis, La Grande Guerre. Pratiques et expériences, Toulouse, Privat, 2005, p.p. 247-257.
Fourrier
L’emploi de fourrier est rempli par un sergent ou un caporal dit "fourrier". Aux ordres du sergent-major, le fourrier tient toutes les écritures de la compagnie, à l’exception des punitions et du livret d’ordinaire. Les fourriers sont désigné par compagnie, à l’exception du fourrier de semaine attaché à un bataillon. Les caporaux et sergents fourriers sont exemptés d’exercices.
Citation :
"Je suis nommé caporal fourrier. On m’a annoncé cela hier soir. Il en pleut je vous dit, il en pleut ! Ma besogne je crois ne sera pas considérable, je n’aurai pas d’escouade. En temps de paix, j’aurais eu beaucoup d’écriture. Mais ici…" (Despeyrières Henri, correspondance, à paraître).
Fritz
Désignation des Allemands par les Français, nettement moins usitée que celle de "Boche".
Renvoi à : Boche/Bochie
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citations :
"J’ai terminé la soirée en faisant une ballade dans Nancy, j’ai vu les dégâts des 380 aux Fritz." (Marcel Papillon, "Si je reviens comme je l’espère" Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, p. 326, 17 mars 1917) ;
"Les tranchées creusées par les nôtres étaient un simple fossé peu profond et peu confortable. Fritz, lui, a fait du terrassement." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 44).
Fusant
Obus qui explose en l’air au dessus des troupes adverses. Pour cela il est muni à son sommet d’une "fusée" réglée pour déclencher l’explosion de l’obus au bout d’un temps calculé à l’avance. Le "fusant" est composé d’explosif et de billes de plomb ou d’acier appelées shrapnells.
Renvoi à : Eclat, Minen, Percutant, Shrapnell
Citation :
"L’esprit de curiosité, qui m’abandonne rarement, ne m’avait pas quitté. Je me souviens avoir remarqué pour la première fois que les fumées des obus fusants ont une couleur ocre, à la différence de celles des percutants, qui sont très noires." (Marc Bloch, "Souvenirs de guerre", L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2006, p. 127) ;
"On ne les entend pas venir, ces fusants. Je regardais un de mes poilus qui bourrait sa pipe lorsque deux autres ont explosé sur nous: le sifflement, la grimace de l’homme et le plongeon qu’il a fait, la grêle des balles dans les branches, tout s’est confondu en une seule impression d’attaque imprévisible et méchante. C’est trop rapide, le réflexe qu’on a pour se protéger se déclenche trop tard. L’obus qui a sifflé de loin n’atteint pas. Mais celui qui tombe sans dire gare, celui-là est dangereux et effraye; les mains restent fébriles longtemps encore après l’explosion." (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, rééd. Seuil, coll "Points", p. 138).
Galonnards
Dans l’argot militaire, désignation de supérieurs considérés comme plus attentifs à leurs galons et à leurs décorations qu'à la vie de leurs hommes.
Gaz
Les gaz de combat sont employés pour la première fois sur une grande échelle par l’armée allemande le 22 avril 1915 dans la région d’Ypres (Ypérite) ; malgré leur efficacité militaire incertaine passées les premières utilisations qui provoquent surprise et panique, les attaques au gaz font partie des moments les plus redoutés
par les combattants. Cela tient aussi à la pénibilité du masque qu’ils doivent porter.
Bibliographie : Olivier Lepick, La grande guerre chimique, Paris, PUF, 1998.
Citations :
"5 juillet 1916. Sommes à côté du 256e qui, à 22 h, le vent nous étant favorable, a lancé des gaz ; mais, le vent tournant, les gaz reviennent de notre côté et le 256e a eu huit asphyxiés par nos propres gaz et cent douze intoxiqués évacués. Tous les ravitailleurs qui arrivaient à cette heure, n’étant pas prévenus, sont tous tombés dans les boyaux." (Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, "La Mémoire de 14-18 en Languedoc", 1980, p. 57, Somme) ;
"Les yeux me faisaient mal malgré mes lunettes et bien envie de vomir, de la manière que ces gaz sont mauvais." (François Barge, Avoir vingt ans dans les tranchées, St-Pourçain-sur-Sioule, C.R.D.P., 1984, p. 21) ;
"Ils nous envoient une grande quantité d’obus à gaz suffocants et nous sommes obligés de mettre nos masques à gaz, ça nous pique aux yeux et nous fait pleurer." (Robert Lebesgue, Classe 13, journal d’un sapeur du génie, Paris, La pensée universelle, 1988, p.139) ;
"Soudain, mes yeux picotent : les gaz. Des hommes s’arrêtent, tombent, éternuent, vomissent. Ma cagoule est impraticable, je n’ai q’une paire de lorgnettes, la sueur les embue, je marche dans un brouillard, poussant et bousculant les hommes, sur la bouche un linge mouillé d’eau pure, et comme des légères nausées. Quelle drôle de manière de faire la guerre !" (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, p. 370, lettre du 11 août 1915).
Généralissime
Terme non officiel mais employé couramment à partir de 1914 pour désigner celui qui était en réalité le "Commandant en Chef des Armées du Nord et du Nord-Est". Le poste a été successivement occupé par trois généraux durant la guerre : Joffre, Nivelle et Pétain. Le général Foch quant à lui est devenu le "Commandant en Chef des Armées Alliées" à compter du 14 mai 1918.
Citation :
"J’ai remis à Poincaré une note méditée et dure. Généralissime, gouvernement, président, états-majors y sont accusés. Pendant qu’il lisait lentement, je sentais la chair grésiller. (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 101, 23 avril 1915).
Gnôle (également écrit gniole, gniaule)
Alcool fort, de tout type, consommé par les combattants.
Renvoi à : Jus, pinard
Citations :
"Après avoir bu une bonne gnôle et fumé une cigarette, nous sommes montés sur le terrain." (François Barge, Avoir vingt ans dans les tranchées, St-Pourçain-sur-Sioule, C.R.D.P., 1984, p. 5).
Gotha
Type d’avion allemand, bombardier biplan en service à partir de fin 1916.
Renvoi à : Aéro, Taube, Zeppelin.
Gourbi
Dans l’argot des combattants, désigne un abri (v.). Le terme s’applique peu en première ligne, il est utilisé surtout à partir de la seconde ligne jusqu’au cantonnement.
Renvoi à : Abri, Cagna, Guitoune
Bibliographie : Albert Dauzat, L'Argot de la guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, Paris, A. Colin, 1918.
Citations :
"Tout ce chemin est occupé par des gourbis. Ce sont des abris plus ou moins confortables, avec de la terre, des branches et de la paille." (Étienne Tanty, Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Paris, France bleu/Italiques, 2002, p. 113)
"Un de nos gourbis, celui de la 2e demi-section, venait de s’écrouler. (…) Les pluies avaient peu à peu fendillé le sol du coteau. Une masse argileuse, qui formait le fond du gourbi, établi comme beaucoup d’autres dans une cavité à même la pente, venait de se détacher soudain des terres voisines et d’écraser le frêle édifice, trop faiblement étayé. Sous un amas enchevêtré de poutres, de branchages et de mottes de boue, des blessés gémissaient et criaient au secours." (Marc Bloch, "Souvenirs de guerre", L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2006, p. 155).
GQG (Grand Quartier Général)
Organisme créé à la mobilisation et chargé, avec les moyens nécessaires en matériel et personnel, d’assurer la conduite de la guerre terrestre. Ses principales localisations au cours de la guerre ont été d’abord Chantilly, puis Beauvais, Compiègne et pendant un certain temps en 1918 Provins.
Citation :
"Je trouve mes collègues assez montés contre l’autorité militaire. Le G.Q.G. joue un peu au dictateur. Déjà, Sarrail et son état-major s’en plaignaient : ici même impression d’étouffement." (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 60, 12 décembre 1914) ;
"Au début de la guerre, par un phénomène incroyable et que rien ne faisait prévoir lorsque je suis parti en août, le Gouvernement a laissé créer deux Etats dans l’Etat : le ministère de la Guerre et le G.Q.G. Il lui faut reconquérir sa suzeraineté sur l’un comme sur l’autre" (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p.p. 145-146, 27 juillet 1915).
Grenade
Arme de combat rapproché constitué d’une enveloppe de fonte emplie d’explosif à l’intérieur. Lancée à la main, son explosion propulse de multiples petits éclats, qui, sinon toujours meurtriers provoquent fréquemment la mise hors de combat temporaire de ceux qui en sont atteints. Son emploi ne fera qu’augmenter au cours de la guerre avec la spécialisation de section de grenadiers partant à l’assaut avec des musettes pleines de ces engins dénommés "citrons" eu égard à leur forme ovoïde et à leur aspect extérieur. La grenade allemande, elle, était fixée sur un manche de bois.
Citation :
"Ici, le fusil tombe en désuétude, c’est surtout de la grenade qu’on se sert : c’est une arme réellement terrible." (Charles Gaillard, Au front à 17 ans. Lettres d’un jeune Morbihannais à sa famille, présentées par Blanche-Marie Gaillard, Saint-Cyr-sur-Loire, Alan Sutton, 2005, p. 147, septembre 1915).
Grignotage
Nom donné à la période des attaques partielles inutiles et coûteuses en vies humaines ordonnées par le commandement français au début de la guerre des tranchées (fin 1914-1915). Le terme vient de l’expression attribuée à Joseph Joffre, généralissime français, face aux critiques de cette stratégie : "je les grignote" ;
"Je les grignote, dit cette vieille bedaine de Joffre, mot que la presse servile recueillit comme une perle rare" (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Paris, La découverte, 1997, p. 115) ;
"Il faut attendre, user l'adversaire, le grignoter suivant le mot fameux du père Joffre" (Gaston Pastre, Trois ans de front. Belgique - Aisne et Champagne - Verdun - Argonne - Lorraine. Notes et impressions d’un artilleur, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p. 63) ;
"Je suis hors de moi. J’ai cheminé sous les balles qui rasent, presque à plat ventre vers les Minenwerfer qui tombent. Je ne comprends pas. L’art de la guerre se réduit à être un boucher méthodique. Ce monstrueux grignotage de la France m’écoeure. Tant d’héroïsme mal utilisé, pas d’autre pensée stratégique que de choisir un terrain au petit bonheur." (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 367, lettre du 21 mai 1915).
Grosse Bertha
Surnom d’une pièce d’artillerie lourde allemande. Initialement donné à un obusier conçu en 1908 par les usines Krupp, et nommé ainsi en l’honneur de Bertha Krupp (héritière du groupe), le nom est attribué par la suite de manière erronée mais durable au canon lourd allemand à très longue portée installé en forêt de Crépy-en-Laonnois, qui tire 370 obus sur Paris en 1918.
Groupes francs : Corps francs
Guitoune
(De l’arabe "kitoun", tente)
Désigne une tente ou un abri en argot militaire.
Renvoi à : Abri, Cagna, Gourbi
Citations :
"Même en première ligne chaque groupe de deux, trois ou quatre hommes avait sa "guitoune" où après les heures de garde ou de corvées on pouvait s’étendre sur une bonne brassée de paille…" (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Paris, La découverte, 1997, p. 100) ;
"Légère et perméable au froid, notre guitoune. Deux piquets fourchus supportant un rondin en guise de maîtresse poutre, d’autres rondins coupés au hasard, tors, inégaux, s’appuyant du bout à cette maîtresse poutre, et cela fait une maison" (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll "Points", p. 129, 26 septembre 1914).
Hotchkiss
Mitrailleuse capable de tirer 450 coups par minutes [Nobécourt, Fantassins, 87]. Les usines Hotchkiss de Saint-Denis et de Lyon fourniront au cours de la guerre plus de 40.000 unités du "modèle 1914". Supérieure à la mitrailleuse Saint-Etienne en terme de solidité et de fiabilité, le succès de la mitrailleuse Hotchkiss entraînera l’arrêt de la production de la première en 1917.
Renvoi à : Chauchat, Lebel, Saint-Etienne, VB
Bibliographie : Jean Huon, Les armes françaises en 1914-1918, Chaumont, Crépin-Leblond, 2005.
Hussards
Subdivision de l’arme de la cavalerie. A l’origine les "houzards" étaient des troupes des steppes d’Europe Centrale chargés de rechercher loin en avant la présence de l’ennemi. Acclimatées en France sous l’Ancien Régime, elles se dénommaient cavalerie légère, aptes, par petites équipes, à la reconnaissance et aux liaisons. On les opposait aux cuirassiers, troupe destinée à charger en formations massives. Infanterie divisionnaire : terme apparu entre 1916 et 1917 au fur et à mesure que les divisions d’infanterie sont passées de deux brigades d’infanterie à deux régiments à celui de trois régiments, regroupés sous les ordres d’un général ou colonel "Commandant de l’infanterie Divisionnaire X", X, étant le numéro de la division concernée.
Jus
Dans l’argot des combattants, désignation du café.
Renvoi à : Gnôle, Pinard
Citations :
"Voilà qu’il nous réclamait sa part de jus ! Il en but les trois quarts et dégusta aussi de l'horrible gionle qui cependant le ranima un peu (...)" (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Paris, La découverte, 1997, p. 131);
"Mes hommes ne tardent pas à revenir avec une provision de biscuits et du café chaud. À la vérité, ce "jus" est bien clair. Il provient de marcs qui ont déjà servi." (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves, journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 119).
Kaputt
Adjectif allemand qui signifie cassé, abîmé, ou, plus familièrement, foutu. Employé par les combattants français souvent de manière moqueuse à l’adresse des ennemis.
Citation :
"Le fusil claque, plus d’homme; seul le calot qui a sauté en l’air d'un bon demi-pied, retombe sur le parapet et s’y pose. Tous rient et battent des mains: "Ah! il en a, des Boches, sur la conscience!" Et Pécou redescend, ses petits yeux clignotant de contentement, en disant: "Kamarad, kapout!" Il le répète deux ou trois fois en regagnant sa place, où de nouveau il épluche son oeuf en silence." (Lieutenant E.R. (Capitaine Tuffrau) [Paul Tuffrau], Carnet d’un combattant, Paris, Payot, 1917, p.p. 171-172).
Lebel
Fusil qui équipe les armées françaises. Conçu en 1886 et modifié en 1893, son calibre est de 8 mm. Il est à la fois robuste, précis, et légèrement dépassé en raison de la lenteur de chargement de son magasin. Ses équivalents allemand et britannique sont respectivement le Mauser G98 et le Lee-Enfield Mark I. La longueur du fusil Lebel (1,80m) le rend d’usage très peu pratique dans les tranchées souvent étroites de la guerre de position.
Renvoi à : Chauchat, VB
Bibliographie : Jean Huon, Les armes françaises en 1914-1918, Chaumont, Crépin-Leblond, 2005, p. 21-22
Citations :
"Soudain les Lebel crépitent : c’est l’assaut !" (Ivan Cassagnau, Ce que chaque jour fait de veuves ; Journal d’un artilleur 1914-1916, Paris, Buchet-Chastel, 2003, p. 78) ;
"J’espère que tu dois commencé à savoir te servir de Mademoiselle Lebel" (Lettre de Joseph Papillon à son frère Lucien, "Si je reviens comme je l’espère" Lettres du front et de l’arrière 1914-1918, Paris, Grasset, 2004, p. 77).
Ligne (1ère, 2e, etc.)
Le creusement des tranchées à l’automne 1914 amène à distinguer en "lignes" les zones du front et les tranchées qui y sont creusées. La première ligne est ainsi celle qui fait directement face aux lignes adverses, c’est la zone la plus dangereuse, où les combattants font des séjours généralement brefs (de l’ordre d’une semaine) hors des grandes batailles qui conduisent à rester longtemps en "ligne". L’intervalle entre les lignes est variable, et la communication se fait par des boyaux. Une fois la guerre de tranchée installée dans la durée, le réseau défensif s’organise en profondeur. Chaque ligne est une suite continue de tranchées ou de fortins, et un ensemble de ligne constitue une position. Dans la plaine de Reims, au moment de l’offensive du Chemin des Dames, il y a souvent trois positions allemandes successives, chacune constituée de plusieurs lignes.
Renvoi à : Boyau, Sape
Bibliographie : Michel Goya, La chair et l'acier. L'armée française et l'invention de la guerre moderne
(1914-1918), Paris, Tallandier, 2004, p. 271.
Citations :
"Notre première ligne n’était qu’une ligne brisée avec des intervalles entre sections et compagnies qui allaient jusqu’à quatre cents mètres." (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Paris, La découverte, 1997, p. p. 289).
Limoger
Le terme date des débuts de la guerre et signifie envoyer un officier supérieur, que l’on considère comme inefficace et incompétent, dans un commandement subalterne, qui n’est forcément Limoges. Il s’applique d’abord à la grande vague de généraux démis par Joffre dans le contexte de la retraite de 1914 et de la bataille de la Marne puis devient courant : Le mot s’est étendu a toute forme de renvoi par une autorité supérieure, tel qu’il est employé aujourd’hui.
Bibliographie : Rémy Cazals, Les mots de 14-18, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003, p. 69.
Citation :
"Je profitai de mon enquête pour obtenir le limogeage [du général] Duchêne" (Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 303, 30 juillet 1918).
Marcher
C’est une des activités traditionnelles du fantassin. Même dans la guerre des tranchées, on marche pour aller d’un cantonnement à l’autre, des lignes vers les positions de repos, et là on marche en guise d’exercice. Le mot signifie aussi "obéir aux ordres". La Chanson de Craonne dit : "Person’ ne veut plus marcher".
Renvoi à : Descendre, Monter
Bibliographie : Rémy Cazals, Les mots de 14-18, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003, p. 72.
Citation :
"Nos hommes sont exténués. Ils marchent toutes les nuits, ou deux nuits sur trois, souvent inutilement. (Louis Birot, Carnets. Un prêtre républicain dans la Grande Guerre, Albi, FSIT, 2000, p. 236, août 1916).
Marmite / marmitage
Dans l’argot des combattants, désignation des projectiles allemands par les soldats français, en particulier des Minenwerfer (v.) sans doute en raison de leur forme et de leur poids.
Renvoi à : Minen
Citations :
"J’entendis arriver une grosse marmite qui me parut m’être destinée. Je piquai une tête dans le boyau, tête première. Il était temps, elle éclata derrière moi, sur le parapet, me couvrant de terre et de débris." (Xavier Chaïla, C’est à Craonne, sur le plateau. Journal de route 1914-1919, Carcassonne, F.A.O.L., 1997, p. 68).
"Une marmite s’est écrasée sur le parapet, enterrant mes fusées, brisant un fusil-mitrailleur, blessant plusieurs hommes. Les autres se disent commotionnés, ils sont surtout abrutis, apeurés." (Jean-Pierre Biscay, Témoignage sur la guerre 1914-1918 par un chef de section, Montpellier, Causse, 1973, p. 77) ;
"Mon Commandant, je ne salue que les marmites quand elles passent". (caporal anonyme du 174e RI, juin 1917, rapport du commandant Brique, le 7 juin 1917, SHDT 16 N 1521) ;
« Favigny devina que "marmite" signifiait quelque chose de dangereux; mais au "dépôt" on ne leur avait pas enseigné ce que cela voulait dire" (Jean Bernier, La Percée. Roman d’un fantassin 1914-1915, Paris, Agone, 2000 [1e éd. 1920], p. 26).
Mélinite
Explosif brisant à base d’acide picrique, mis au point en 1885 par le chimiste Eugène Turpin. Elle est de couleur jaune paille, d’où son nom ("méli" : miel en grec). Son pouvoir de destruction a conduit à la remise en cause des forts dits Séré de Rivière souvent déclassés pour cette raison en 1914.
Bibliographie : Coll., La Butte meurtrie. Vauquois. La guerre des mines, 1914-1918, Verdun, Les Amis de Vauquois et de sa région, mai 2004.
Citations :
"Notre grande arme demeura les pétards à la mélinite que l’on jette à la main après en avoir allumé l’amorce." (Marc Bloch, "Souvenirs de guerre", L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2006, p. 152).
Mercanti
Mot à connotation péjorative, utilisé par les combattants français pour désigner les civils commerçants ou improvisés commerçants qui vendent, à proximité du front, des boissons ou d’autres produits à des prix exagérément élevés.
Renvoi à : Embusqués, Profiteurs
Citations :
"Nous sommes dans Fismes, la ville des suprêmes débauches. Tous les rez-de-chaussée sont les épiceries qui débordent sur la voie. Nous n'avons jamais vu de telles pyramides de charcuteries appétissantes, de boites aux étiquettes dorées, un tel choix de vins, d'alcools, de fruits. Peu d'objets : ici on n'achète pas ce qui dure. Mais partout de la boisson et de la nourriture. Les mercantis nous traitent comme des chiens et nous annoncent les prix d'un air de défi. Nous n'avons jamais payé aussi cher et les soldats murmurent. Les vendeurs leur lancent un regard froid, implacable, qui signifie : à quoi vous servira votre argent si vous n'en revenez pas ? C'est vrai ! Une détonation plus forte décide les plus économes ; ils se chargent les bras et tendent leurs billets. Buvons donc, bouffons donc ! A en crever... Puisqu'il faut crever!" (Gabriel Chevallier, La Peur, Paris, Stock, 1930, p. 210, Fismes après le 16 avril 1917) ;
"Ce village, quoique situé à peine à quelques kilomètres des lignes allemandes, n’avait jamais été bombardé ; la population civile était rassurée et se livrait sans scrupules à son odieux trafic de mercanti, qui consiste à voler le poilu sous prétexte de lui fournir les matières de première nécessité." (Georges Caubet, Instituteur et sergent, Mémoires de guerre et de captivité, présentés par Claude Rivals, Carcassonne, FAOL, "La Mémoire de 14-18 en Languedoc", 1991, p. 13, près de Verdun, février 1916).
Midis
Désignation des soldats méridionaux, qui peut prendre une tournure péjorative, notamment avec le scandale causé en 1914 par la mise en cause du comportement des troupes méridionales du XVe corps lors de la bataille de Dieuze.
Mine
Charge d’explosifs que l’on amenait sous la tranchée ennemie afin de la faire exploser. Les mines étaient placées dans des galeries souterraines (Fourneau), creusées à cette fin par des troupes spécialisées, les sapeurs. Par extension, on désigne comme la "mine" l’ensemble du cheminement souterrain creusé par l’assaillant jusque sous la position adverse pour y aménager une chambre de mine. Ce type de guerre était très craint des combattants, comme de ceux chargés de placer les mines. Des entonnoirs (par exemple à Massiges, Marne ou à Vauquois, Meuse) et des galeries de mine (à la Chapelotte, Vosges) sont encore visibles dans le paysage.
Renvoi à : Entonnoir
Bibliographie : Coll., La Butte meurtrie. Vauquois. La guerre des mines, 1914-1918, Verdun, Les Amis de Vauquois et de sa région, mai 2004.
Citation :
"Le soldat du 2e génie Pierre Guiraud écrit à ses cousins en mai 1918 à ce sujet "ses le plus sale travail que l’en fait en et plus dangeureus que en car cam on travail a se metre desou la terre et que eu vous font sauter la mine vous éte sur dit raister " (correspondance inédite).
Minen / Minenwerfer
Nom des pièces d’artillerie de tranchée allemande, et, par extension, désignation des projectiles qu’elles envoient.
Renvoi à : Crapouillot, Marmite
Citations :
"Les vilains "Minenwerfer", lourdes torpilles, laids crapouillots, étaient encore choses inconnues dans ce secteur." Carnets de L. Barthas, p. 100 ;
"C’est un sujet contre lequel les soldats récriminent le plus. Il serait heureux que notre artillerie lourde puisse museler rapidement les Minen dès qu'ils se mettent en action et que nous soyons dotés d'engins aussi puissants et aussi précis." (combattant du 369e RI fin 1917, cité dans Nicot Jean, Les poilus ont la parole, p. 65, n.5) ;
"C’est là que j’ai pu voir leur redoutable Minenwerfer, bombe de 60 kilos dont le trou qu’elle fait en tombant contiendrait dix hommes. Aussi, si ça tombait sur un gourbi, il n’existait plus rien de ce qui auparavant nous servait d’abri." (Fernand Tailhades, "Souvenirs", dans Eckart Birnstiel et Rémy Cazals éd., Ennemis fraternels 1914-1915, Toulouse, PUM, 2002, p. 170, Vosges, mars 1915).
Monter
Pour les combattants français, le verbe monter devient durant la guerre synonyme d’"aller aux tranchées", en raison notamment de l’organisation du "système-tranchées" (F. Cochet) qui fait alterner dans le temps des séjours dans des espaces (arrière, arrière-front, front-arrière, zone de feu) plus ou moins dangereux. On "monte" vers le feu et les tranchées de première ligne. Inversement durant les mutineries les combattants refusent de "monter".
Renvois à : Descendre, Marcher
Citations :
"On "monte" toujours aux lignes, bien qu’elles soient souvent dans un bas-fond. Ce n’est pas qu’on y respire l’air léger des sommets (…) mais c’est qu’il est plus malaisé de monter que de suivre un chemin dans la plaine et qu’on n’arrive pas dans les tranchées de combat sans un rude et tragique labeur" (Daniel Mornet, Tranchées de Verdun, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1990, p. 13) ;
"Les régiments d’infanterie en ont complètement marre et une grande partie refuse de monter; c’est à cause de cela que Paul est au mont Haut, ceux qui devaient y aller ayant refusé de monter." (Fernand Maret, Lettres de la guerre 14-18, Nantes, Siloë, 2001, p. 211).
Mutilation volontaire
Blessure infligée sur lui-même par un soldat afin d’échapper au front ou au service actif. Il s’agit souvent de coups de feu que l’on se tire sur un membre, et parfois d’ingestion de substances provoquant des maladies, mais à la toxicité limitée. Les mutilations volontaires semblent avoir été particulièrement nombreuses au début de la guerre, les soldats étant désemparés devant les conditions que le conflit leur imposait. Le commandement assimila la mutilation volontaire à un abandon de poste en présence de l’ennemi et de nombreux soldats ont été condamnés ou / et exécutés pour ce délit.
Renvoi à : Conseil de guerre, Cour martiale
Bibliographie : Nicolas Offenstadt, Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective, 1914-1999, Paris, Odile Jacob, 1999 ; André Bach, Fusillés pour l’exemple, Paris, Tallandier, 2003.
Citation :
"Quand j’arrive incident très grave. Le major Merlat est occupé avec un autre médecin à réviser les plaies suspectes de la main gauche. Dans un grand nombre de cas la mutilation volontaire est évidente." (Louis Birot, Carnets. Un prêtre républicain dans la Grande Guerre, Albi, FSIT, 2000, p. 32, août 1914).
Nettoyage / Nettoyeur de tranchées
Mise hors d’état de nuire des ennemis restés dans les tranchées en deçà de la progression des troupes d'assaut. Très importante puisqu’elle consiste à s’assurer qu’on ne laisse d’ennemis dans son dos, la mission de nettoyage de tranchées a donné lieu à toute une série de récits sanglants ou de mythes plus ou moins conformes à la réalité. Des unités étaient spécialisées dans ces opérations qui se faisaient à l’arme de poing, à la grenade ou plus rarement au couteau.
Renvoi à : Baïonnette, Corps francs
Bibliographie : Thierry Hardier, Jean-François Jagielski, Combattre et mourir pendant la Grande Guerre, (1914-1925), Paris, Imago, 2001, p. 74.
Citations :
"Les vagues d’assaut franchiront les tranchées conquises sans s’y arrêter. Les "nettoyeurs", comme leur nom l’indique, "feront le ménage" c’est-à-dire neutraliseront les occupants à coups de pistolets, de grenades et même de couteaux ! C’est ce qui explique cette distribution d’armes nouvelles. Quelques-uns brandissent leur coutelas en exécutant une espèce de danse du scalp, mais malgré cette exubérance, beaucoup répugnent à l’employer et presque tous le jetteront au départ. "Nous ne sommes pas des assassins ! Disent-ils." (Émile Morin, Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, p. 89, septembre 1915).